Au Couvent des Petites Fleurs (jeudi, 19 février 2009)

A tous ceux que la littérature et l’Inde intéressent, foncez acheter Au couvent des Petites Fleurs de Indu Sundaresan, Michel Lafon (2009).

 

En lisant ce recueil de neuf nouvelles, je me suis dit « tiens c’est intéressant, ces histoires semblent inspirées des faits divers qui illustrent quotidiennement la presse indienne ». Et de fait, les dernières pages nous révèlent que l’inspiration de l’auteur vient bien de là… Mais il fallait du talent pour transformer de simples entrefilets en contes captivants. On en redemande !!

 

Voici donc neuf nouvelles dont le dénominateur commun est l’Inde du 21ème siècle, et l’Amour, qui triomphe des souffrances infligées par les épreuves de la vie et le poids des traditions particulièrement lourd encore aujourd’hui en Inde.

 

Par exemple, quid de l’amour dans le mariage arrangé* ? Une question qui intrigue nombre de non-Indiens. Avec sept des neufs nouvelles mettant en scène des couples « arrangés », Indu Sundaresan réussit l’exploit de nous en parler avec simplicité, loin des clichés occidentaux…

L’arrangement peut conduire à l’amour comme ces couples qui ont rencontré l’âme sœur dans Rêves au bord du lit (ou la réunion dans la mort d’un couple vieillards agonisants, abandonnés dans une sordide maison de retraite et dépouillés par leur douze enfants**) et dans Trois secondes et demi (ou le temps d’une chute de deux époux qui se défenestrent pour échapper à la honte d’un fils qui les bat). Mais il y a également le mariage arrangé malheureux, avec Nitu et Sheela qui n’aiment pas leurs maris respectifs mais leur sont pourtant dévouées corps et âme, dans le renoncement exigé par la tradition (La faim).

 

Et puis il y a le sacrifice pour le mari, le dieu. Sacrifice du bonheur dans La faim, sacrifice de la vie dans L’Epouse fidèle (centrée sur le thème du sati – immolation d’une jeune fille sur le bûcher funéraire de son défunt époux).

 

L’auteur évoque également les unions « interdites » : Kamala, lapidée puis brûlée vive pour avoir fuit avec un homme d’une autre religion (Le feu) ; Krishna, fruit d’une union sacrilège (hors des liens du mariage, et parents de castes différentes) qui représente une honte permanente, une véritable souffrance pour son grand-père (L’enfant non désiré).

 

Mais bien d’autres thèmes sont également abordés :

L’adoption avec Padmini, adoptée à 6 ans par un couple d’Américains, et soudainement renvoyée à son passé, un orphelinat de Madras, par une lettre (A l’abri sous la pluie) ; l’expatriation avec Payal qui a fuit « la maison aux lourds secrets » et choisit de vivre aux Etats-Unis (Le feu) ; le parcours initiatique d’une famille de paysans qui quittent les champs du Sud pour les trottoirs de Mumbai (Trois secondes et demi) ; le poids de n’avoir que des filles et pas de garçon (L’enfant non désiré), charge notamment financière avec la dot (thème de la « vente » de la fille également repris dans La faim et L’Epouse fidèle).

 

Et certains thèmes complètement nouveaux comme l’échangisme (Le key club) auquel s’adonnent pour tromper l’ennui, 4 couples riches, beaux, arrogants, comblés. Ou l’homosexualité (La faim) de deux femmes qui quittent des maris qu’elles n’aiment pas pour vivre leur amour.

 

* C’est d’ailleurs curieux de voir comment les étrangers font du mariage arrangé une tradition typiquement indienne alors qu’il est pourtant pratiqué dans beaucoup d’autres pays.

 

** Le sens de la famille en Inde, primordial, veut que le fils aîné ou à défaut ses frères prennent les parents à demeure pour leurs vieux jours (les filles « appartiennent » à la belle-famille).

 

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