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mardi, 02 février 2021

La fascinante histoire du thé indien - 2/5

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‘Tea First Hand.’ Advertisement for United Kingdom Tea Company. May 1895. Tea and Coffee 4 (52), John Johnson Collection of Printed Ephemera, Bodleian Library, University of Oxford, Oxford, UK. Source

Les Anglais, le thé et l’opium. Catherine de Bragance (1638-1705), princesse de Portugal, apporta dans sa dot l’île de Bombain (future Bombay) lorsqu’elle épousa en 1661 Charles II d’Angleterre. Et c’est elle qui popularisa le thé auprès de l’élite britannique. À cette époque, la cour portugaise, contrairement à la cour britannique, avait déjà l’habitude de boire du thé, peut-être en raison des liens commerciaux du Portugal avec la Chine. Quand Catherine débarqua à Londres après un long voyage en mer et demanda une tasse de thé pour se rafraîchir, on ne put que lui offrir un verre de bière ! Une centaine d’année plus tard, à la fin du 18ème siècle, le thé était devenu LA boisson britannique ; il avait remplacé le verre de vin doux que les femmes aristocratiques avaient l’habitude de boire avec un biscuit l’après-midi.

Les Anglais s’approvisionnaient alors en Chine. Le problème c’est qu’ils n’avaient pas grand-chose à offrir en échange qui intéresse les Chinois jusqu’à ce que… ils découvrent leur faible pour l’opium. L’opium aurait été introduit en Inde par les Arabes au 7ème siècle, ou par les troupes d’Alexandre le Grand 3 siècles avant notre ère même si sa culture ne s’y serait développée que vers le 9ème siècle. « Sous le règne des Grands Moghols, empereurs musulmans des Indes du 16ème au 18ème siècle, la culture du pavot et le commerce de l’opium devinrent le monopole de l’État. L’opiophagie, déjà très répandue chez les Turcs, les Perses et les Indiens, se développa alors, puis l’habitude de le fumer, importée de Java et de Formose. Son usage se généralisa ensuite en Chine. La Reine Elizabeth I d’Angleterre, quant à elle, dépêchait vers 1606 des navires entiers afin d’acheminer vers son royaume le meilleur opium indien. Or les Chinois trouvaient le pavot étranger, surtout celui du Bengal, bien meilleur que le leur. (source) Tellement meilleur que le Gouvernement chinois a dû finir par intervenir.

En 1729 l’empereur de Chine interdit, en vain, les importations d’opium. En 1833, la British East India Company perdit le monopole du commerce chinois et en 1837, elle perdit tous ses privilèges. Les Anglais reçurent l’ordre de vider la rade de Canton de tous leurs navires contenant de l’opium et l’interdiction d’exporter depuis Calcutta. S’ensuivent alors les 2 guerres de l’opium (1839-1860) opposant la Chine à la Grande-Bretagne (surtout). La Chine perdit, la consommation d’opium est légalisée et elle finit elle-même par augmenter sa production nationale d’opium. En 1906, plus de 40 000 tonnes d’opium étaient produites dans le monde, dont 85% en Chine. Dès 1906, une campagne chinoise vise à réduire la consommation d’opium, avec un certain succès qui se confirmera dans les décennies suivantes jusqu’à ce que des gouvernements plus « musclés » n’interviennent. Aujourd’hui, la production mondiale d’opium a atteint 10 500 tonnes en 2017 (soit 65% de plus qu’en 2016), chiffre le plus élevé depuis le début des années 2000. L’Afghanistan se taille la part du lion avec une production de 9 000 tonnes. (source)

Pendant que la Grande-Bretagne se battait avec la Chine, elle décida sagement de commencer à sécuriser une autre source de thé. Et pourquoi pas l’Inde ?? Ce fut plus vite dit que fait – comme la plupart des entreprises en Inde qui ne payent que sur le long terme, et demandent beaucoup de patience et persévérance. Les Britanniques décidèrent d’essayer d’abord en Assam, mais ils snobèrent la plante indigène que des certains Bruce et Charlton avaient identifiée comme compatible pour la production de thé. À la place ils envoyèrent en Chine un émissaire, G. J. Gordon, pour collecter des plants et recruter des Chinois qui savaient faire du thé – même si les Européens achetaient du thé aux Chinois depuis plus de 2 siècles, ils n’étaient pas très au fait des méthodes de production, en partie parce que les Chinois en gardaient jalousement le secret. Mais Gordon réussit à faire passer en Inde 80 000 plants de thé (en 1835) et 2 producteurs chinois (en 1837). Malheureusement les résultats furent mitigés, d’une part parce que les Assamais, dont les terres avaient été réquisitionnées pour créer des jardins de thé, refusèrent de travailler dans la culture du thé, et d’autre part parce que les plantes chinoises ne prirent pas vraiment racines. Les Britanniques se dirent alors que les plantes indigènes étaient en fait tout à fait adaptées au thé, mais un peu trop tard : celles-ci s’étaient entre-temps croisées avec les plantes chinoises, ce qui donnait un hybride inférieur. Enfin, en 1853, le thé d’Assam versa son premier dividende. Et ce n’est que dans les années 1870 (soit près de 40 ans plus tard), que l’industrie du thé en Inde se stabilisa et réussit enfin à produire du thé de bonne qualité.

Dès lors, les producteurs de thé indien cherchèrent à écouler leur production. Dans les années 1880, ils lancèrent une vigoureuse campagne de marketing mondial lors des différentes expositions coloniales. En 1909, le thé était associé dans les esprits britanniques à l’Inde à tel point qu’il était rentable d’employer un Indien rien que pour le poster devant un café londonien en guise de publicité. Si en 1870, plus de 90% du thé bu en Grande-Bretagne provenait de Chine, en 1900, ce chiffre étaient tombé à 10% (50% provenait d’Inde et 33% de Ceylan).

À suivre...

lundi, 01 février 2021

La fascinante histoire du thé indien - 1/5

Au début du 20ème siècle, les Indiens ne buvaient pas de thé, ou à peine. Comment sont-ils, en un siècle, devenus le 2ème plus gros producteur et 2ème plus gros consommateur de thé au monde ??

Thé 1.jpg

An 1850s engraving on the production of tea in Assam   | Photo Credit: Wiki Commons Source

L’émergence du thé dans le monde. La consommation de thé a débuté en Chine au 4ème siècle. Le thé y était initialement utilisé par les moines comme remède à base de plantes pour les maux de tête et les peintures dans les articulations, ainsi que comme aide à la méditation. (D’ailleurs, encore aujourd’hui, les Bengalis considèrent le thé comme un médicament : mélangé avec du jus de gingembre, il guérit le rhume.) Elle s’est ensuite répandue au Japon entre le 6ème et le 8ème siècle, où elle est devenue un rituel social important, puis dans les régions himalayennes au nord de l’Inde, où le thé était bu comme une sorte de soupe mélangée à du beurre. À l’est de l’Inde, les tribus montagnardes mâchaient des feuilles de thé cuites à la vapeur et fermentées.

À suivre...

mercredi, 27 janvier 2021

« Mais ma pauvre, c’est fini le Covid en Inde !! » - Le Covid vu par une Française en Inde 27.01

  • Nombre de cas en France : 3 079 943 (74 106 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 10 690 279 (153 751 morts) 

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Je suis rentrée en France en août : je quittai alors la morosité indienne en mode quasi auto-confinée (pour ceux qui en avaient les moyens) avec une direction claire du gouvernement : « maintenant c’est chacun pour soi et advienne que pourra » et me retrouvai sur les plages méditerranéennes blindées d’apollons et de naiades qui ne se masquaient que le strict nécessaire. Je suis rentrée en France en décembre : je quittai un pays qui reprenait doucement le chemin de la normale pour un pays plutôt déprimé, las et désabusé.

Je suis retournée en Inde mi-janvier, sans encombre aucune. Pas plus tard que le 26 janvier, une voisine me demandait pourquoi je ne participais pas aux activités de Republic Day pendant lesquelles des jeux ont été organisés. J’osais un petit « mais tout ceci, est-ce bien Covid safe ? ». « Mais ma pauvre, c’est fini le Covid en Inde !! » Allons bon, et on ne m’a rien dit !

C’est vrai qu’il n’y a pas eu de deuxième vague après Diwali (le Noel + nouvel an hindou), à peine un petit regain de cas.

C’est vrai que j’ai traversé l’Uttar Pradesh en novembre et qu’alors, un Indien sur deux portait un masque. En janvier, pas de masque du tout.

C’est vrai que j’ai pris l’avion pour Mumbai en décembre et qu’alors l’avion était plein mais l’aéroport relativement vide ; et l’hôtel à l’arrivée plein à 80%. En janvier, c’était la cohue à l’aéroport et l’hôtel plein à 100%.

C’est vrai que des études commencent à émettre la possibilité que les Indiens (urbains en tout cas) aient ou soit en passe d’atteindre l’immunité collective (quand la prévalence dépasse les 60%) : 56% de 28 000 personnes testées à Delhi auraient testées positives aux anticorps (source). Une étude avait montré en juin que 57% de la population de Dharavi, un bidonville de Mumbai et le plus grand d’Asie avaient développé des anticorps (source).

C’est vrai que la Kumbh Mela, le plus grand rassemblement mondial avec quelques 100 millions de participants du 14 janvier à fin avril) n’a pas été annulé et se tient en ce moment même à Haridwar (source). 700 000 sadhus (des ascétiques) se seraient baignés le premier jour ; ils n’ont besoin que d’un test négatif pour y participer. Pas d'slip, pas d'masque...

inde,corona,coronavirus,virus,covid,épidémie,vols internationaux,rentrer en France,vaccin,covaxin,traitementC’est vrai que plusieurs docteurs m’ont dit que les lits d’hôpitaux dédiés au Covid étaient quasiment tous vides.

C’est vrai que la plupart des bureaux rouvrent et que la circulation est quasiment retournée à la normale.

Il n’y a guère que les écoles et le tourisme international qui restent fermés…

Alors s’il s’avère que la crise Covid est passée en Inde, à quoi serait-ce dû ?

  • Une population jeune ?
  • Une meilleure résistance aux maladies en raison d’une exposition quasi constante à tout un tas de merdes ?
  • Une alimentation chargée en antioxydants (gingembre, curcuma et la plupart des autres épices) ? (La stratégie du gouvernement indien a surtout consisté à faire avec les moyens du bord, à savoir : priez et mâchez du gingembre ; voir cette note)
  • Un traitement dès les premiers symptômes (stéroïdes, antibio doxycycline pour éviter que la bactérie n’infecte un système immunitaire faiblard, des anticoagulants pour éviter la formation de caillots au lieu d’un doliprane) (suivi de l’antiviral remdesivir puis d’une thérapie oxygène si la pneumonie s’aggrave) ?
  • Aux médias qui ont décrété que c'était fini ?

Et le vaccin alors ? 2 millions de personnes auraient été vaccinés entre le 14 et 25 janvier ; l’objectif étant 300 millions d’ici juillet. Si l’Inde n’est pas à cours de vaccins, loin s’en faut, seulement 56% des personnes éligibles se seraient présentées pour se faire inoculer (40% de sceptiques chez les médecins notamment). Il faut dire que tout le monde n’a pas forcément envie de cobayes : sur les 2 vaccins approuvés par les autorités indiennes, un n’aurait pas passé tous les caps. (AstraZeneca Plc, (vaccin britannique conçu en partenariat avec l’université d’Oxford fabriqué par le Serum Institute of India Ltd.) et le Covaxin (développé par Bharat Biotech International Ltd.) qui n’a pas encore complété la phase 3 des essais cliniques. C’est beau d’avoir un tel vivier humain pour pouvoir faire des tests en toute tranquillité quand-même…). D’autres questionnent l’utilité d’un vaccin si l’Inde a en effet atteint l’immunité collective. Par ailleurs, l’Inde a annoncé pouvoir produire 500 millions de doses par mois pour l’export et se targue d’avoir reçu des commandes du Royaume-Uni, de la Belgique et de l’Arabie saoudite (source).

Sur ce, je vous souhaite à tous une très bonne année !!

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