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lundi, 28 octobre 2019

Le Cachemire pour les nuls

Le Cachemire est une « petite » région montagneuse au nord de l’Inde où il fait bon vivre. Normalement.

D’abord centre de l’hindouisme puis du bouddhisme, le Cachemire a connu son premier dirigeant musulman en 1339. Il est ensuite passé entre les mains des Mogholes, des Afghans et des Sikhs.

En 1846, à l’issue de la première guerre Anglo-sikhe, le Cachemire a été cédé par les Sikhs à l’Angleterre, qui en fit un État indépendant. En raison de sa taille – c’était le deuxième territoire des Indes (à peu près un tiers de la France, pour 10 millions d’habitants) –, les Britanniques n’avaient pas vraiment les ressources de l’occuper et ils le vendirent à Gulab Singh, lui-même hindou. La vraie indépendance ne fut que de courte durée car une dizaine d’années plus tard, cet État princier fut mis sous la souveraineté de l’Angleterre, et ce jusqu’en 1947.

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Au moment de la partition, les Anglais demandèrent aux Etats de leur Empire de choisir leur camp : musulman (Pakistan) ou hindou (Inde). À ce moment-là, le Cachemire est un État à majorité musulmane dirigé par un Maharajah hindou qui, lui, préfèrerait tout bonnement l’indépendance, ni indien ni pakistanais. Ce fut donc le statu quo, l’attentisme, d’août à octobre 1947. Mais ça titillait dur Indiens et Pakistanais d’annexer cette région, et ce sont ces derniers qui cédèrent les premiers à la tentation. Le Cachemire demanda alors de l’aide à l’Inde, qui n’accepta qu’à la condition que le Maharajah signe l’accession du Cachemire à l’Union indienne. Avec toutefois un petit bémol : le Cachemire conserva le pouvoir d’avoir une constitution séparée, d’avoir son propre drapeau et d’être autonome quant à son administration interne. Mais surtout, seuls les Cachemiris avaient le droit d’acheter des terres dans la région.

Fin. Ou début de la débâcle pour cette région désormais disputée et « occupée » par l’Inde, le Pakistan et la Chine (qui a profité des échauffourées pour s’immiscer dans le conflit dans les années 60). L’Inde administre l’État du Jammu-et-Cachemire, le Pakistan les territoires de l’Azad Cachemire et du Gilgit-Baltistan et la Chine la région de l’Aksai Chin et la vallée de Shaksgam.

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En août 2019, l’Inde a décidé de retirer à la région du Cachemire qu’elle administre son statut spécial (le fameux article 370), dans l’esprit « t’es Indien ou tu l’es pas » – même si l’Inde n’a pas jugé nécessaire de poser la question au peuple cachemiri (on voit ce que ça a donné avec le Brexit, hein), et a préféré y aller manu militari (c'est-à-dire en isolant la population, coupant les télécommunications etc. pendant plusieurs semaines, la région étant une poudrière, les droits de l'homme ne font pas le poids).

Prochaine étape annoncée : récupérer la partie contrôlée par le Pakistan (article). À l’heure où le monde craint les attaques terroristes des extrémistes musulmans, M le Modi n’a pas froid aux yeux.

Au-delà des idéologies nationalistes et religieuses – disons que le conflit de février 2019 entre l’Inde et le Pakistan mené haut la main par le Premier Ministre lui a en grande partie valu sa réélection en mai – la région est aussi importante en termes de ressources d’eau. Surtout pour le Pakistan. Le Pakistan dépend entièrement de l’Indus pour son réseau hydrographique – d’ailleurs, peu après l’indépendance, l’Inde a fermé certains robinets (intentionnellement ou pas, on ne sait pas) et le Pakistan l’aurait senti passer.

Le bassin hydrographique de l’Indus est divisé entre le Pakistan, qui représente environ 60% de la superficie du bassin versant, l’Inde (20%), l’Afghanistan (5%) et le Tibet (15%). L’Inde dépend de l'Indus au nord-ouest (Punjab, Haryana, Rajasthan) et du Gange au nord-est. L’Indus prend sa source au Tibet, traverse le Ladakh, passe par le PoK (le Cachemire occupé par le Pakistan) avant de terminer au Pakistan.

Selon le Traité de l’Eau de l’Indus, signé en 1960 par le Pakistan et l’Inde, le premier a des droits exclusifs sur les affluents occidentaux (Indus, Jhelum et Chenab qui prennent tous deux source dans le Cachemire indien) et la seconde sur les affluents orientaux (Sutlej-Beas et Ravi). De plus, ce traité autorise l’Inde à exploiter le potentiel hydroélectrique des rivières Jhelum et Chenab, tant que cela ne réduit ni ne retarde l’approvisionnement en eau du Pakistan - ce qui est souvent subjectif et a fréquemment requis l'intervention d'instances internationales d'arbitration. En ce moment d'ailleurs, l’Inde a de gros projets de barrages, ce qui inquiète ses voisins. Par ailleurs, le Pakistan et l’Inde ont déjà beaucoup endommagé l’Indus pour permettre l’irrigation et l’hydroélectricité de la région.

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Update : Depuis mi-octobre, les lignes fixes sont rétablies et les lignes de téléphonie post-paids également.

lundi, 25 février 2019

Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part3/3

Inde,Kashmir,Jammu,Cachemir,Gulmarg,ski,skier en Inde, neige,terrorisme.Srinagar,houseboat,dal lake,nigeen lakeLe dernier jour je me suis autorisée un peu de liberté et suis partie m’adonner à mon activité préférée, la marche. Je me suis enfoncée sur un pseudo chemin dans la forêt et j’ai marché, marché, au son de mon MP3. Au début je me suis imaginée héroïne déjouant des plans de terroristes planqués dans les cabanes enneigées. Je me suis mise à faire un peu moins la maligne quand j’ai retiré mes écouteurs pour profiter des bruits de la forêt et que j’ai entendu un pom-pom-pom feutré mais distinct : j’allais finir en déjeuner du léopard des neiges dont on m’avait parlé ! Avant de m’évanouir de frayeur, j’ai réalisé que c’était les battements de mon cœur qui m’affolaient. J’ai alors continué à marcher et retrouvé une zone vaguement habitée. Étrangement, les restes d’un feu devant une cabane, une boîte de conserve vide quelques mètres plus loin et un peu de musique m’ont transportée direct dans un thriller d’horreur, genre True Detective. Une peur autant incontrôlable qu’irrationnelle m’a prise aux tripes et je me suis mise à couper à travers la neige pour retrouver la route. Enfoncée dans la poudreuse jusqu’aux hanches, je n’en menais pas large. J’eus alors l’idée de marcher sous le couvert des arbres où la neige est moins épaisse et je retrouvais vite un chemin. Sitôt arrivée sur le goudron, un Kashmiri me fit monter sur son quad des neiges et me déposa à bon port gentiment et gratuitement !

Les cinq nuits à Gulmarg passèrent vite et j’étais bien contente d’y avoir passé autant de temps, histoire de se sentir un peu à la maison - la plupart des touristes y passent deux nuits dans un tour du Kashmir. L’air était pur pour les poumons, la neige rafraîchissante pour l’esprit. Une jolie petite station de ski, avec sa touche indienne pour ne pas oublier qu’on est en Inde : les taxis qui klaxonnent comme à Gurgaon, les baignoires qui n’ont pas de bonde et ces types qui te harcèlent pour leurs luges (On peut aussi voir ça du bon côté quand on comprend qu’ils sont une option pour ne pas avoir à trimballer ses skis ou ses fesses ;) )

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Avant de rentrer à Delhi, nous avons préféré passer une nuit à Srinagar, au cas où il neige et que les routes soient bloquées. Si les locaux nous recommandaient d’éviter les houseboats à cause du froid, j’en choisis un avec chauffage et quelle expérience ! Notre bateau était sur le lac Nigeen, moins fréquenté que son voisin, le lac Dal. C’était même tellement calme et serein que l’appel à la prière à 6h30 a failli me coller un arrêt cardiaque ! Nous avons fait une balade en barque (sikhara) sur le lac Dal, mais il faisait trop frisquet pour en profiter, malgré la couverture et le kanger du rameur. Et puis il fallut absolument s’arrêter pour visiter une boutique de souvenirs, ce qui m’horripila. Enfin, avoir un aperçu de la vie sur ce lac aux 50 000 habitants qui vivent sur les nombreux îlots est intéressant, et la quantité de houseboats (qui sont plutôt des maisons flottantes et ne bougent pas, contrairement au Kerala) est impressionnante.

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Toutes les photos : lien

lundi, 18 février 2019

Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part 2/3

La piste (en fait il y avait trois autres pistes débutantes, chacune équipée de tire-fesses, réaliserai-je plus tard) était, en plus des luges qui slalomaient à tout va et à toute barzingue, largement fréquentée par les skieurs, à écrasante majorité indiens (il paraît que les étrangers viennent plus tard). Les touristes étaient surtout locaux et j’avoue que c’est un peu surprenant de voir tous ces grands barbus en djellaba (en version d’hiver, en laine, et dont les tons et les motifs varient peu, du marron au gris et des carreaux aux rayures, le phiran, sous lequel ils transportent souvent un petit panier contenant des braises chaudes, le kanger) avec des skis aux pieds. Au-delà de la tenue et de la barbe quasiment portée par tous (68% des habitants du Jammu-Kashmir seraient musulmans, selon le recensement de 2011), les hommes ont souvent de beaux traits, une peau plus claire qu’ailleurs en Inde, et des yeux de toutes les couleurs, verts, bleus, marron clair, noirs, et une pilosité parfois un peu roussie ou blondie, effet du soleil d’hiver qui se reflète sur la neige ou tout simplement de croisements génétiques.

Le troisième jour, nous prîmes la « Gondola », deux télécabines, parmi les plus hautes du monde, pour une vue imprenable sur la chaîne himalayenne à 3747 mètres d’altitude.

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Nous redescendîmes à ski, mon fils de 4 ans y compris, du premier télécabine - une piste rouge facile, qui est surtout une route. Inde,Kashmir,Jammu,Cachemir,Gulmarg,ski,skier en Inde, neige,terrorismePuis, pendant que les garçons se réchauffaient à la gargote d’altitude, j’attaquais Mary’s shoulder, en haut du seul télésiège de la station. Si la pente n’était pas trop raide, qu’elle ne fut pas ma surprise (et mon angoisse) de découvrir que la piste n’était pas dammée ! La poudreuse était kiffante mais encore faut-il savoir manœuvrer. L’altitude m’a également surprise et je devais littéralement reprendre mon souffle entre deux virages ! (Il y aurait 44 descentes à Gulmarg, plus ou moins réservées aux très bons skieurs et amateurs de hors-piste ; certains accès ne se font qu’en héliski, fonctionnel à partir de mi-janvier - vu que seules quelques pistes sont dammées. Mais la neige est à se damner !)

Une fois la journée terminée, il ne faut pas s’attendre à l’ambiance de Tignes, aux bars, bowlings, boites, cinéma (de toute façon tous les cinémas ont été fermés en 1989 et n’ont pas rouvert depuis, à cause des incidents terroristes) et autres activités d’après-ski. Non, une fois la nuit tombée, c’est chacun dans son hôtel, sachant qu’il n’y a que quelques établissements - le gouvernement contrôlant heureusement les constructions - et qu’ils sont bien éloignés les uns des autres, surtout dans la nuit non éclairée et enneigée. Beaucoup ne servent pas d’alcool même s’ils en autorisent la consommation. Bref, c’est plutôt ambiance famille. A moins de copiner avec les moniteurs de ski qui partagent des cabanes et t’invitent volontiers pour un thé, un verre ou un joint ;)