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lundi, 25 avril 2022

Ma belle-mère indienne et moi - Marine

Une belle-mère immigrée envahissante

Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.

Nous habitons au Canada, à Toronto. Laissant toute leur famille en Inde, mes beaux-parents y ont emménagé il y a une vingtaine d’années. Mon mari se sent plus Canadien qu’Indien maintenant. Ses parents ont apparemment eu quelques amis quand ils ont déménagé au début, mais ils ont par la suite arrêté de les voir (déménagements et embrouilles, à ce que j’ai compris). Ils sont semi-retraités, donc encore un peu occupés avec leurs emplois respectifs qui comblent leur vie sociale inexistante. C’est un peu dommage, car il y a une grande communauté d’Indiens au Canada et la société est très ouverte. S’ils le voulaient, ils pourraient avoir beaucoup d’amis.

Le frère de mon fiancé est lui-même marié à une blanche mais il a déménagé bien loin. Mon mari, lui, ne veut pas quitter Toronto où il a sa vie. J’ai pensé suivre la voie de mon beau-frère et mettre un peu de distance entre mes beaux-parents et nous mais cela pourrait être à double tranchant : ils risqueraient de nous suivre, et cette fois se mettre en ménage avec nous d’autorité.

Il ne vivait déjà plus avec ses parents quand je l’ai connu. Il m’a cependant avoué plus tard que, lorsqu’il a acheté sa maison, ses parents avaient demandé à emménager avec lui. Il avait refusé, car justement il voulait expérimenter la vie seul à 30 ans. Ça n’a aussi jamais été dans son intention de vivre avec eux ; alors que ses parents (surtout sa mère) nourrissait le rêve que leur fils cadet épouse une Indienne pour emménager avec lui une fois marié. Mon amoureux a refusé toutes les femmes qui lui ont été présentées par sa mère, car il croyait en l’amour.

 Lui, il est prêt à les héberger si un jour ils ont des problèmes de santé, mais sinon, il tient à son intimité et indépendance. Enfin, quand je dis « la vie seul à 30 ans »… Il a choisi un hébergement à 5 minutes à pied de chez eux, et quand nous nous sommes rencontrés, il allait les voir tous les jours. Quand je suis arrivée dans sa vie, il s’est mis à espacer un peu les visites à… juste plusieurs fois par semaine quand même. Il ne les a pas abandonnés non plus ! Pour autant, le changement a été très mal vécu par ma belle-famille...

Quand la question s’est posée de vivre ensemble, j'ai clairement été contre. Je ne suis pas opposée à l’idée d’une maison multigénérationnelle où chacun a sa cuisine et sa salle de bain, mais on est déjà géographiquement proches en cas de besoin. Mais non, eux, ils voulaient vraiment vivre avec nous et TOUT partager... Pour moi, c’était hors de question.

Mon mari et moi, nous avons beaucoup discuté de la pression sociétale et familiale. Sa famille avait des attentes pour lui, il devait si plier, point barre. Sauf qu’heureusement, il s’est défendu (mais on s’est quand même quittés 2 fois avant de nous marier). Voici un exemple récent : il a voulu s’acheter une nouvelle voiture, son père trouvait que ce n’était pas un bon investissement. Mon copain a quand même décidé de l’acheter (après tout, il a 36 ans et gagne bien sa vie). Sa famille a fait une crise : « Tu ne respectes pas la parole des aînés, blablabla. » Bref, il devrait faire en fonction d’eux tout le temps, j’avoue que cela me dépasse. Je pense que ça lui a ouvert les yeux cette histoire : son père a dit qu’il ne voulait plus nous voir pendant quelques mois à cause de ça, bon, dans les faits, il est revenu vers nous après une semaine.

Je me suis souvent demandée si toutes ces contraintes, en tous cas, quand je me base sur ma belle-famille, viennent du fait qu’ils sont issus d’un mariage arrangé. Mes beaux-parents s’entendent bien, mais ils n'ont pas l’air super épanouis pour autant. J’ai l'impression qu’ils vivent par procuration la vie de leur fils. Ils ne sortent pas, n’ont pas d’amis (absolument aucun) et toute leur vie tourne autour de leur famille. Sauf que le frère de mon mari habite loin, donc toute l’attention est tournée vers mon mari. Il est plus que leur fils, il est leur entière vie sociale. En raison du COVID, on a commencé à vivre ensemble avant de nous marier (le drame, là aussi, haha). Ses parents venaient nous voir tous les jours, à l’improviste. Et souvent, ils faisaient un tour de la maison d’abord pour vérifier que tout était en ordre. Le choc quand tu vois des gens dans ton jardin à 9h du mat’ alors que tu es en pyjama à regarder la tv dans le salon. Heureusement que je ne portais pas de nuisette, haha. Ou alors la fois où ils sont entrés sans s’annoncer (la sonnerie ne marchait plus, ils ne nous avaient pas prévenu qu'ils voulaient passer) et ils sont juste entrés. Bref, on regardait un film dans le noir et là, on a vu deux ombres dans le coin du salon. On a hurlé de peur... Mais imagine si on ne regardait pas de film et étions dans un moment intime...

Ça aussi, ça a été une goutte d’eau. Pour eux, pas besoin de s’annoncer, ils peuvent venir quand ils veulent et entrer sans avoir à frapper, parce qu’ils doivent se sentir « welcomed », bienvenus, chez eux chez nous. Heureusement, mon fiancé a fini par réaliser qu’ils était un peu oppressants et collants. Mais ils me font encore peur, je ne me sens pas toujours à l’aise en leur présence. J’ai l’impression qu’il y a toujours un drame qui pourrait se déclencher pour n’importe quelle bricole, car ils interprètent le monde à leur façon et si on ne va pas dans leur sens, tout de suite, c’est la crise.

C’est tellement à mille lieux de ma famille qui est très ouverte d’esprit, m’a toujours donnée beaucoup de liberté... Ma grande peur, c’est qu’ils trouvent une excuse un jour pour venir vivre avec nous (du genre un petit problème de santé, c’est la seule raison pour laquelle mon fiancé pourrait dire oui).

Son père est très patriarcal et veut prendre toutes les décisions. Il est aussi assez franc et direct, donc pas de faux-semblants avec lui. J’apprécie cette qualité même s’il paraît souvent bourru et ne cherche jamais à sociabiliser. Sa mère est plus sociable mais très hypocrite. Surtout, elle est hyper contrôlante : elle veut tout faire pour « aider » mais, en réalité, elle veut juste tout contrôler et combler son propre quotidien pas très occupé, je pense. Elle n’hésite pas à manipuler et faire culpabiliser.

Je sais qu’ils ont un peu « changés » depuis qu’on est ensemble. Mon copain s’est battu pour nous, donc ils ont compris qu’ils allaient peut-être le perdre s’ils continuaient. Mais cela reste très pesant pour moi. J’ai parfois l’impression de vivre dans un mauvais film. Je trouve que la société indienne est beaucoup construite autour de la psychogénéalogie, avec tellement de pressions familiales et de poids des traditions et du passé.

Je n’envisage pas d’un jour aller vivre en Inde, et mon mari non plus, ce qui tombe plutôt bien ! Je pense que le fossé culturel serait trop grand pour moi. Sa mère lui a proposé un jour de retourner en Inde, il a dit non. Sa vie est ici et il me dit que même quand il parle hindi, il a un accent, donc on le fait un peu se sentir comme un étranger en Inde. Je suis aussi très indépendante et je pense qu’en Inde, conduire ou sortir seule peut-être compliqué/dangereux (je me base sur les dire d’une amie à Delhi, mais je sais que ça ne reflète pas tout le pays).

Je n’appelle pas mes futurs beaux-parents « papa » et « maman ». Ils m’ont demandé de le faire le jour du mariage, devant ma famille, sans même nous en avoir parlé au préalable à moi et mon mari. D’abord mes parents se sont sentis offusqués, et ensuite, on trouvait ça culotté de nous demander ça alors qu’ils ne me traitent pas comme leur fille. Je sais que ma belle-sœur le fait. Moi, je les appelle par leurs prénoms et c’est ok comme ça. Mon fiancé ne m’a jamais demandé de le faire et je refuserais de toute façon.

Je pense sincèrement que le fossé générationnel et culturel est trop grand entre mes beaux-parents indiens – malgré leur vie passée en Occident – et les nouveaux couples mixtes comme le mien. Ce n’est pas si grave de ne pas se comprendre, du moment qu’il y a de l’acceptation et du respect. Dans mon cas, il est attendu de moi que j’annihile toute ma culture française et devenir indienne… Il n’y a pas d’espace pour les compromis dans ma belle-famille. Donc forcément, ça ne passe pas.

Marine

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lundi, 18 avril 2022

Ma belle-mère indienne et moi - Emeline T

Une relation longue distance ; loin des yeux, près du cœur

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Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.  

J’ai rencontré mon conjoint sur une application pour apprendre l’anglais. L’application permettait de « lancer une bouteille à la mer » pour trouver des correspondants dans le monde afin d’échanger en anglais. Nous avons discuté en ligne pendant plusieurs mois avant que j’aille le rencontrer en Inde et depuis, on ne s’est plus quitté.

Je vis à la Réunion et ma belle-mère vit à Bangalore. 

Ma belle-mère, c’est une femme que je respecte plus que tout au monde. A 16 ans, elle était mariée, à 20 ans elle avait déjà deux enfants. Elle a accouché seule, sans son mari. Elle a fait des sacrifices énormes pour que ses enfants aient un meilleur futur. Elle travaille dur tous les jours pour que la maison reste propre et que le business familiale soit florissant.

Elle n’a pas été beaucoup à l’école mais c’est une femme intelligente. C'est la reine de la maison, et tout le monde la respecte. Elle a élevé ses enfants mais aussi ceux de son beau-frère. Malgré la culture dans laquelle elle a grandi, elle a su se démarquer des autres grâce à son ouverture d’esprit. Elle a su m’accepter malgré les on-dit et à m’accueillir comme sa fille.

Je l’ai rencontrée une fois pendant une semaine lors d’un voyage en Inde. Ensuite, nous nous sommes pas revues, notamment à cause du COVID. Cette année, mon mari qui vit hors d’Inde depuis début 2019, est rentré en Inde pour la première fois en 2 ans. Elle n’était pas présente pour notre mariage qui a eu lieu en France mais nous comptons faire une cérémonie en Inde l’année prochaine.

Même si je n’ai jamais passé beaucoup de temps avec elle, et nous communiquons surtout par téléphone alors même que nous ne parlons pas la même langue. Mais, malgré tout, je sais combien elle m’aime car ce sont toutes les petites attentions qui comptent. Par exemple, à chaque fois qu’elle voit un joli bijou, elle l’achète pour moi, pour la prochaine fois qu’on se verra. Elle s’inquiète quand je suis malade ou en colère. Elle est triste quand je ne l’appelle pas.

Ma belle-mère pourrait me vouer une haine sans nom, pour lui avoir « pris » son fils aîné, pour l’avoir emmené loin au bout du monde mais c’est un ange avec un bon cœur. Maintenant, mon but est de la rendre heureuse comme elle a rendu heureux ceux autour d’elle. D’ailleurs, depuis que mon mari a un CDI, nous lui construisons une maison pour qu’elle soit à l’aise. C’est ma belle-famille qui a supervisé toute la construction en Inde et ils ont mis une salle de bain européenne et une chambre, pour être sûrs que nous nous sentions bienvenus chez eux (qui est aussi chez nous, visiblement). Je trouve le geste très beau, même si cela me surprend un peu qu’ils puissent croire que nous allons un jour vivre tous ensemble. Ils semblent avoir beaucoup d’espoirs que nous emménagions.

Quant à mon mari, il aimerait rentrer en Inde vivre avec eux mais il voit bien que ma manière de vivre ne pourrait pas facilement coller : je suis une femme active, je fais beaucoup d’activités et j’aime beaucoup mon métier de professeur. Si je trouvais un job de prof en Inde me permettant de gagner ma vie et garder mon indépendance, je pourrais éventuellement envisager de franchir le pas.

Nous verrons bien comment les choses évoluent. Je n’ai pas vraiment de projets fixes. Je reconnais que j’appréhenderais un peu à vivre avec ma belle-mère, surtout si elle s’avérait directive.

Emeline T

 

lundi, 11 avril 2022

Ma belle-mère indienne et moi...

Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.  

Une fois n’est pas coutume, je vais parler un peu de moi et de ma relation à ma belle-famille indienne. Attention, la belle-mère… sujet sensible !

J’ai épousé mon Indien préféré en 2014, et nous avons eu un enfant dans la foulée. Depuis 2019, nous vivons dans une banlieue de Delhi. Ma belle-mère vit au Kerala, dans sa terre natale, et ma belle- sœur à Goa. Nous prenons plus souvent l’avion pour aller en France qu’au Kerala, même si la distance est triple, mais il me faut « rentrer » souvent. Mon mari a moins le sentiment d’être chez lui au Kerala que moi à Paris, en partie parce qu’il a grandi dans le nord de l’Inde et qu’il n’a pas beaucoup d’attaches dans le sud.

Avant de me marier, j’avais vécu 8 ans en Inde, dont 6 avec un autre Indien. J’avais eu le temps de m’habituer au pays et de découvrir certaines facettes de sa et ses cultures. Les deux aspects les plus différents entre l’Occident (au sens large) et l’Inde (au sens large également), selon moi, relèvent des perceptions temporelle et individuelle. D’une part, armée de mon appréhension du temps linéaire, avec un début et une fin, j’ai été exposée au temps cyclique, qui s’accompagne de vécu dans le présent, sans anticipation, sans réflexion long-terme, rien n’étant jamais tout à fait fini… D’autre part, forte d’une culture de valorisation de l’individu, j’ai découvert le concept sacré de famille au sens large, qui implique le sacrifice de la personnalité dans le microcosme familial (et qui s’accompagne souvent d’une résurgence de frustrations dans le macrocosme plus général de la société) : on vit ensemble dans la famille du mari, on obéit aux aînés, on suit les règles, on perpétue les traditions, et on se défoule sur les routes.

De fait, quand j’ai signé pour entrer dans une famille indienne, voilà ce qui me terrifiait le plus : devoir sacrifier mon indépendance à… ma belle-mère. La menace était d’autant plus réelle qu’elle était veuve. Où pouvait-elle bien vivre si ce n’est chez son fils, puisqu’en Inde, il est très mal vu de laisser des parents âgés vivre seuls ? Je la voyais s’installer chez nous, me juger, m’expliquer comment élever mon fils, etc. J’en suffoquais à l’avance. Alors, quand elle a commencé à nous rendre visite, voyageant du Kerala à Mumbai, j’ai mis mon mari dans une situation très inconfortable : j’ai exigé qu’il demande à sa mère sa date de départ. Non pas que je veuille la chasser, elle était la bienvenue le temps qu’elle voulait, mais j’avais besoin de perspective. Or, en Inde, les impondérables sont tels qu’on n’aime pas prévoir et on préfère les allers simples. Surtout à la retraite. Ce n’était pas méchant de ma part, mais ce n’était pas gentil non plus. Et puis, quand approchait la date de son départ, ni mon mari ni moi ne pensions à la retenir – il est poli, en Inde, d’insister pour que les invités prolongent leur séjour, d’où l’intérêt des allers simples. Il n’y avait guère que la nounou pour lui demander de rester un peu plus, a-t-elle sobrement observé à voix haute un beau jour.

Mais avant d’en arriver là, un incident est venu compliquer notre relation avant même que celle-ci n’en soit une. Je l’ai rencontrée une fois, juste après m’être mise en couple avec mon Indien préféré. Trois mois plus tard, nous lui annoncions notre mariage et notre grossesse ! Je ne la connaissais donc que depuis 6 mois, et ne l’avait vue qu’une seule fois, quand nous avons officialisé notre union. Et ce n’était pas encore fait que ma belle-sœur a assumé son rôle traditionnel dans la famille indienne et, au nom de sa mère, m’a demandé d’appeler cette dernière « maman ». Outre le fait que je n’ai pas compris le recours à un intermédiaire empêchant (volontairement et culturellement) de se parler directement, l’idée de l’appeler « maman » m’était intolérable. J’y ai vu la preuve qu’elle voulait tout supplanter, jusqu’à ma propre mère. Cette dernière a cherché à me convaincre d’obtempérer, mon mari a proposé des versions du mot « maman » dans plusieurs langues, mais je n’ai pas pu. Je n’ai jamais pu. Certaines étrangères y arrivent. Pas moi. J’ai réussi à vivre plusieurs mois, peut-être plusieurs années, sans avoir de « mot » pour m’adresser à elle directement, l’usage du prénom et des termes « mother-in-law » ou « auntie » (utilisé avec les aînées) étant inacceptables dans sa culture.

J’ai fini par réussir à l’appeler « mamie » (« daadi ») à défaut de « maman ». Mais ça m’a pris du temps, parce que l’attitude des grand-mères maternelles en Inde m’a toujours pétrifiée, surtout à l’arrivée de leur unique petit-fils. Dans la grande famille indienne, le bébé n’appartient à personne ou à tout le monde, surtout à la matriarche. Alors, dès la naissance, j’ai envoyé des signaux clairs pour faire savoir que j’entendais m’occuper de mon fils moi-même : pour commencer, je n’ai pas voulu d’elle à mes côtés la première nuit – son fils allait rester à la maternité, à sa plus grande stupéfaction !

À anticiper une mainmise sur mon petit dès sa naissance, je suis devenue louve. Et puis, comme pour tout dans ma vie, j’étais décidée à me débrouiller seule. Je me suis passée d’aide les 5 premiers mois (outre celle de la femme de ménage). Mais j’ai aussi réalisé qu’on n’est peut-être jamais trop à s’occuper d’un enfant et qu’il ne sert à rien d’être trop fière… Il faut quand même préciser que dans la grande famille, où les petits-enfants vivent avec les grands-parents, le rôle de ces derniers et surtout de la grand-mère, consiste à les nourrir, les baigner, les masser, les surveiller. Mais pas à « faire des choses » avec eux. L’éveil psychomoteur des tout-petits est laissé à l’environnement et ne passe pas par des jeux, des activités entre adultes et enfants. Comme ma belle-mère n’a jamais eu l’occasion de tenir le premier rôle ni l’idée de tenir le second, trouver sa place vis-à-vis de son petit-fils n’a pas été chose aisée.

Toujours est-il qu’à avoir peur que ma belle-mère ne prenne trop d’espace, je ne lui en ai presque pas donné. À craindre qu’elle ne me juge, c’est moi qui l’ai jugée, qui ai imaginé qu’elle ne pourrait jamais me comprendre, moi, ma vie, mes habitudes, ma manière d’élever mon fils. Heureusement, les années passant, tout doucement, je me suis détendue, et j’ai compris. Qu’elle m’aimait comme sa fille et souhaitait simplement que je l’aime comme une mère. Qu’elle aime passer du temps avec nous mais sans jamais empiéter sur mon « territoire ». J’ai appris à mettre de côté nos différences d’expérience de vie pour laisser parler nos cœurs – en tout cas c’est l’idée ; en pratique nous nous respectons et nous co-existons, et c’est déjà pas mal je crois. Mais je peux quand même dire que ma belle-mère, même si nous échangeons peu de mots, c’est une belle personne. Et que ça n’a pas dû être facile pour elle de voir son fils déroger aux traditions et aller à l’encontre des attentes de la société en épousant une étrangère qui est, en plus, celle qui ramène le pain à la maison.

J’ai eu l’idée de lui demander comment elle vivait la situation. Ma démarche l’a un peu surprise – l’autoréflexion et la réflexion en Inde ne sont pas des démarches valorisées – mais ce fut l’occasion de parler de notre relation. Voici ce qu’elle m’a dit, puis écrit, quand je lui ai demandé comment elle vivait d’avoir une belle-fille étrangère et un petit-fils franco-indien :

« Le 13 avril de l’année 2014 fut une journée merveilleuse pour moi… Quand mon fils m’a annoncé qu’il était (enfin !) prêt pour le mariage, j’ai été ravie d’apprendre la nouvelle, à savoir qu’une belle-fille allait rejoindre notre famille... En plus de cela, il m’a donné une autre bonne nouvelle, j’allais bientôt être grand-mère. C’était notre rêve. Quand j’ai su dire que ma future belle-fille était étrangère, je ne l’ai pas mal pris mais j’ai été inquiétée de la réaction de mon père, qui n’a jamais été un homme facile, et de ma famille. J’ai pensé que la communication serait peut-être un peu difficile, même si je parle anglais, pas couramment mais pas trop mal non plus...

Je réalise maintenant la chance que j’ai d’avoir une bru comme la mienne... En ce qui concerne mon petit-fils, au début ce n’était pas facile car nous avions très peu de complicité... Quand il avait 3-4 ans, je ne le sentais pas attaché à moi... Ça m’a fait un peu mal mais maintenant cela va très bien, il a commencé à communiquer avec moi ainsi qu’avec ma fille, sa tante paternelle... Je me sens très heureuse... Le seul problème, c’est qu’il ne peut pas manger de nourriture épicée comme le sambar que j’ai l’habitude de préparer quand la famille se réunit.

Quand je leur rends visite, je reste en général une quinzaine de jours. J’aimerais qu’ils viennent plus souvent au Kerala et surtout qu’ils restent plus que quelques jours, au moins deux-trois semaines mais je crois que ma belle-fille s’ennuie dans les longues réunions familiales où notre langue, le malayalam, domine. J’aimerais aussi vivre avec eux mais je n’aime pas la vie dans le nord de l’Inde, le froid l’hiver, et j’ai mes activités, mon cercle, dans le Kerala. Pour l’instant, j’arrive à vivre seule. On verra ensuite… »

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Ce dessin n'a rien d'une exagération. J'ai reçu un témoignage d'une jeune mariée qui se demandait si c'était normal que sa belle-mère dorme avec elle et son mari... Vos témoignages d'expérience avec une belle-mère (indienne ou pas) - dans un sens ou dans l'autre - sont les bienvenus et je serais heureuse de les publier !