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lundi, 23 octobre 2017

La guerre des boutons (Début)

Inde,acné,boutons,recettes maison,bon sens populaire,citron,saffranMi-janvier, je me suis mise à avoir des boutons sur le visage. Pas de panique, un ou deux chtars au moment des règles, y a pas de quoi en faire un fromage. Sauf que les salauds se sont multipliés jusqu’à devenir un truc bien vilain. Dépitée, je continuais de laver ma peau soigneusement et appliquer un peu de Kailash Jeevan (une crème ayurvédique magique qu’on trouve à Mumbai et qui soigne tous les bobos ; tu peux même la manger pour guérir les indigestions !). Mais ça empirait. Alors quand ma nounou me parla de son remède magique pour la troisième fois, je finis par l’écouter. Selon elle, il suffit de se faire un petit scrub maison, à base de gros sucre, sel et jus de citron. Pas convaincue et profitant de toute façon d’une accalmie, je laissais filer, jusqu’à ce que de nouveaux pustules apparaissent et qu’elle me mette d’autorité les ingrédients dans les mains. Après tout me dis-je, peut-être s’agit-il de cette bonne vieille ‘sagesse populaire’ (ou connaissance ? croyance ? bon sens ?) que l’on a (presque) perdu dans nos sociétés occidentales ? J’appliquais donc le scrub deux-trois jours d’affilée, me sentant une peau plus nette. Un séjour à Mumbai m’obligea à interrompre mon ‘traitement’ pendant 3 jours.

Séjour au cours duquel je profitai d’une pause pour saluer mon ancienne nounou, que je n’avais pas vue depuis un an. Elle me salua cash :

- Mais Madame, qu’est-ce que c’est ça sur votre tronche ? Mais c’est moche, il faut faire quelque chose ! 

- Oui oui, je sais bien, j’essaye un scrub avec du sucre, du sel, du citron.

- Quoi du citron ? Mais ça va pas la tête ?? Non non, il faut faire une pâte avec du safran et de la farine de pois chiche et ça va assécher les boutons direct. C’est connu, dès qu’on a une blessure on met du safran, ça a de vraies propriétés antiseptiques, même toi tu sais. Mais fais-le, hein, parce que là c’est vraiment affreux.

Le tout devant sa nouvelle employeuse que je rencontrais pour la première fois. Heureusement ça fait longtemps que je n’ai plus honte de grand-chose ! Une tronche d’adolescente bourgeonnante en pleine trentaine, t’as intérêt à assumer.

Dans le taxi du retour, je ‘vérifiai’ sur internet ce que la ‘science’ a à dire de la sagesse populaire de ma noInde,acné,boutons,recettes maison,bon sens populaire,citron,saffranunou. Rien sur ce scrub en particulier mais un message : « éviter les scrubs » vu qu’ils agressent la peau qui est suffisamment traumatisée (plus précisément, en agressant la peau, ils l’obligent à produire du sébum pour se protéger, or le sébum est déjà produit en excès et obstrue les pores, conduisant à des infections). Pas con… Ce que ma nounou avait d’ailleurs évité de me dire c’est que quand ça lui est arrivé à elle, la tronche calculatrice, elle s’est scrubée le visage avec tellement d’énergie – que dis-je, de violence – qu’elle se l’ait à moitié arraché. Alors évidemment les boutons sont partis avec le reste de la peau. Des fois, elle m’inquiète.

Et puis voilà-t-y pas qu’à l’aéroport, la militaire qui me tripote pour vérifier que je ne cache rien sous mes vêtements se fend d’un « mais vous avez quoi sur le visage ? c’est la varicelle ? ». Non mais d’abord c’est quoi cette manie chez les Indien(ne)s de te faire un commentaire sur ton physique comme ça ?! On n’a quand même pas élevé les cochons ensemble bon sang !

Sur ce, je testai donc la seconde recette. En l’ ‘améliorant’, autrement dit en utilisant du citron pour lier le safran et la farine – sur l’insistance de ma nounou qui veut ABSOLUMENT que je me mette du citron sur la peau (à ce sujet, un article intéressant avec des avis très variés sur l’usage du citron sur la peau, qu’apparemment la science réprouve). Alors ça a eu un effet formidable. Sur les draps du moins ; quand mon fils a attrapé la coupelle et a renversé la poudre dessus : le safran, c’est magique, ça part pas. A part ça, j’ai continué de l’appliquer tous les soirs, pendant trois jours, jusqu’à ce que j’oublie.

J’avais déjà essayé un médicament ayurvédique qui avait marché du tonnerre, assainissant le sang ou un truc comme ça. Mais ce docteur, comme tous les dermatos que j’ai rencontrés, ne font que soigner les symptômes sans chercher à comprendre d’où ça vient ? L’alimentation et la digestion ? Le manque de sommeil avec Bébé Samourai qui se (me) réveille deux-trois fois par nuit ? Un déséquilibre hormonal ? La pollution ? Le temps ? La poussière ? Le stress ? Autre chose ?

(A suivre)

 

lundi, 16 octobre 2017

Quand les Indiens ré-inventent la créativité

On me demande souvent de décrire les Indiens. Tâche impossible si il en est. Mais il y a un trait de caractère que j'oublie souvent et qui pourtant explique tellement de choses : c'est le jugaad. Évidemment c’est tellement unique qu’il n’y a pas de traduction française ni même anglaise. Mais je traduirais ça par "démerde". Les Indiens sont des démerdeurs. En puissance. À côté d’eux, MacGyver est un manchot débilitant.

Voici quelques exemples pour illustrer.

BL05_THINK1_RUPEE_3113206f.jpgQuand Modi, le premier ministre, a lancé sa ‘démonétisation’ fin 2016, il pensait que 70% des Indiens n’oseraient pas déposer leur argent noir à la banque et préfèreraient le détruire, de peur de représailles (amendes, honte, prison etc.). C’était mal connaître ses compatriotes qui ont trouvé des moyens de déposer plus de 99% de tous les billets (source https://www.ft.com/content/7dbe0e14-8d8a-11e7-a352-e46f43c5825d). Notamment en distribuant aux pauvres alentour – genre tu déposes 250 000 roupies (la limite pour ne pas attirer l’attention) pour moi et quand tout est fini, je récupère ca et je te donne 10 000.

5137.jpgUn autre exemple : en décembre 2016 la Cour Suprême a prononcé un jugement : interdiction (elles aiment ça, l’interdiction, les autorités indiennes) de vendre de l’alcool dans un rayon de 500 mètres d’une artère principale (autoroutes nationales ou locales). C’est le résultat d’une campagne de 4 ans d’un accidenté de la route – ironiquement le type a fait une sortie de route en espérant voir un léopard et il s’est attaqué au problème de l’alcoolisme au volant. Il y a bien un problème en Inde, mais l’alcool reste la 3ème cause d’accident après le dépassement de vitesse et le téléphone.

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Mais passons. L’objectif de la Cour suprême était de réduire l’alcoolisation des automobilistes. Résultat : 80% des restaurants de notre quartier ont mis la clé sous la porte, du jour au lendemain. Mais il y a des malins qui ont réussi à détourner l’entrée du restaurant, genre tu dois faire deux fois le tour du pâté d’immeubles pour rentrer, soit parcourir les 500 mètres légaux ! Une règle un peu bizarre quand même : 500 mètres ne suffisent pas à dessoûler, que je sache. Le 23 août 2017, la Cour Suprême est revenue sur sa décision et limité cette interdiction en-dehors des villes, sans doute dans l’esprit de limiter l’alcoolisation des chauffeurs routiers, qui, on s’en doute, ne vont pas se souler la tronche dans les « pubs » mais picolent de l’alcool de plastique dans les bouges locaux. Logique ou pression liée aux pertes des restaurants qui ont dû mettre la clé sous la porte et la réduction des impôts sur l’alcool collectés ?

Inde,jugaad,démonétisation,alcool,route,accidentsVa expliquer le Jugaad et ses bienfaits à des Suisses… Pour qui la règle est la règle, même si la règle est stupide…

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Source : http://www.indiatimes.com/news/meet-wheelchair-bound-harm... ; https://www.theguardian.com/world/2017/apr/25/alcohol-rul... ; http://economictimes.indiatimes.com/news/politics-and-nat... ; http://www.thehindubusinessline.com/opinion/measuring-impact-of-demonetisation-in-india/article9459507.ece

lundi, 09 octobre 2017

Infertilité, fertilité, conceptions médicalement assistées et tourisme médical en Inde

image1.jpgRécemment une Indienne vint à mon bureau me parler infertilité et allaitement. Curieuse, je demandais presque immédiatement comment l’Inde se place dans les rangs mondiaux à ce sujet – sachant que c’est un business plus que bourgeonnant, je vois des ‘Infertility centers’ partout.

Sa réponse m’interpela : selon elle, les premières places des pays touchés par l’infertilité sont occupées par le Japon et l’Allemagne. J’aurais pas cru… D’ailleurs j’ai pas cru.

Je découvris bien vite qu’il est quasiment impossible de trouver une réponse claire à ma question ; ne serait-ce que parce que les critères d’infertilité varient d’un pays à l’autre, rendant quasiment impossible tout classement mondial et parce que les recensements doivent être loin d’être exhaustifs – tous ceux qui ne se reproduisent pas ne vont pas nécessairement se faire examiner.

Alors à quoi faisait-elle référence avec son Japon et son Allemagne ? Peut-être confondait-elle taux d’infertilité (ou nombre de personnes qui ne peuvent pas concevoir d’enfant) et taux de fertilité (ou nombre de naissance par femme) ?

L’Inde est un pays où la femme ne justifie sa présence au monde, ne se ‘réalise’ qu’en devenant mère – c’est encore le cas très fortement et c’est pour ça qu’on y voit des presque grabataires devenir mères (source). Donc il ne serait pas surprenant que pour elle, si une femme n’a pas d’enfant c’est qu’elle ne peut pas, non qu’elle ne veut pas.

Ceci-dit même si le Japon est mal classé, il n’est pas le premier, ni l’Allemagne des pays les moins fertiles (voir le tableau ci-dessous).

Là où le Japon est premier, en revanche, c’est en nombre de naissances utilisant ART (Artificial Reproductive Technology). Peut-être confondit-elle infertilité et recours à la procréation assistée ?

On peut en effet imaginer que des parents en mal d’enfant dans un certain pays (comme le Japon) recourent davantage à une aide médicale que dans d’autres contrées, ce n’est pas nécessairement parce qu’ils sont médicalement infertiles, mais parce qu’ils n’ont pas relations sexuelles (pas le temps, pas l’envie (source)), ou parce que c’est financièrement abordable, ou d’autres raisons. J’émets cette hypothèse parce que si le Japon championne le nombre de procréations assistées, ses taux d’infertilité semblent même moins élevés qu’ailleurs (voir le tableau ci-dessous). Bref, rien n’indique que les Japonais aient davantage de difficultés à concevoir mais tout indique que le recours à une assistante médicale est devenu monnaie courante.

Mais revenons à nos moutons indiens. Les chiffres que j’ai rassemblés laissent à penser que 45% des couples souffrent d’infertilité en Inde (source) mais que moins d’1% des couples atteints rechercheraient un avis médical (source).

Et pourtant je vois des panneaux à presque tous les coins de rue, faisant l’annonce d’une clinique spécialisée en traitement de l’infertilité. Et presque tous les gynécos se targuent d’être des spécialistes de la FIV.

Bref, il est quasiment impossible de dire s’il y a de plus en plus de procréations médicalement assistées en Inde parce que 1. Il y a un nombre croissant de couples infertiles en Inde – une hypothèse liée aux taux d’urbanisation, d’obésité, de femmes ayant des carrières professionnelles croissants et émise par les médias ; 2. Les Indiens font de plus en plus fi du stigma social lié à l’état d’infertilité et acceptent de rechercher une aide médicale officielle (car je suis sûre qu’il y a beaucoup de cas non répertoriés, on sait déjà que 60% des ‘médecins’ en Inde n’ont pas de diplôme de médicine (source)); 3. Les docteurs ont trouvé une manne et investissent dessus – les moins éthiques n’hésitant pas à inséminer ou implanter un embryon des couples indiens malheureux en sexe plutôt de que de les conseiller, les autres se focalisant sur la patientèle internationale qui vient de plus en plus se faire implanter vu que ça coûte trois fois moins cher en Inde qu’aux Etats-Unis (voir le tableau ci-dessous) ; Ou si c’est un mélange de tous ses facteurs.

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Une petite digression pour conclure : l’Inde semble bel et bien un hub de la maternité. Quand ce n’est pas le tourisme médical de la fécondation, c’est celui de l’adoption ou encore le business des mères porteuses. L’Inde est à ce sujet connu à l’étranger depuis 2007, quand une émission d’Oprah mit en scène un couple occidental mettant les voiles pour l’Inde et sa pléthore de mères porteuses. Vu que ça a pris des proportions trop importantes – les étrangers (et les Indiens) faisant leur shopping et les mères porteuses étant payées des cacahuètes (les agents et les médecins empochant eux le jackpot), le Gouvernement a mis le holà fin 2016. Et quand le Gouvernement met le holà, il interdit, purement et simplement*. C’est plus facile que de mettre en place des contrôles. Ce qui fait que le marché noir se développe, et les mères porteuses sont encore plus exploitées.

C’est un peu ce qui s’est passé avec l’adoption. Jusqu’aux années 70, les Indiens étaient peu enclins à adopter – en raison du stigma social, et puis de l’appréhension à faire venir dans la famille quelqu’un dont on ne sait rien, et à cette époque on ne mélangeait pas trop les torchons avec les serviettes, castes oblige (source). Les étrangers eux avaient moins de complexes. Ce qui a évidemment conduit à certaines dérives, comme le vol et le recel de gosses par des Indiens mal intentionnés. Suite à ces scandales dans les années 90, l’Inde a durci ses lois et rendu toute adoption difficile, même pour les Indiens. Cependant il semblerait que le Gouvernement relaxe un peu les règles liées à l’adoption depuis 2015.

* D’après la nouvelle loi (source) seul un couple indien ayant essayé sans succès d’avoir un enfant pendant plus de cinq ans peut avoir recours à une mère porteuse, qui doit être de la famille, et dont ils ne paieront que les frais médicaux.

Sources : http://www.prsindia.org/billtrack/the-surrogacy-regulatio...? ; https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... ; https://www.palashivf.com/2017/02/21/ivf-treatment-market... ; http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/EY-call-for-acti... ; http://www.dailyo.in/lifestyle/infertility-on-the-rise-in... ; http://www.who.int/reproductivehealth/topics/infertility/... ; http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/... ; http://www.ijsr.net/archive/v4i7/SUB156201.pdf ; http://www.aurumequity.com/ivf-india/ ; https://www.researchgate.net/publication/236005514_Adopti...