lundi, 08 février 2021
La bataille des géants sur le sol Indien : Reliance vs Amazon
Ambani, l'homme le plus riche d'Asie et le 4ème plus riche du monde affronte Bezos sur le sol indien.
Les 2 géants du retail s’affrontent depuis octobre 2020 et l’enjeu est majeur. Pour mieux comprendre ce qui se trame, voici d’abord un aperçu du secteur retail en Inde :
- 1) Retail non-organisé : Commerce indépendant : ≈ 86% (quelques 12-15 millions de petits magasins, les kirana shops)
- 2) Retail organisé / modern trade :
- 2)1) Grande distribution : 10% (7% en 2012 à 11,4% en 2025), 80 milliards USD en 2019
- 2)2) E-commerce : 4% (0,5% en 2016 à 7,6% en 2025)
En ce qui concerne la grande distribution, Nielsen compte 600 enseignes pour environ 12 000 PDV (points de vente) (auxquels s’ajoutent 8 000 PDV modern trade indépendants, soit un total de 20 000 PDV – les sources varient entre 10 000 et de vieilles prévisions de 100 000 pour 2020). Les 20 premières enseignes contribuent à 70-75% du business. Voici les 8 plus grosses :
- Reliance retail limited (10 415 PDV; CA 17,5 milliards USD ou 22%)
- Future retail limited (Big Bazaar, EasyDay, 7-eleven, Foodhall, Easyday, Nilgiris, Central, Hometown ; 1 511 PDV ; CA 3 milliards USD ou 4%)
- Avenue Supermarts Ltd (D-Mart ; 176 PDV ; CA 2,8 milliards USD)
- Aditya Birla Fashion & Retail Ltd (Pantaloons ; 2 714 PDV ; 1,1 milliard USD)
- Infinity Retail/Croma, filiale de Tata (97 PDV ; CA 512 millions USD)
- Shoppers stop (210 PDV ; CA 470 millions USD)
- Trent limited (Westside, Star Bazaar, Landmark ; 264 PDV ; CA : 364 millions USD)
- V-Mart Retail Limited (69 PDV ; CA : 225 millions USD)
Or en 2020, Future Retail, filiale du groupe Future Group, qui possède 4% de parts du marché retail indien, a été mis en vente, en raison de son niveau d’endettement lié à de nombreuses acquisitions ces 7 dernières années et à l’impact du Covid.
En août 2019, Amazon a pris une participation de 205 millions USD (49%) dans l’une des filiales de Future Group (Future Coupons). Future Coupons possède 7,3% des parts de Future Retail. Donc Amazon a récupéré 3,58% de Future Retail Limited. CQFD. Et selon les termes de cette prise de participation, elle comporterait une option d’achat sur la maison-mère (Future Retail).
En août 2020, Reliance a passé un accord avec Future Retail pour le racheter pour un montant de 3,4 milliards de dollars.
Amazon a contesté ce rachat qu’il considère constituer une rupture de contrat (cf la clause de rachat). À la demande d’Amazon, un tribunal d’arbitrage à Singapour a ordonné le gel du rachat. Reliance a dans le même temps fait savoir le 25 octobre qu’il entendait « exercer ses droits et finaliser la transaction dans les termes de l’accord avec Future Group sans aucun délai ». Or le 2 février 2021, la Haute Cour de Delhi a ordonné la suspension de la vente de Future Retail à Reliance et a déclaré que l’ordonnance du tribunal de Singapour était exécutoire en Inde.
Par ailleurs, en septembre 2020, Reliance « aurait » offert de vendre à Amazon une part de son businss retail (à hauteur de 40% soit 20 milliards USD). Pour Bezos, empêcher le deal Future Group-Reliance pourrait-il aider le deal Amazon-Reliance ? Affaire à suivre…
Autre rumeur de septembre 2020 : Walmart (qui est le principal investisseur de Flipkart, l’Amazon indien, avec 77% des parts depuis l’injection de 16 milliards USD en mai 2018) pourrait investir dans la branche retail de Tata (le plus gros conglomérat indien) à hauteur de 20-25 milliards USD.
Les tendances que l’on devrait observer dans le retail :
- - Convergence des secteurs online et offline : « Les brick & mortars adoptent de plus en plus les technologies numériques pour une croissance accélérée et les pure players s’intéressent aux actifs physiques (hors ligne). » On le voit avec Amazon qui lorgne sur le réseau de magasins de Reliance et sur Walmart celui de Tata.
- - Co-existence des différents canaux de distribution et de vente. Sur le moyen terme (2025), la grande distribution et le e-commerce devraient gagner des parts de marché sur le secteur désorganisé qui va quand même croître.
08:00 Publié dans IncredIble India | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, retail, amazon, reliance, tata, walmart, haute cour, grande distribution, e-commerce, future retail | Imprimer |
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vendredi, 05 février 2021
La fascinante histoire du thé indien - 5/5
Les grandes dates de l’histoire du thé en Inde
- 1661-1800 : Popularisation du thé en Angleterre (140 ans)
- 1820-1870 : Développement des plantations de thé en Inde (50 ans)
- (1839-1860 : Guerres de l’opium entre l’Angleterre et la Chine)
- 1880-1900 : Campagnes pour populariser le thé indien dans le monde (20 ans)
- 1901-1936 : Campagne pour populariser le thé en Inde (40 ans)
À la fin de 1936, les villageois indiens étaient habitués au thé. En 1945, même les sans-abri vivant dans les rues de Calcutta buvaient du thé. Mais en 1955, la consommation par habitant en Inde n’était que d’environ 0,23 kilos, contre 4,54 livres en Grande-Bretagne. En 2016, l’Inde, avec 24% de la production mondiale était derrière la Chine (38%) et devant le Kenya (8,6%). Avec 19% de la consommation mondiale, l’Inde était derrière la Chine (38,6%). Pour autant, elle n’occuperait que la 28ème place du classement mondial de consommation par habitant, avec 0,33 kilos consommés par an.
Ma recette de thé indien (masala chai) pour 2-3 personnes :
Faire bouillir 2 tasses d’eau. Quand ça bout, ajouter les épices concassées (dans un mortier c’est plus facile sinon avec une planche à découper et un marteau) ci-dessous. Laisser frémir à feu doux 5 minutes. Ajouter 1 ou 2 tasses de lait puis du sucre (3-4 cuillers à soupe). Porter à ébullition et laisser frémir. Ajouter le thé noir non aromatisé et laisser infuser le temps qu’il vous plaît – dans le Sud on le fait beaucoup moins infuser quand dans le nord. Et voilà !
- 3 cardamomes
- 1 dé de gingembre frais
- 1 bâton de cannelle (env. 3 cm)
- 1 clou de girofle (optionnel)
- 2 grains de poivre noir (optionnel)
08:00 Publié dans IncredIble India, Pourquoi en Inde... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, thé, chai, masala chai, épices, anglais, colonisation, opium, british east india company, chine, coffee | Imprimer |
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jeudi, 04 février 2021
La fascinante histoire du thé indien - 4/5
Le thé et les castes. Les musulmans de l’Inde ont toujours eu une forte tradition de manger au restaurant ou d’acheter de la nourriture chez des cuisiniers de bazar, mais les hindous de haute caste préféraient traditionnellement manger à la maison. C’est que chaque caste a ses restrictions et habitudes alimentaires et elles risquent d’être enfreintes en mangeant à l’extérieur ; ce qui peut avoir pour conséquence d’être rejeté par d’autres membres de sa caste. En général, les femmes sont beaucoup moins prêtes à abandonner les restrictions de caste que les hommes. Pour elles, qui ne sortent traditionnellement que peu de chez elles, et encore moins du village, enfreindre une règle de caste signifie la perte probable de parents et d’amis. En revanche, les hommes ont beaucoup à gagner d’échanges sociaux libres avec leurs collègues.
Peut-être ceci explique qu’encore aujourd’hui, beaucoup d’Indiens recherchent au restaurant la « ghar ka khana » (c’est l’oxymore indienne par excellence : on veut manger dehors la même chose qu’à la maison). On voit des restaurants avec l’enseigne « pure veg » qui signifient qu’ils n’offrent que de la nourriture végétarienne (on notera au passage l’emploi de l’adjectif « pur », on revient toujours aux histoires de pureté castéistes) ; on m’a dit une fois qu’ils étaient seulement tenus par des brahmanes mais je ne trouve rien qui corrobore cette affirmation. Dernier exemple, les employés de bureau de Bombay peuvent se faire livrer un déjeuner fait maison sur leur lieu de travail. Ce service est censé avoir été lancé par un Anglais au 19ème siècle qui s’est arrangé pour que son porteur apporte le déjeuner à son bureau. 5 000 dabba wallahs livrent ainsi (en train, en vélo et à pied) quelques 100 000 déjeuners chaque jour (voir l’excellent film The Lunch Box sur le sujet).
Le thé aurait alors émergé comme un fédérateur, même si le mot est un peu fort. L’étal ou l’échoppe de thé se serait alors peu à peu développé comme « terrain neutre » du village où des Indiens de différentes religions et des hindous de différentes castes pouvaient se retrouver. Ils offraient aux hommes un espace séparé et compartimenté où ils pouvaient former des amitiés et des alliances intercommunautaires et intercommunautaires sans nécessairement affecter leur position traditionnelle dans le village. Et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le thé en tant que denrée alimentaire étrangère, se situe en dehors des classifications ayurvédiques et n’est donc classifié comme ni pur ni impur. Cette neutralité du thé facilite le partage en toute impunité avec les membres d’une caste normalement rejetée comme partenaire de consommation ou de boisson. Ensuite, le thé en Inde est souvent servi dans de petites tasses en terre cuite qui sont écrasées sur le sol une fois qu’elles ont été utilisées. Cela garantit que personne ne puisse être pollué en buvant dans un récipient rendu impur par la salive d’une autre personne.
Fin
Sources : Curry, A tale of cooks and conquerors de Lizzie Collingham, 2005 ; Feasts and Fasts – A History of Food in India de Colleen Taylor Sen, 2015 ; Eating India de Chitrita Banerji, 2007
08:00 Publié dans Histoires de Samouraï, Pourquoi en Inde... | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inde, thé, chai, masala chai, épices, anglais, colonisation, opium, british east india company, chine, coffee | Imprimer |
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