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vendredi, 29 mai 2009

A son of the circus

Quand je flâne dans une librairie et que je tombe sur un titre de John Irving que je n’ai pas lu, je réalise un « achat impulsif ». Autrement dit je ne réfléchis pas et j’embarque le bouquin. Et la dernière fois que c’est arrivé – hasard ? – le roman traitait de… l’Inde ! Mais oui !!

 

A son of the circus. Une épopée incroyable où s’entremêlent les vies d’un clown du cirque, d’un docteur indo-canadien, d’une star de Bollywood, d’une hijra assassine, d’une Américaine expatriée en Inde, d’un missionnaire jésuite américain homosexuel, d’un passeur de drogue, d’un gamin des rues et d’une enfant-prostituée bombayites, j’en passe et des meilleurs. Malgré ces personnages pas possibles, l’intrigue reste plausible et captivante !! Le tout avec l’Inde en fond de toile…

 

John Irving, dans son introduction, affirme que ce n’est pas un livre sur l’Inde, qu’il ne connaît pas ce pays et n’y a passé que 3 semaines dans sa vie. Pourtant l’Inde est distillée tout au long de l’ouvrage, sans clichés, sans en faire des tonnes. Irving nous emmène l’air de rien à la rencontre des hijras, des parsis et de bien d’autres, dîner dans un « club », somnole sur les plages de Goa ou encore nous fait scintiller pour nous le « collier de la reine » etc.

 

Mais ce livre, c’est avant tout la tranche de vie d’un homme déraciné, né en Inde et devenu citoyen canadien ; d’un Indien au Canada et d’un Canadien en Inde.

 

Un livre qui mérite qu’on en parle… et pas qu’un peu…

Un aspect important de l’ouvrage : on sent le pied que l’auteur prend à l’écrire !! Absolument incroyable ! A son of the circus, Un enfant de la balle (1994).

 

 

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jeudi, 19 février 2009

Au Couvent des Petites Fleurs

A tous ceux que la littérature et l’Inde intéressent, foncez acheter Au couvent des Petites Fleurs de Indu Sundaresan, Michel Lafon (2009).

 

En lisant ce recueil de neuf nouvelles, je me suis dit « tiens c’est intéressant, ces histoires semblent inspirées des faits divers qui illustrent quotidiennement la presse indienne ». Et de fait, les dernières pages nous révèlent que l’inspiration de l’auteur vient bien de là… Mais il fallait du talent pour transformer de simples entrefilets en contes captivants. On en redemande !!

 

Voici donc neuf nouvelles dont le dénominateur commun est l’Inde du 21ème siècle, et l’Amour, qui triomphe des souffrances infligées par les épreuves de la vie et le poids des traditions particulièrement lourd encore aujourd’hui en Inde.

 

Par exemple, quid de l’amour dans le mariage arrangé* ? Une question qui intrigue nombre de non-Indiens. Avec sept des neufs nouvelles mettant en scène des couples « arrangés », Indu Sundaresan réussit l’exploit de nous en parler avec simplicité, loin des clichés occidentaux…

L’arrangement peut conduire à l’amour comme ces couples qui ont rencontré l’âme sœur dans Rêves au bord du lit (ou la réunion dans la mort d’un couple vieillards agonisants, abandonnés dans une sordide maison de retraite et dépouillés par leur douze enfants**) et dans Trois secondes et demi (ou le temps d’une chute de deux époux qui se défenestrent pour échapper à la honte d’un fils qui les bat). Mais il y a également le mariage arrangé malheureux, avec Nitu et Sheela qui n’aiment pas leurs maris respectifs mais leur sont pourtant dévouées corps et âme, dans le renoncement exigé par la tradition (La faim).

 

Et puis il y a le sacrifice pour le mari, le dieu. Sacrifice du bonheur dans La faim, sacrifice de la vie dans L’Epouse fidèle (centrée sur le thème du sati – immolation d’une jeune fille sur le bûcher funéraire de son défunt époux).

 

L’auteur évoque également les unions « interdites » : Kamala, lapidée puis brûlée vive pour avoir fuit avec un homme d’une autre religion (Le feu) ; Krishna, fruit d’une union sacrilège (hors des liens du mariage, et parents de castes différentes) qui représente une honte permanente, une véritable souffrance pour son grand-père (L’enfant non désiré).

 

Mais bien d’autres thèmes sont également abordés :

L’adoption avec Padmini, adoptée à 6 ans par un couple d’Américains, et soudainement renvoyée à son passé, un orphelinat de Madras, par une lettre (A l’abri sous la pluie) ; l’expatriation avec Payal qui a fuit « la maison aux lourds secrets » et choisit de vivre aux Etats-Unis (Le feu) ; le parcours initiatique d’une famille de paysans qui quittent les champs du Sud pour les trottoirs de Mumbai (Trois secondes et demi) ; le poids de n’avoir que des filles et pas de garçon (L’enfant non désiré), charge notamment financière avec la dot (thème de la « vente » de la fille également repris dans La faim et L’Epouse fidèle).

 

Et certains thèmes complètement nouveaux comme l’échangisme (Le key club) auquel s’adonnent pour tromper l’ennui, 4 couples riches, beaux, arrogants, comblés. Ou l’homosexualité (La faim) de deux femmes qui quittent des maris qu’elles n’aiment pas pour vivre leur amour.

 

* C’est d’ailleurs curieux de voir comment les étrangers font du mariage arrangé une tradition typiquement indienne alors qu’il est pourtant pratiqué dans beaucoup d’autres pays.

 

** Le sens de la famille en Inde, primordial, veut que le fils aîné ou à défaut ses frères prennent les parents à demeure pour leurs vieux jours (les filles « appartiennent » à la belle-famille).

 

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vendredi, 31 octobre 2008

La littérature pour prévenir contre le sida

Alors que l’année dernière on utilisait des films pour faire campagne contre le sida en Inde, cette année ce sont des écrits – initiative de Avahan, la Fondation Bill et Melinda Gates. AIDS Sutra est une anthologie regroupant 16 auteurs (tous récompensés, et tous Indiens, à l’exception de Dalrymple) qui écrivent (après étude sur le terrain) à propos de l’épidémie en Inde et comment les communautés à travers le pays gèrent la situation. Les histoires traitent des dynamiques socio-culturelles de notre époque. Ainsi :

 

-          Salman Rushdie écrit sur les hijras de Mumbai : « Le troisième sexe en Inde a encore besoin de notre compréhension Aids.JPGet de notre aide. »

 

-          William Dalrymple sur les devdasis (filles pré-pubères dédiées/offertes à la déesse) de Belgaum (nord du Karnataka).

 

-          Les journalistes Aman Sethi et Sonia Faleiro sur la vie des conducteurs de camion et les prostitué(e)s : Faleiro évoque également les bakchichs exigés par les policiers, de la corruption rampante. Mais elle rappelle qu’il faut aussi penser à ce que gagne un policier par mois : a peu près pareil qu’une bonne.

 

-          Vikram Seth (lui-même bisexuel et ardent défenseur des droits des homosexuels en Inde) et Siddharth Dhanwant Shangvi sur le HIV chez les riches et privilégiés : un jeune réalisateur gay qui est la star de la société mumbaite.

 

-          Gangopadhyay raconte une histoire très répandue parmi les prostitué(e)s du West Bengale : une paysanne (de basse caste), victime de harcèlement sur son lieu de travail, décide de se prostituer en se disant que c’est un moyen de gagner plus pour sa famille.

 

-          Mukul Kesavan écrit sur les hommes qui couchent avec des hommes (MSM – Men Sex with Men) à Bangalore : alors que les kathis (les « tatas ») sont reconnaissables, les panthis (les « males ») restent invisibles.

 

D’après l’article sur lequel je me base (Article_Indiatogether.com_Aids Sutra_Sept08.pdf), certaines histoires vous entrainent, d’autres n’y arrivent pas. C’est la diversité – géographique, sociale, culturelle – qui fait le succès de cette anthologie.

On dit que c’est le premier « livre de charité » indien – en tout cas le premier de cette ampleur. Depuis sa sortie en aout, déjà 6 000 exemplaires ont été vendus, ce qui est un début prometteur.

L’initiative en soi est déjà remarquable. C’est important de parler du sida, d’aider à sa reconnaissance, surtout dans des pays comme l’Inde où c’est encore un tabou, quand ce n’est pas tout simplement ignoré. Les gens atteints du sida disent souvent qu’il est très difficile de le révéler à la famille et aux amis ; alors qu’en parler est nécessaire pour le bien-être, pour supprimer la culpabilité, la honte et la stigmatisation. La peur – de la stigmatisation et du rejet – fait souffrir.

 

Avahan, la foundation des Gates créée en 2003, travaille dans le Maharashtra, l’Andrah Pradesh, le Karnataka, le Tamil Nadu, Manipur et Nagaland ; l’objectif : développer la prévention parmi les populations « à risque » comme les prostitué(e)s, les drogués, les hommes qui couchent avec des hommes, les transgendres et les conducteurs de camion.

Avahan : http://www.gatesfoundation.org/avahan/Pages/overview.aspx

 

L’année dernière, Avahan a financé le projet de films Jaago de Mira Nair, auquel ont participé des réalisateurs renommés (Vishal Bhardwaj, Santosh Sivan, Farhan Akhtar et Mira Nair – vous connaissez sans doute son Mariage des Moussons. Les films ont été diffusés sur NDTV le 1er décembre 2007. Lien : http://www.aidsjaago.com/

 

 

Livre : AIDS Sutra : histoires non-dites de l’Inde. Edité par Negar Akhavi, Random House India (395 rs i.e. environ 7€). Pour le commander en Europe (en anglais) : http://www.amazon.co.uk/Aids-Sutra-Untold-Stories-India/dp/0099526581

Photos : Salman Rushdie (auteur) avec Laxmi (photo de la foundation Bill et Mélinda Gates/Prashant Panjiar 2008)

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