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dimanche, 22 mars 2020

Lost in translation - Le Covid vu par une Française en Inde - 22.03

  • Nombre de cas en France : 16 018 (674 morts)
    • Jour de confinement : 6
  • Nombre de cas en Inde : 391 (7 morts)
    • Couvre-feu national

Bon ça y est, le problème des riches est réglé : confinement à Delhi, Mumbai et d’autres villes. Vous restez chez vous et surtout personne ne rentre chez vous. Vous dites au-revoir (avec quelques salaires d’avance) à vos femmes de ménage, cuisinières, chauffeurs (bon eux de toute façon ils n’en ont plus vraiment besoin hein), jardiniers, nettoyeurs de piscine (du coup les pistoches vont finir dégueu et si on crève pas du corona, le palu aura plus qu’à nous cueillir) etc. Tu peux me croire ça a rué dans les brancards, et ça continue.

La carte finale des pros confinement – parce que notre résidence en a pris la décision avant le Gouvernement – c’est que des femmes de ménages l’ont attrapé dans le coin. Ce n’est plus qu’un truc de riches. Terminé les œillères.

Cette après-midi, j’ai craqué ma petite larme à la vue des balcons de l’immeuble voisins. Même si je clame depuis deux jours que cette histoire d’applaudissement ça ne rime à rien, bah voir 200 Indiens taper sur des bambous, ça m’a remuée. Mais en même temps, n’importe quel anniversaire, fête d’école ou mariage me fait le même effet – j’ai l’air maligne quand mon frère va souffler ses bougies et que je hoquète pour retenir mes sanglots.

(Si tu penses que les Français sont indisciplinés, regarde ce que certains Indiens ont compris au lieu de « applaudissez de votre balcon ou fenêtre » : vidéo. Ben nan, ils se sont rassemblés dans la rue. Parfois menés par des dirigeants politiques même.

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Enfin pas tous et pas partout mais quand même un nombre non négligeable. D'ailleurs, dans cette vidéo, la police punit les rebelles par des... je te laisse regarder !)

Émouvant ou flippant voici Connaught place à Delhi, avant et après le couvre-feu:

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Plus de photos des villes indiennes vidées de leur monde ici.

Du coup je me suis fait une petite piscola à l’apéro. Et puis une deuxième. Et ouais madame, moi je me saoule au pisco. Et nan, on n’en trouve pas en Inde. À peine à Paris non plus d’ailleurs. Ça m’a fait mal aux fesses de débourser 60 balles en janvier pour une bouteille. J’ai même tourné une heure dans le quartier comme une âme en peine avant de me décider. Et là, mais comme je me FÉLICITE de ne pas être repartie les mains vides !!

Du coup vers 21 heures, le moral est reparti en flèche !! Happy campers, on a même décidé de dormir en famille sur le balcon, histoire de profiter des dernières fraîches de mars et de l’air moins pollué, de la forte réduction de la circulation (aérienne et routière) et de son bruit. Et là, alors que nous étions bien calés sous la moustiquaire et que mon mari jouait de la guitare, le blues est revenu. Quelle idée aussi, de jouer

Histoire de ne pas finir sur une note tristoune, je vais te raconter notre journée couvre-feu. Au réveil, j’ai lu l’histoire du vol Amsterdam-Delhi du 21 mars. Les autorités indiennes ont autorisé KLM à décoller et ont changé d’avis à mi-chemin. Au-dessus de la Russie, demi-tour pour une centaine d’Indiens qui fuyaient les US et sont maintenant bloqués aux Pays-Bas. Plus tard, tandis que je m’habillais, mon fils de 5 ans m’a dit « maman, c’est pas la peine de mettre un soutif, t’iras nulle part aujourd’hui. » En v’la un qui perd pas le nord !

Ensuite ça a été fabrication de maracas avec des graines, premiers essais de drone, ponçage d’un établi, puzzle, cuisine, peinture, ratiboisage des poils du chat et douche, rangement des chauffages – en fait nous allons bientôt devoir rallumer la clim, sans transition (on a remis le ventilo que depuis 3 jours !). Bref, nous avons quasiment épuisé en une journée notre palette d’activités ; c’est malin, le confinement a même pas encore commencé… Personne n’est sorti dans les rues de la résidence, sauf deux jeunes voisins. Des Italiens. Ça ne s’invente pas. Même leur mère qui m’ignore depuis 4 ans est venue me parler ensuite. Aujourd’hui. En plein couvre-feu. Ça ne s’invente pas. Et puis à 16h la nounou est sortie de sa chambre avec des moustaches de chat peintes sur le visage. Ça ne s’invente pas non plus mais va ptet falloir que j’y réfléchisse à un moment ou un autre...

Et puis sans transition, l’exercice d’échauffement (un couvre-feu national de 14 heures) s’est transformé en confinement dans plusieurs villes indiennes (effectif demain à 6h du matin), à la charge des États de choisir, le Gouvernement central a du mal à prendre ses responsabilités. Donc maintenant, on n’a plus qu’à écouter Calogero :

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samedi, 21 mars 2020

Le Covid vu par une Française en Inde - 21.03

  • Nombre de cas en France : 14 459 (562 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 329 (7 morts)

Je ne sais pas chez vous, mais en Inde, le coronavirus est une maladie de riches. Et amène donc à devoir gérer des problèmes de riches. Par exemple, rester chez soi, ok – les riches ont des endroits agréables où vivre – mais se passer des femmes de ménage, des cuisinières, des chauffeurs, des promeneurs de chiens, des nounous, des jardiniers ? Faudrait pas pousser mémé dans les lotus non plus. Et pourtant, on y vient doucement, chaque jour voyant une nouvelle règle auto-imposée (par les riches Indiens ou leurs copropriétés). Aucun confinement n’a été exigé du Gouvernement et pourtant des vidéos circulent déjà de gens à leur balcon qui chantent. Comme s’ils n’attendaient que cette occasion de faire un peu de bruit (il y a déjà des messages expliquant que les vibrations émises facilitent la circulation sanguine et redonnent le moral – de toute façon, à part les chants et les prières, ou un coup de bol monstrueux, y a rien pour les sauver).

Pourtant, dans ma copropriété, les riches s’excitent. Il faut maintenant se déclarer si on a reçu des visiteurs étrangers ou si on a soi-même voyagé, ou bien dénoncer ses voisins. Dans certains endroits, les portes sont taguées, histoire de forcer les gens à rester chez eux (ça me fait flipper). C’est là qu’on découvre que tous les riches parents indiens sont en train de rapatrier leurs enfants étudiants des quatre coins de la planète. Et qu’ils sont assez responsables pour suivre la quarantaine. Mais pas sans leur bonne. Faut dire que leur enjeu est de taille : ils ont souvent leurs vieux à la maison et ils ne font pas confiance au système hospitalier indien – pour les gros bobos ils préfèrent aller se faire traiter aux États-Unis, et ils peuvent puisqu’ils sont riches. Sauf que là, cette porte de secours n’est pas vraiment une option.

C’est une maladie de riches parce qu’elle se transmet par des gens qui ont voyagé (et donc les moyens de prendre l’avion pour l’étranger) ou qui ont des amis qui ont voyagé. Une chanteuse de Bollywood a pas attendu deux jours après son retour de Londres pour faire une teuf, juste avant d’être admise à l’hôpital, victime du virus. La presse s’inquiète de la centaine d’invités de marque (dont des hommes politiques) qui ont été exposés, comme si eux seuls pouvaient tomber malade. Quid des serveurs, des chauffeurs etc. ? Les hommes et femmes de l’ombre semblent être magiquement immunisés. Les riches bien-pensants clament donc être inquiets aujourd’hui de mettre à risque leur personnel. Mais pas quand même au point de leur demander de rester chez eux. Après tout, s’ils ont résisté jusqu’à présent aux nombreuses merdes qui traînent*, c’est pas une petite grippe qui va les avoir.

Enfin ça, c’est ce que pensent les riches. Ils sont encore dans la désillusion qu’ils sont les seuls à pouvoir se payer le coronavirus. Ils font l’autruche quoi, parce qu’ils sont pas cons les riches – encore que – mais ils savent que si ça se répand chez les autres (la grosse grosse majorité des Indiens), ça va être une catastrophe.

En attendant, tout le monde en Inde se prépare dans la bonne humeur au couvre-feu de demain (Janta Curfew), et fait briller ses casseroles pour faire du bruit à 17 heures.

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* Si on en croit les statistiques de 2010-2013, voilà à peu près de quoi décèdent 57% des 9 millions d’Indiens qui trépassent chaque année (je n’ai pas mis les décès liés aux naissances ni aux accidents par exemple) : (source). C’est fait un taux brut de mortalité de 7,25 en Inde (7,25 morts pour 1 000 Indiens) contre 9,30 en France (sans doute à cause de la pyramide des âges).

  • Tuberculose : 3,7% i.e. 343 000 morts
  • Maladies de diarrhée : 5,1% i.e. 473 000 morts
  • Malaria : 2% i.e. 185 000 morts
  • Infections respiratoires – qui se communiquent : 3,9% i.e. 362 000 morts
  • Infections respiratoires – qui ne se communiquent pas : 7,6% i.e. 705 000 morts
  • Fièvre d’origine inconnue : 3,2% i.e. 297 000 morts
  • Problèmes cardiovasculaires : 23,3% i.e. 2 160 000 morts
  • Diabète mellitus : 2,3% i.e. 213 000 morts
  • Cancer : 6,1% i.e. 566 000 morts

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vendredi, 20 mars 2020

Le Covid vu par une Française en Inde - 20.03

  • Nombre de cas en France : 10 995 (372 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 236 (4 morts)

Je me demandais hier soir si je publierai un post aujourd’hui. Après tout, faut pas en faire des caisses non plus.. Mais le Premier Ministre indien a parlé. Et comme cette nouvelle de bon matin nous a valu, à mon mari et moi-même, une de nos rares disputes, ce serait dommage de ne pas en parler.

Alors voilà, Modi a lancé le Janta Curfew (ou Couvre-feu Janta, Janta signifiant le peuple). Et alors là, tiens-toi bien, les mesures sont à l’échelle du problème. Ou pas.

  1. Dimanche 22, un couvre-feu auto-imposé a été lancé. Tout le monde est « invité » à rester chez soi de 7 à 19 heures.
  2. Le 22 mars, les Indiens sont invités à se mettre à leur balcon et applaudir pendant 5 minutes pour tous ceux qui ouvrent à nous sauver.
  3. Il est recommandé aux résidents indiens de pratiquer la distanciation sociale.
  4. Il est recommandé aux vieux de rester chez eux.
  5. Il est recommandé de ne pas aller à l’hôpital pour des trucs de routine ou pas grave ou pas urgent.
  6. Une force d’intervention économique va être mise en place.
  7. Ne cédez pas à la tentation de stocker et d’acheter sous la panique.
  8. Les riches doivent aider les pauvres. Par exemple, si vous demandez à votre chauffeur de rester chez lui, payez-lui quand même son salaire.
  9. N’écoutez pas les rumeurs.
  10. Faites circuler le message à au moins 10 personnes – le téléphone arabe (oops ça plairait pas à Modi ça) sur les réseaux sociaux fonctionne mieux que ses annonces télévisées.

Ce qui circule encore plus vite sur whatsapp, c’est une note expliquant l’intérêt du couvre-feu de dimanche : Comme le virus ne survit que 14 heures sur des surfaces pas humaines, paf, une journée à la maison et on n’en parle plus. M’est-avis que c’est une petite machination du Congress ce message, une pique visant à décrédibiliser le parti au pouvoir. C’est quand je me suis insurgée contre cette idée – un peu agressivement peut-être, j’y peux rien, la connerie ça m’énerve – que mon Indien préféré a réagi.

À part ça, j’ai pu lire que ce couvre-feu était davantage une « expérience sociale » que quelque chose de médical. Histoire de voir si les Indiens peuvent rester chez eux, quand ils ont un chez-eux. Bonne idée de le faire un dimanche en plus, quand les gens (de la classe moyenne) en général restent déjà chez eux (à part un petit resto ou un petit film ou un petit tour au mall). Comme ça on va avoir des résultats bien probants.

Quant au point 4, c’est un point délicat en Inde où les grands-parents vivent encore majoritairement à demeure chez leurs enfants. C’est pratique pour garder les enfants quand l’école ferme mais dans ce cas présent, il semblerait que cela les mette à risque.

Bref, ce Janta Curfew, c’est un peu une blague. C’est histoire de dire « on ne parque pas les gens chez eux » (mais ils sont assez matures pour décider de le faire tout seul) mais on ne fait pas rien non plus, comme les collègues iraniens. Et puis ils grattent la corde sensible des Indiens : leur émotionalité. Tapons dans les mains, chantons Om et tout ira bien. Mais bon, à défaut de pouvoir faire mieux vu les circonstances (d’hygiène, de pauvreté, de surpopulation, d’insuffisance hospitalière), on se contentera de ça !

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