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dimanche, 02 mai 2021

J15 et J8 de symptômes, économie et politique d'un désastre - Le Covid vu par une Française en Inde 02.05

2 mai – J15 et J8 de symptômes, la vie au ralenti

  • Nombre de cas en France : 5 642 359 (104 706 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 19 557 457 (215 542 morts) 

La situation ne semble pas s’améliorer en dehors de ma bulle indienne. Regarde la une du journal ce matin :

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Notre résidence tente de s'équiper en bonbonnes d'oxygène, en concentrateurs d'oxygène, en lits et en infirmières. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire :

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En plus des difficultés logistiques, il y a les résidents récaciltrants, et sceptiques, et les deux, qui ne veulent pas participer à la cagnotte. En fait, tant que tu n'as pas fait partie des 5% qui ont besoin d'oxygène, tu as tendance à croire que tout ne va pas si mal. Il n’y a pas que ma femme de ménage qui ne semble pas se rendre compte de la gravité de la situation. Ma voisine d’en face n’a pas déclaré son covid à notre résidence, et ne s’est donc pas mise en quarantaine. Des gens continuent de se marier et de clamer que les médias exagèrent. Un de nos amis, la cinquantaine, positif asymptomatique, m'a expliqué que l'isolation ou la quarantaine c'était pour les gens avec des personnes âgées ou des enfants à la maison ; lui il s'éclate avec ses copines (des filles de 23 ans qu'il chope sur Tinder, mais c'est une autre histoire).

Peut-on le leur reprocher quand le gouvernement maintient la coupe de l’IPL (Indian Premier League) de cricket même si sans public ? Et les rallies politiques pour les élections régionales au Kerala, Tamil Nadu, Bengale-Occidental et Assam ? (Le BJP est en train de prendre une vilaine claque dans le West Bengal, une des régions qu’il brigue violemment ; il n’y a guère que dans l’Assam qu’il ait gagné d’ailleurs (source).) Et le plus grand évènement religieux, la Kumbh Mela, que des astrologues complètement barjos ont avancé d’une année (source) ? Difficile après de dire au peuple de rester chez soi. En plus, on l’a vu avec la première vague, les conséquences économiques d’un confinement ou même d’un ralentissement de la vie sont désastreuses pour la majorité de la population.Qui mourra de faim à défaut de mourrir d'air...

En 2019, la Kumbh Mela dans l’Uttar Pradesh aurait généré un revenu de 13,5 milliards d’euros pour un investissement de 500 millions d’euros (source). En 2015, la coupe de l’IPL aurait contribué à 0,05% du GDP indien avec $11,5 milliards (source). On reproche au Premier Ministre d’avoir, en 2019, dépensé 400 millions d’euros pour construire la plus grande statue du monde (les Indiens sont des obsédés du superlatif) ; et d’avoir récemment enclenché des dépenses de l’ordre de 2,3 milliards d’euros pour l’embellissement des bâtiments politiques de Delhi. Mais là encore, corruption mise à part, ce sont des projets créateurs d’emploi et donc de revenus.

200 000 morts du covid, c’est rien pour un Premier Ministre de l'Inde qui compte 10 millions de morts par an (pour près du triple de naissances). Surtout dans un pays où la vie n’a pas de prix, dans le sens où elle ne vaut rien, surtout celle des autres – c’est pas les Indiens qui seraient allés chercher Matt Damon sur Mars, tu peux me croire ; eux ils en sont à construire leurs pyramides et leurs cathédrales à la sueur des esclaves. Sauf que 200 000 et des gens qui crèvent de ne pas pouvoir respirer, c’est spectaculaire d'autant que ça ne touche pas que les pauvres. Et ça fait très, mais alors très mauvaise impression à l’étranger et ça, M le Modi, il n’aime pas du tout, lui qui travaille à établir l'Inde comme une puissance mondiale.  

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samedi, 01 mai 2021

J14 et J7 de symptômes, les nerfs qui lâchent - Le Covid vu par une Française en Inde 01.05

Mes papilles olfactives se sont livré une guerre sans merci en haut de l’arrête de mon nez. Et ce depuis que le type du labo y a enfoncé son coton-tige géant il y a 2 semaines. J’ai bien sûr cru qu’il m’avait endommagé le renifloir. Ça me faisait mal comme si on m’avait cassé le nez, et quand je penchais la tête en avant, j’avais l’impression assez désagréable que mon cerveau essayait de se barrer par les narines, en plus de quelques céphalées très passagères. Il faut croire que c’était mon covid… Aujourd’hui mon odorat n’est pas revenu même si je renifle à tout va, mais j’ai beaucoup moins mal. Je dors toujours autant – quand mes compagnons de covid m’en laisse l’occasion. Ai-je déjà écrit un post sur la valeur du sommeil en Inde ? Si non, je devrais…S’ils me laissaient tranquilles, je crois que je végèterais pendant plusieurs jours, allongée, à regarder le ciel bien chargé de chaleur, sans arriver à m’ennuyer. Mais ils ne me laissent pas… Alors je ris et je pleure sans trop savoir pourquoi, et puis je fais des siestes, et enfin je recommence tout ça, tout en essayant de reprendre le contrôle. Ou pas.

Petit Samourai a fait une petite crise de nerfs aujourd’hui. Il a enfilé ses tongues, empoigné sa trotinette et tchao bonsoir ! Je l’ai rattrapé in extremis mais les cris et les larmes que j’ai dû essuyer… J’ai bien essayé de lui faire un terrain de parcours dans la maison, et il passe des heures à déplacer les coussins et meubles du salon mais il voudrait juste aller jouer au badminton dehors. Des heures que je passe à jouer avec lui (découpage, maquillage, gâteaux), il ne retient que celles où je lui demande de me laisser souffler – il aurait fallu voir sa joie quand samedi est arrivé et que maman n’allait pas travailler – alors que maman n’a pas ouvert son ordinateur depuis 10 jours, à part pour ses 10 minutes quotidiennes de blog. Après des jours de tergiversions, nous avons décidé de l’inscrire au CP et il devrait commencer ses cours en ligne la semaine prochaine. La recherche d’une école primaire en Inde fera bien sûr l’objet d’un post, vu le boulot que c’est…

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jeudi, 29 avril 2021

Pendant ce temps, en Inde... - Le Covid vu par une Française en Inde 29.04

29 avril – La vie au ralenti

  • Nombre de cas en France : 5 565 852 (103 918 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 18 376 524 (204 832 morts) 

Maintenant que nous allons tous mieux à la maison, je vais arrêter de me regarder le nombril et voir ce qui se passe dehors. Enfin, dehors… Je suis en quarantaine, je ne peux pas sortir, alors ça va être quand même un peu limité.

Nombre de cas. L’Inde enregistre plus de 350 000 cas par jour. Mais en fait il y a un battement d’au moins 3 jours, car les résultats de test mettent plus de 72 heures à arriver. Et c’est la croix et la bannière pour se faire tester, alors ce n’est pas dément de penser que les chiffres sont largement sous-estimés. C’est bien simple, pendant la dernière vague, je pouvais compter sur les doigts de la main le nombre de gens que je connaissais qui l’avaient attrapé, et cette fois c’est l’inverse ; je ne connais presque personne qui ne l’ait pas chopé.

Vaccins. Le Premier Ministre a réitéré qu’il n’y avait pas de rupture de stock. Pour autant, à Mumbai, des gens attendent leur 2ème dose et vont faire la queue quotidiennement à l’hôpital, en vain. Au moins avec cet exercice, ils risquent de finir immunisés quand même. Le Covaxin, vaccin indien de l’entreprise Bharat, serait plus efficace avec le variant indien (B.1.617) à double mutation. Mais les chiffres indiquent que les variants sévissent différemment selon les régions indiennes (source) :

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Enfin, le Gouvernement français est en train de recenser le nombre de doses de vaccins Moderna à envoyer pour les ressortissants français en Inde et leurs conjoints. Mais il faut ne pas avoir eu le Covid depuis le 1er février, ça va considérablement réduire le nombre de doses.

Oxygène. Et bien c’est toujours la pénurie. Hier, les voisins couraient à droite à gauche pour recharger leurs bonbonnes. En vain. Il paraît que les flics empêchaient l’accès aux camions, apparemment pour éviter le marché noir – qui fleurit comme ce n’est pas permis. Et les escroqueries aussi d’ailleurs. Mais aussi la charité. Une association (Hemkunt foundation source) fait parler d’elle, qui se concentre sur l’oxygène et offre un « drive-through » : tu arrives, tu respires autant que tu as besoin et tu repars. Ça commence à s’organiser sur le sujet, avec l’aide internationale (encore faudra-t-il qu’elle arrive à bon port, on sait ce qui arrive aux rations alimentaires et toute autre aide locale…) mais surtout des individus et des entreprises qui se lancent dans la fabrication d’usines à oxygène.

Médicaments. Les pharmacies à Gurgaon ne livrent plus, trop de boulot. Sur les réseaux, les gens cherchent du Remdesivir, Fabiflu, plasma et bien sûr de l’oxygène. En Inde, quand tu es admis à l’hôpital, tu dois te débrouiller pour acheter les médicaments – souvent tu les trouves à la pharmacie dudit établissement, mais pas toujours…

Traitement :

  1. Le double masque si on doit sortir, et avant d’être infecté et placé en quarantaine
  2. Vitamines B, C et Zinc + paracetamol
  3. Stéroïdes aussi souvent recommandées dès que les poumons sont atteints
  4. Beaucoup d’hydradation, mais pas d’eau froide
  5. Passer au moins 3-4 heures par jour allongé sur le ventre pour soulager les poumons
  6. Continuer à faire un peu d’exercice, y compris de respiration, surtout si vous êtes en isolation et ne bougez quasiment pas

Riches et pauvres sont aujourd’hui dans la même galère. Dans sa pleine bonté d’âme, une de mes voisines s’est indignée de la pénurie de vaccins : « Ils n’ont qu’à le faire payer 6000 rs (70€ alors qu’aujourd’hui il est disponible gratuitement dans les établissements gouvernementaux et jusqu’à 2 400 rs dans le privé, par dose) et au moins on sera sûr d’en avoir. Et puis on ne sait pas quoi faire ni qui appeler pour réserver un lit à l’hôpital, tu te rends compte ? » L’argent aide quand même à se procurer de l’oxygène ou du matériel médical au black ; j'avais hurlé de rire en février dernier quand un collègue (obèse, diabétique et surtout imbuvable) m'avait parlé de la chambre de soins intensifs qu'il avait fait installer chez lui. Aujourd'hui, je trouve ça nettement moins drôle, c'est même une des dernières alternatives quand on ne trouve pas de lit d'hôpital, qu'on a les moyens et qu'on trouve les ressources. Certains hôpitaux ont également des partenariats avec des hôtels, pour des traitements basiques, et tous proposent des consultations en ligne. (Attention, les médecins ont souvent la main lourde sur les médicaments...)

Et les réseaux aident à se trouver un lit. Notre ghetto abrite un propriétaire de labo et nous avons la chance d’avoir une collecte de tests organisée une ou deux fois par semaine. Des fois pour les résidents, des fois pour le staff, des fois pour les deux. Ils arrivent aussi à organiser des campagnes de vaccination de temps en temps.

Fric et relations ne garantissent pourtant pas l’accès aux soins, et ça reste très difficile pour tout le monde. Évidemment c’est encore plus difficile pour les plus démunis. D’autant qu’en termes d’information, nous ne semblons pas vivre sur la même planète. Ma femme de ménage est très très loin de comprendre la gravité de la situation par exemple, et voulait rentrer chez elle, au mépris du risque de transmission à son mari, ses autres proches ou le chauffeur de taxi. Et je suis sûre qu’ils sont des millions à se dire encore, et jusqu’à ce soit trop tard, « c’est qu’une mauvaise toux », puisque les sales trucs qui traînent, ils ont l’habitude…  Bref, c’est absolument horrible ce qui se passe.

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