mardi, 17 mars 2020
Le Covid vu par une Française en Inde - 17.03
- Nombre de cas en France : 7 340 (175 morts)
- Nombre de cas en Inde : 140 (2 morts)
- Fermeture des monuments historiques, et de certains temples.
- Fermeture des écoles partout en Inde – déjà en place à Delhi NCR depuis le 5 mars. Il faut dire, en Inde, on ferme les écoles pour tout et rien : trop chaud, trop froid, trop de pluie, élections etc. C’est qu’il y a en général les grands-parents ou des nounous à demeure, voire les mères qui ne travaillent pas. Pour les plus démunis c’est une autre histoire.
- Le Gouvernement demande aux autorités de mettre en place la distanciation sociale.
- Hier, les autorités de Delhi ont réquisitionné 3 hôtels pour la quarantaine des passagers entrant en Inde : 2 Lemontree et l’Ibis d’Aerocity – la note sera à la charge du voyageur, mais limitée à 50€ la nuit.
Hier nuit, grande première, j’écoute le discours du Président français en live. Celui dans lequel il répète six fois que mon pays est en guerre. Et dans lequel il annonce la fermeture des frontières. En fin de journée, la fatigue aidant, je craque ma petite larme. Depuis 2006, la France ne m’a jamais parue aussi loin. La raison me dicte de me calmer : ce n’est que pour que quelques semaines, et en cas d’urgence l’ambassade nous rapatriera. Peut-être mais je n’ai pas envie d’être raisonnable ce soir. Alors je chouine. Et mon mari me demande de cesser d’aller sur Facebook :-)
La bonne nouvelle du jour c’est que mes amis français souvent trop occupés pour se souvenir de moi – en même je n’ai qu’à m’en prendre à moi-même, c’est moi qui suis partie – se rappelle à mon bon souvenir ! Ils ont un peu plus de temps pour envoyer des messages, c’est chouette.
Et puis mes voisins indiens se sont mis au télétravail et les aires publiques de la résidence les voit désormais se balader – oui je sais, c’est illogique, ils sortent maintenant qu’on leur demande de rentrer chez eux… Mais du coup, on se rencontre, on se parle, on rit, on échange. Certains (Indiens) flippent (au bord de la psychose), la plupart voit tout ça de loin, incapables de même imaginer ce que les Chinois et les Européens vivent et beaucoup prennent la situation avec philosophie. « Dekhte hain. » (On verra bien.) C’est-à-dire qu’ici, on est habitués aux catastrophes naturelles : sécheresses, inondations, tremblements de terre, famines (24 entre 1770 et la dernière, en 1943, qui auraient fait 60 millions de morts), la grande grippe de 1818 qui auraient causé 17-18 millions de morts (source). Bref, inconscients ou philosophes, les Indiens vivent au jour le jour…
Ils ont même leurs propres blagues du genre « Ce que les Indiens n’ont pas réussi à apprendre aux Anglais en 400 ans [d’occupation], le coronavirus leur a appris en 4 jours : le namasté » !
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lundi, 16 mars 2020
Le Covid vu par une Française en Inde - Début mars 2020
11 mars
- Nombre de cas en France : 2 281 (48 morts)
- Nombre de cas en Inde : 65
- Des changements pour les visas ont commencé le 3 mars. Le 13 mars, les Indiens bloquent les visas.
- Un message automatique remplace la sonnerie d’attente quand tu appelles un portable : un type te tousse dans l’oreille avant une diatribe expliquant le corona virus. Un bel exemple d’utilisation de la technologie pour informer les gens.
- Depuis ce matin, la température est prise à tous les visiteurs de notre résidence.
Ma mère commence à baliser. Alors que je recommande à mes parents de faire le plein de bouquins et d’aller se mettre au vert en Normandie – y a pire quand même –, je partage mon enthousiasme : « Nous vivons un moment historique, c’est formidable ! » Depuis des années, je rêve d’appuyer sur le bouton pause, et voilà que ce moment arrive. Un temps pour se recentrer, être en famille, se reposer, bouquiner, écrire, jouer avec mon fils, travailler un peu aussi. En fait, c’est déjà presque mon quotidien, réalise-je, avec les voyages et les rendez-vous en moins. Et puis c’est facile pour moi de dire ça. Notre maison a un jardin, notre copropriété de grands espaces verts, pour que mon fils lâche le trop-plein d’énergie. Et si ça ne suffit pas, sa nounou peut s’occuper de lui. Y a de quoi avoir envie de rester coincé à la maison ! Limite, j’aimerais bien que ça nous arrive ici aussi…
14 mars
- Nombre de cas en France : 4 500 (91 morts)
- Nombre de cas en Inde : 100 (1 mort)
- Demain, le gouvernement de Delhi annoncera la fermeture des théâtres, gyms, piscines, boîtes de nuit.
- Après-demain, les autorités de Delhi interdiront les rassemblements de plus de 50 personnes. Ouf notre pote n’est pas passé loin avec son mariage. Ah non, attends, cette règle ne concerne pas les mariages. Et la marmotte…
Ce soir, nous allons à un mariage. Il faut se nettoyer les mains à l’arrivée. Les invités hésitent un peu sur la manière de se saluer. Cinq heures plus tard, l’alcool aidant, tout le monde se serre dans les bras. C’était peut-être irresponsable d’y aller, mais qu’est-ce que nous avons bien mangé !
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dimanche, 15 mars 2020
Le Covid vu par une Française en Inde - Février 2020
5 février
- Nombre de cas en France : 6
- Nombre de cas en Inde : 1
Un collègue français me parle de Wuhan. Quezaco ?? Jamais entendu parler de ce bled ! Ni du virus qui s’y propage. Sa description me fait penser à un roman apocalyptique et puis je retourne à mon travail, j’ai d’autres chats à fouetter moi.
17 février
- Nombre de cas en France : 11
- Nombre de cas en Inde : 3
Une collègue française me demande d’écrire un message de soutien à nos collègues chinois. Bien contente que ce virus de mes deux viennent de Chine et non d’Inde – ça la fout mal pour l’image quand même – j’arrive à faire de l’esprit :
« Message d’un géant qui fait peur au monde à un autre géant qui fait peur au monde :
Les Indiens, comme les Chinois, ont quelques proverbes de sagesse antique vers lesquels se tourner en période difficile.
J’ai trouvé celui-ci : « Nous ne pouvons pas changer la direction du vent, mais nous pouvons ajuster les voiles. » Et si je suis sûre que l’équipe d’Andros China maîtrise les bases de la navigation ou du cerf-volant, il m’a semblé un peu bateau.
Et puis je suis tombée sur un autre : « Lorsqu’un éléphant est en difficulté, même une grenouille le frappera. » Mais soyez assurés que le petit batracien indien est là pour soutenir le pachyderme chinois dans ses épreuves de début d’année. Nous pensons fort à vous. »
En même temps, j’entends parler du nouveau racisme dont les Français d’origine chinoise sont victimes. Une vidéo sur Facebook me fait rire : Une fille d’origine asiatique descend dans le métro, le visage couvert par un masque et collé au téléphone : « Je ne sais pas ce que j’ai, je reviens juste de Chine, et je tousse. » Trois glandus qui squattaient les sièges sur le quai se lèvent et se barrent en courant. Elle s’assoit et les traite d’idiot en se marrant. Et puis elle se tourne vers un quatrième individu, un noir, et lui demande pourquoi il ne s’est pas enfui comme les autres. « Moi, j’ai ebola. » Comme un ressort elle se lève et détale. Dans quel monde vivons-nous !
Pour terminer, mes parents, qui prévoyaient un voyage en Inde, en passant par Abu Dhabi, ont préféré annuler, à cause du risque d’être assis à côté d’un passager infecté. Je me suis moquée – comme d’habitude. Franchement, quelles sont les changes d’avoir pour voisin un Chinois malade sur un vol Paris-Abu Dhabi. Pour une fois, la répartie était prête : un Britannique avait fait le trajet Singapour-les Alpes françaises (sans être jamais allé en Chine) a refilé le virus à plusieurs personnes avant de rentrer au Royaume-Uni et de se faire diagnostiquer. Les 3 premiers cas en France (et en Europe), de Chinois ayant séjourné à Wuhan, sont annoncés le 24 janvier 2020. Le 29 janvier, le Britannique était dépisté. Les Chinois ne sont plus les seuls coupables, la maladie se propage.
28 février
- Nombre de cas en France : 57
- Nombre de cas en Inde : 3, tous guéris
Je regarde les statistiques en France et en Inde, matin et soir. On dirait les J.O.
Les gens me posent de plus en plus de questions sur le mystère indien : 3 cas seulement ? Ne savent-ils pas compter ? Ne comptent-ils pas ? Les Indiens sont-ils immunisés naturellement – le Corona ne trouvant pas sa place parmi les autres maladies qui traînent genre dysenterie, tuberculose, jaunisse, malaria, dengue ? Fait-il trop chaud ? (Pourtant, dans le nord, c’est encore l’hiver.) Nous croisons les doigts parce qu’un virus hyper transmissible pourrait faire un véritable carnage en Inde :
- Avec la surpopulation, ils ont l’habitude de vivre collés les uns aux autres. Faire la queue sans se frotter à son voisin, ce n’est pas envisageable.
- Alors ok, ils font traditionnellement le geste du « namasté» au lieu de se serrer la main ou de se faire la bise, mais à part ça ils sont hyper tactiles et marchent volontiers en se tenant la main.
- Selon la Public Health Association, seulement 53% de la population se lavent les mains avec du savon après défécation, 38% se lavent les mains avec du savon avant de manger et seulement 30% se lavent les mains avec du savon avant de préparer la nourriture.
- Seulement un quart de la population totale de l’Inde a de l’eau potable chez elle. (source)
- L’Inde aurait 739 024 lits d’hôpitaux dans des établissements publics – soit 0,6 lits pour 1 000 personnes (source). Les lits de réanimation représenteraient 5% du nombre total de lits (source), soit moins de 40 000. Et puis il faut voir les hôpitaux publics hein. Je voudrais pas cracher dans la soupe mais j’en ai visité un paquet, surtout les ailes réservées à l’accouchement où il n’est pas rare que plusieurs femmes partagent un lit pre et post-partum. La France a 3 lits en soins intensifs pour 1 000 habitants : 253 364 lits d’hôpitaux publics et 5 000 de réa (source)[4]. Je te laisse faire les maths et je nous laisse trembler (3 fois plus de lits d’hôpitaux, 8 fois plus de lits de réa, 20 fois plus d’habitants).
- Et puis comment survivraient les pauvres, ceux qui gagnent leur pain quotidiennement, si on les forçait à rester chez eux. Ah oui c’est vrai, beaucoup n’ont pas de chez eux. C’est pas gagné.
Des rumeurs circulent sur l’influence des températures sur le virus. Il est tentant de se réfugier dans ce mince espoir.
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08:00 Publié dans Covid19, Expatriation (en Inde et ailleurs), Histoires de Samouraï | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, expatriation, santé, corona, coronavirus, journal, covid-19 | Imprimer | Facebook |