lundi, 04 mars 2019
Je chille, tu chilles, il chille etc.
J’admire chez les indiens leur aptitude à ne rien faire, aptitude qu’ils sont peu à peu en train de perdre. Dans l’ère de la productivité, du rendement, de l’optimisation, ne rien faire est une aberration. Travailler, lire, faire du sport ou le ménage, cuisiner, jouer, dormir, voyager, surfer sur les réseaux sociaux, l’esprit est sans cesse sollicité. Alors quand ça devient pesant, ingérable, on se tourne vers les différentes méthodes de méditation, pour apprendre à ne plus se laisser dépasser par les atermoiements d’un cerveau en surchauffe. Voilà donc que ne rien faire est devenu quelque chose à faire, un élément du quotidien, bien stabyloté sur une to-do-list. C’est à devenir fou ! D’après Marc Halévy, un homme d’aujourd’hui abat en une journée le même nombre de tâches que son homologue de 1900 accomplissait en 22 jours. Tout va tellement plus vite que le temps est devenu une denrée précieuse.
Les Indiens, eux, peuvent rester accroupis sur le pas d’une porte pendant des heures. Passer neuf heures d’avion sans allumer l’écran ni leur téléphone. Partir une semaine en vacances à la plage sans amener un seul livre. Regarder la vie autour et regarder dans le vide. Ça me fascine.
D’ailleurs, quand tu leur demandes ce qu’ils ont fait de leur dimanche, il n’est pas rare qu’ils te répondent « nothing, I just chilled ». Ils ont chillé, glandé en français même si nous en maîtrisons bien moins l’art.
Si par malheur, tu essayes de mettre un peu de pression à un Indien pour qu’il fasse quelque chose, il te rétorquera facilement (s’il y est du même échelon social que toi) « chill », détends-toi. Et quand tu commences à te mettre au chillage, tu te dis que les Français, comme certainement beaucoup d’Européens, sont quand même tendus du string.
S’ils mettent bien leur montre à l’heure indienne quand ils viennent, ils ont du mal à se mettre au temps indien. Le temps de la dernière minute, du départ sans cesse repoussé, du retard constant, mais où tout (ou presque finit) par arriver, non sans suées froides pour l’étranger. Si tu commandes un taxi par exemple, tu seras inspiré de lui demander de venir une demi-heure avant le départ. Et tu ne devras pas t’offusquer si, après ses deux heures de pause, il te fait faire un détour et perdre vingt minutes pour aller mettre de l’essence, ce qu’il aurait pu faire seul. Chille quoi… Oui tu as fait des efforts pour chronométrer ta journée à la seconde près, pour faire un maximum de choses et ne pas en perdre une miette. Mais as-tu seulement pris le temps de respirer ? Je me dis que je vis depuis trop longtemps en Inde quand j’entends les gens râler dans le RER pour un retard de quinze minutes par exemple. Chille quoi.
08:00 Publié dans Histoires de Samouraï, IncredIble India | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inde, india, chilling, temps | Imprimer |
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lundi, 25 février 2019
Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part3/3
Le dernier jour je me suis autorisée un peu de liberté et suis partie m’adonner à mon activité préférée, la marche. Je me suis enfoncée sur un pseudo chemin dans la forêt et j’ai marché, marché, au son de mon MP3. Au début je me suis imaginée héroïne déjouant des plans de terroristes planqués dans les cabanes enneigées. Je me suis mise à faire un peu moins la maligne quand j’ai retiré mes écouteurs pour profiter des bruits de la forêt et que j’ai entendu un pom-pom-pom feutré mais distinct : j’allais finir en déjeuner du léopard des neiges dont on m’avait parlé ! Avant de m’évanouir de frayeur, j’ai réalisé que c’était les battements de mon cœur qui m’affolaient. J’ai alors continué à marcher et retrouvé une zone vaguement habitée. Étrangement, les restes d’un feu devant une cabane, une boîte de conserve vide quelques mètres plus loin et un peu de musique m’ont transportée direct dans un thriller d’horreur, genre True Detective. Une peur autant incontrôlable qu’irrationnelle m’a prise aux tripes et je me suis mise à couper à travers la neige pour retrouver la route. Enfoncée dans la poudreuse jusqu’aux hanches, je n’en menais pas large. J’eus alors l’idée de marcher sous le couvert des arbres où la neige est moins épaisse et je retrouvais vite un chemin. Sitôt arrivée sur le goudron, un Kashmiri me fit monter sur son quad des neiges et me déposa à bon port gentiment et gratuitement !
Les cinq nuits à Gulmarg passèrent vite et j’étais bien contente d’y avoir passé autant de temps, histoire de se sentir un peu à la maison - la plupart des touristes y passent deux nuits dans un tour du Kashmir. L’air était pur pour les poumons, la neige rafraîchissante pour l’esprit. Une jolie petite station de ski, avec sa touche indienne pour ne pas oublier qu’on est en Inde : les taxis qui klaxonnent comme à Gurgaon, les baignoires qui n’ont pas de bonde et ces types qui te harcèlent pour leurs luges (On peut aussi voir ça du bon côté quand on comprend qu’ils sont une option pour ne pas avoir à trimballer ses skis ou ses fesses ;) )
Avant de rentrer à Delhi, nous avons préféré passer une nuit à Srinagar, au cas où il neige et que les routes soient bloquées. Si les locaux nous recommandaient d’éviter les houseboats à cause du froid, j’en choisis un avec chauffage et quelle expérience ! Notre bateau était sur le lac Nigeen, moins fréquenté que son voisin, le lac Dal. C’était même tellement calme et serein que l’appel à la prière à 6h30 a failli me coller un arrêt cardiaque ! Nous avons fait une balade en barque (sikhara) sur le lac Dal, mais il faisait trop frisquet pour en profiter, malgré la couverture et le kanger du rameur. Et puis il fallut absolument s’arrêter pour visiter une boutique de souvenirs, ce qui m’horripila. Enfin, avoir un aperçu de la vie sur ce lac aux 50 000 habitants qui vivent sur les nombreux îlots est intéressant, et la quantité de houseboats (qui sont plutôt des maisons flottantes et ne bougent pas, contrairement au Kerala) est impressionnante.
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08:00 Publié dans Virées en... Inde! | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inde, kashmir, jammu, cachemire, gulmarg, ski, skier en inde, neige, terrorisme.srinagar, houseboat, dal lake, nigeen lake | Imprimer |
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lundi, 18 février 2019
Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part 2/3
La piste (en fait il y avait trois autres pistes débutantes, chacune équipée de tire-fesses, réaliserai-je plus tard) était, en plus des luges qui slalomaient à tout va et à toute barzingue, largement fréquentée par les skieurs, à écrasante majorité indiens (il paraît que les étrangers viennent plus tard). Les touristes étaient surtout locaux et j’avoue que c’est un peu surprenant de voir tous ces grands barbus en djellaba (en version d’hiver, en laine, et dont les tons et les motifs varient peu, du marron au gris et des carreaux aux rayures, le phiran, sous lequel ils transportent souvent un petit panier contenant des braises chaudes, le kanger) avec des skis aux pieds. Au-delà de la tenue et de la barbe quasiment portée par tous (68% des habitants du Jammu-Kashmir seraient musulmans, selon le recensement de 2011), les hommes ont souvent de beaux traits, une peau plus claire qu’ailleurs en Inde, et des yeux de toutes les couleurs, verts, bleus, marron clair, noirs, et une pilosité parfois un peu roussie ou blondie, effet du soleil d’hiver qui se reflète sur la neige ou tout simplement de croisements génétiques.
Le troisième jour, nous prîmes la « Gondola », deux télécabines, parmi les plus hautes du monde, pour une vue imprenable sur la chaîne himalayenne à 3747 mètres d’altitude.
Nous redescendîmes à ski, mon fils de 4 ans y compris, du premier télécabine - une piste rouge facile, qui est surtout une route. Puis, pendant que les garçons se réchauffaient à la gargote d’altitude, j’attaquais Mary’s shoulder, en haut du seul télésiège de la station. Si la pente n’était pas trop raide, qu’elle ne fut pas ma surprise (et mon angoisse) de découvrir que la piste n’était pas dammée ! La poudreuse était kiffante mais encore faut-il savoir manœuvrer. L’altitude m’a également surprise et je devais littéralement reprendre mon souffle entre deux virages ! (Il y aurait 44 descentes à Gulmarg, plus ou moins réservées aux très bons skieurs et amateurs de hors-piste ; certains accès ne se font qu’en héliski, fonctionnel à partir de mi-janvier - vu que seules quelques pistes sont dammées. Mais la neige est à se damner !)
Une fois la journée terminée, il ne faut pas s’attendre à l’ambiance de Tignes, aux bars, bowlings, boites, cinéma (de toute façon tous les cinémas ont été fermés en 1989 et n’ont pas rouvert depuis, à cause des incidents terroristes) et autres activités d’après-ski. Non, une fois la nuit tombée, c’est chacun dans son hôtel, sachant qu’il n’y a que quelques établissements - le gouvernement contrôlant heureusement les constructions - et qu’ils sont bien éloignés les uns des autres, surtout dans la nuit non éclairée et enneigée. Beaucoup ne servent pas d’alcool même s’ils en autorisent la consommation. Bref, c’est plutôt ambiance famille. A moins de copiner avec les moniteurs de ski qui partagent des cabanes et t’invitent volontiers pour un thé, un verre ou un joint ;)
08:00 Publié dans Virées en... Inde! | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, kashmir, jammu, gulmarg, ski, skier en inde, neige, terrorisme, cachemire | Imprimer |
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