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lundi, 14 novembre 2022

Chronique d’une Parisienne qui quitte Delhi pour Goa – 2. Choisir Goa

Quand avons quitté Mumbai pour Gurgaon en 2016, nous nous donnions 2 ans, maximum 3, tellement nous pensions que Gurgaon ce n’était pas pour nous. Et puis de fil en aiguille, d’abord pour la maternelle Montessori de notre fils puis à cause du Covid, nous sommes restés. Nous avions bien tenté un départ en 2020, et nous avions exploré Dehradun et Pune.

Dehradun était trop mal desservi par les avions pour mon boulot et avec une microscopique communauté de « outsiders » (de gens qui ne sont pas du coin). A Pune, nous n’avons pas trouvé de logement qui arrive à la cheville de notre maison et le projet de résidence qui nous plaisait n’avait pas encore commencé à être construit. Et puis le Covid est revenu. Alors nous avons rempilé et apprécié notre chance de vivre dans un endroit spacieux. Nous aurions pu ne jamais partir ! S’il n’y avait eu la « pollution season » (ces quelques mois post Diwali et le brûlis) et les médias pour nous rappeler que nous respirions de la daube.

Quand notre propriétaire a voulu récupérer son bien immobilier, nous avons pris ça comme un signe. Nous avons alors identifié Bangalore, Hyderabad ou Goa. Nous avons mis de côté Goa parce que je trouvais le saut trop grand… Aller vivre dans le paradis touristique de l’Inde, au bord de la plage, n’allais-je pas me faire avaler et attraper un deux-de-tension ? Nous nous intéressâmes donc à Bangalore, mais nous avons rapidement réalisé que nous ne ferions que dupliquer notre vie de Gurgaon (avec des températures et un air plus cléments et une circulation tout aussi horrible, voire pire) : une belle maison dans une belle résidence et c’est tout. Les prix, égaux voire supérieurs à ceux de notre banlieue, nous ont dissuadés. Même combat à Hyderabad pensions-nous.

Alors Goa est revenu sur le tapis. Nous serions de ces rats qui quittent le navire delhiite. Il y a eu pendant le Covid une vague d’immigration des grandes villes indiennes vers Goa. Certains seraient restés et auraient fait construire leur maison. D’autres (plus nombreux) seraient repartis en même temps que le business, incapables de se faire aux charmes de Goa. Et puis il y a tous ceux qui parlent du « grand saut » et ça leur suffit. Ce qui est intéressant c’est qu’en discutant d’un déménagement à Bangalore, on a aussi eu l’impression que tout Delhi était en train d’y partir. Sauf ceux qui ont essayé de nous en dissuader à cause des écoles « okay-okay », d’un système médical pas terrible, d’un internet indolent, des locaux plus intéressés par la sieste que le boulot, des maids difficiles à trouver, des routes très étroites, de l’humidité etc.

Quoi qu’il en soit, Goa pouvait aussi être un lieu idéal pour le business de boulangerie de mon Indien préféré et je me ferais bien aux palmiers et l’air iodé si j’avais pu m’adapter à Pune, Mumbai, Delhi et Gurgaon !

A suivre…

lundi, 19 septembre 2022

Chronique d’une Parisienne qui quitte Delhi pour Goa – 1. L’annonce

Il est venu le temps

D’un grand changement,

Un nouveau déménagement…

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Notre propriétaire souhaite récupérer sa maison, notre foyer depuis six ans. Tactique d’une rare bassesse pour augmenter de manière conséquente le loyer ou réel motif personnel ? Il a accepté de prolonger le préavis de deux à neuf mois pour 15% de plus, mais il aurait pu demander encore plus au vu des prix du marché actuels.
Quoi qu’il en soit, le bien était fait ; le coup de pied au cul dont nous avions besoin pour quitter Gurgaon avait eu son effet. Une fois la machine en branle, notre transfert pourrait être expédié en huit semaines.

Nous avions déjà essayé de partir en 2020, alors que nous croyions le COVID derrière nous. Après l’enfermement, nous aspirions à des horizons plus verts, moins pollués, moins stressants… Nous avions visité Dehradun et Pune mais n’avions rien trouvé d’enthousiasmant et en avions conclu que nous étions bien chez nous ! Hormis quand les indices de pollution décollent tellement que les écoles ferment. Ou quand il fait 50 degrés et que les écoles ferment à nouveau.
Pourtant, Gurgaon n’a pas grand-chose d’aimable. Une ville en construction, pleine de poussière et de bouchons. S’il y a un plan d’aménagement de la ville, il n’est pas visible, rien ne semble cohérent. Mais si on gratte sous la surface des malls – l’activité favorite des Indiens étant d’aller y déambuler pour profiter de la clim ou y manger –, il y a les clubs d’escalade, d’équitation, de yoga aérien, de poterie, et sa population d’Indiens qui viennent ici pour le boulot, expatriés à leur manière. Mais surtout il y a la maison, un havre de paix ou une prison dorée, c’est selon. Une "erreur" de construction en tout cas : plus personne ne laisse autant d'espaces verts dans une résidence, autant de "pertes d'espace" ! Les mois de COVID et trois ans à travailler de chez moi ont rendu la séparation presque déchirante. Elle n’est pas la plus belle et elle a plein de défauts – notamment celui de laisser rentrer le froid l’hiver et de le laisser sortir l’été, les infiltrations pendant la mousson, les chasses d’eaux qui cassent sans arrêt etc. Peu importe, on pourra dire qu’on y a été bien, et qu’on en a profité !

Pour l’instant, j’arrache mes racines. Je vends des meubles qui m’ont suivie à Delhi et à Mumbai, je vide mes armoires, je fais mes aurevoirs aux copains, je prépare une fête d’adieu pour ceux de mon fils. Départ prévu le 1er 8 14 octobre ! Reste connecté pour les aventures d’un déménagement en Inde et surtout pour découvrir notre nouvelle destination.

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La vue de mon salon / bureau

lundi, 23 mai 2022

Ma belle-mère indienne et moi - Hélène

Quand les contraires ne s'attirent pas...

Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.

J’ai rencontré mon mari lors d’un stage en Angleterre. J’avais 25 ans, lui 28 et il travaillait dans l’informatique.

Nous nous sommes mariés un an plus tard, un peu pour des raisons administratives, beaucoup par amour… Je n’avais jamais été en Inde ni même parlé à sa famille mais il m’assurait que nous remédierons à tout ça rapidement. Dès que nous aurions un peu de sous de côté, nous irions faire un beau mariage en Inde !

En attendant, même si nous ne gagnions pas beaucoup d’argent, mon mari envoyait au moins une centaine d’euros tous les mois à ses parents. Et quand il y avait des extras, des urgences médicales par exemple, j’étais mise à contribution. Je ne trouvais rien à y redire, même si ça nous faisait des fins de mois un peu compliquées.

Et puis nous avons déménagé à Ahmedabad. Peu après notre arrivée, j’ai réalisé que j’étais enceinte ! Mais des beaux-parents, point de signe… Entre le choc culturel, l’adaptation et la grossesse, je n’y pensais pas trop. Et puis un soir, deux mois avant l’arrivée du bébé, mon mari est rentré bouleversé à la maison. Il avait avoué à ses parents qu’il était marié, à une Française, et bientôt papa. Sa mère avait crié, pleuré et son père avait hurlé des choses horribles « le jour de ta naissance est maudit », « j’aurais préféré que tu meures que d’entendre cette nouvelle », etc. Ils ne voulaient plus entendre parler de lui. Et moi je tombais des nues, je n’avais pas imaginé une seconde qu’ils n’aient jamais entendu parler de moi…

La crise s’est prolongée plusieurs semaines. Mon mari essayait de m’expliquer le déshonneur que son mariage avec moi (mésalliance religieuse et de caste) faisait tomber sur sa famille. J’essayais de comprendre. Mais si c’était aussi terrible, pourquoi n’avait-il pas suivi la voie qui lui était tracée ? (J’ai beau comprendre l’envers du décor, dès que mon mari s’incline devant les aînés à mon détriment ou celui de mon couple, je revis avec force ce sentiment de trahison né du fait que mon mari ait tu si longtemps mon existence, même (et surtout) après le mariage.)

Finalement, après un long silence, mes beaux-parents ont repris contact avec leur fils. Non pas qu’ils soient revenus à de meilleurs sentiments, mais ils avaient une échéance de crédit à payer… Le pragmatisme a repris le dessus ! Dans la foulée, un dîner a été organisé. C’était un peu lunaire, personne ne savait trop quoi se dire ou comment se comporter. Mais la glace était brisée. Tellement bien que pendant que j’accouchais à l’hôpital, ma belle-mère s’est installée chez nous et a visité tous les placards et tiroirs. A mon retour, elle a dégagé mon mari dans une autre chambre et s’est installée dans la mienne, avec le bébé. Je devais être sous le coup des hormones pour supporter ça ! Ainsi que les boissons amères pour augmenter la production de lait, ses massages au nouveau-né (j’étais pour !) qui le faisait hurler (là j’étais moins pour), l’interdiction qui m’était imposée de sortir, etc. Alors que j’étais au bord de l’implosion, une urgence familiale les fit partir au bout de quelques semaines, sans ça ils seraient encore là - mon mari s’est révélé incapable de mettre en doute le bien-fondé des actions de sa mère, et encore moins de s’y opposer et donc de prendre ma défense. Quand je n’ai pas pu – ni physiquement, ni psychologiquement – cédé à sa mère pour une cérémonie religieuse, il s’est carapaté et m’a laissé essuyer la crise toute seule, et quelle crise ! (Pour les trois mois du bébé, alors que j’étais en mode survie, ma belle-mère a insisté pour aller dans un temple faire le mundan. Les trucs religieux ce n’est pas trop mon truc, raser les cheveux de mon bébé encore moins, mais l’idée de faire 12 heures de queue parce que c’était ce temple et pas un autre… je n’ai pas pu.)

Après ça, il y a eu les raids impromptus chez nous et plus particulièrement dans le frigo pour vérifier qu’il n’y ait pas de viande. Les visites avec de la famille sans prévenir mais non sans attendre que je prépare le chai et des snacks indiens. Je pris le parti d’ignorer les piques sur mon surpoids ou sur mon lamentable hindi, et de dire oui à tous les conseils qui m’étaient prodigués (notamment sur mes tenues, le lissage de mes cheveux ou mon maquillage, je devais toujours être très présentable) sans rien changer à mes habitudes. M’insurger en frontal ne m’apporta rien ; sourire se révéla plus efficace. Je ne vous mentirai pas, ce ne fut pas facile d'avaler toutes ces couleuvres en silence ; par exemple, la fois où j’insistais pour que ma belle-mère laisse mon fils attaché dans le siège auto, elle me hurla dessus « c’est MON petit-fils !! »; j’ai vu rouge, très rouge, beaucoup de sang… Je me suis dit qu’à force de répéter le cliché qui la terrifie, l’Occidentale qui boit, divorce, et part avec les enfants, elle allait le provoquer à ce train-là...

Malgré notre début de relation, houleux mais ayant le mérite d’exister, je n’étais toujours pas la bienvenue chez eux. Quand une invitation est arrivée pour le mariage d’une vague cousine dans laquelle mon nom ne figurait pas (contrairement à celui de mon mari), ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase – pour cette cérémonie aussi, j’avais dû me serrer la ceinture ! J’ai dit à mon mari qu’il ne pouvait pas avoir le ghee l’argent du ghee et les fesses de l’Occidentale… S’il ne (re)trouvait pas ses couilles rapidement et se mettait à défendre sa femme et son fils, il allait pouvoir se mettre à rencontrer ces femmes dont sa mère continuait d’envoyer le CV en vue d’une union (post notre divorce, qu’elle jugeait inéluctable ou qu’elle espérait, je ne sais pas). J’en avais assez de me mettre à sa place (à laquelle je n’aimerais pas être d’ailleurs), de me sentir mal à le voir sans cesse tiraillé. Et moi alors ? J’avais déménagé au bout du monde pour lui et je vivais un enfer ! Il a enfin réagi, m’a « imposée », et personne n’a déserté le mariage à cause de moi, au contraire, j’ai été le centre de l’attention…

Après cette première bataille et de nombreux efforts, les choses se sont tassées. Au bout de deux ans, j’ai enfin été invitée dans la maison au village, maison que, accessoirement, j’avais contribué à payer. Les ragots avaient diminué en intensité et ma belle-mère avait compris que je ne divorcerais pas si vite. Elle a su apprécier que j’apprenne un peu de sa langue et de ses recettes. Surtout, elle a renoncé à ce que je me voile avec le purdu de mon sari – que je porte rarement – et à ce que je passe mon temps à la cuisine ou à faire le ménage, ce qui est encore le sort de sa fille et de ma belle-sœur. Ce « traitement de faveur » ne m’a d’ailleurs pas attiré que des amitiés dans la gent féminine de la famille… Aujourd’hui, les relations sont fluides, à divers degrés selon les membres de la famille. Nous avons même déménagé dans le village où nous faisons construire notre maison.

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