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Rechercher : cinq coins du monde

Le plus grand luxe en Inde c'est...

La SOLITUDE  !!

 

Il faut comprendre : à Bombay il y a 400 000 habitants au km2 – à Paris il y en a 20 000.

Ils ne connaissent d’ailleurs même pas le concept de solitude. Par exemple, cet après-midi, Santosh devait voir le comptable et Prajay jouer au golf. Et bien il m’a fallu plusieurs heures pour les convaincre que ça ne me gênait pas de rester seule à l’appart…

Ca fait deux semaines que je suis là, ils ne m’ont pas lâchée d’une semelle, moi qui ai tellement d’habitudes de vieil ours casanier… Je ne peux pas me plaindre non plus, ce serait aller au-delà de l’ingratitude, ils sont tellement gentils, hospitaliers, amicaux, attentifs. Mais si seulement on pouvait me foutre un peu la paix !

En plus de ça, les Indiens ont un sacré sens du contact. Les hommes marchent souvent bras dessus bras dessous, voire main dans la main (on m’assure que ce n’est pas de l’homosexualité même si le dernier India Today titrait que 25% des Indiens hommes ont déjà eu des relations bisexuelles).

Quand Santosh me prend la main dans la rue j’ai envie de hurler. Quand il me serre dans les bras (en plus il m’arrive au menton) je serais capable de tuer. Quand il me pince affectueusement la joue je serre fort les machoires pour ne pas le mordre. Il ne comprend pas mes allusions, quand je lui explique nos « différences culturelles », que chez nous on se touche pas; et il est presque choqué quand je me cale dans le coin du canapé pour lui échapper. Je suis à peu près sûre qu’il ne s’agit pas de harcèlement sexuel mais simplement d’affection. Mais ça s’adresse VRAIMENT à la mauvaise personne !!

AAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH

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lundi, 20 novembre 2006 | Lien permanent | Commentaires (4)

Le produit magique

Je ne parle pas souvent du boulot mais là quand même ça vaut le coup…

Alors voilà, j’allai rendre visite à un pharmacien la semaine dernière.

Le type il te dégoûte rien qu’à le regarder. Il mâche du paan (un mélange de feuille de bétel, de noix d’arec et de tabac) à longueur de journée, donc quand il te parle, forcément il a la bouche pleine. Et ce ne serait que ça… Ca déborde de partout, il en a plein au coin des lèvres.

J’ai même entouré sur mon bloc-notes le postillon rouge de paan qu’il a balancé.

Répugnant.

A part ça un type assez sympa, bien que très suffisant.

Il m’a longuement expliqué comment protéger mon entrepôt de la poussière. Pour donner plus de poids à ses propos, il m’a montré mes bras en me disant que j’étais en train de me décomposer et que ma peau ne se régénérait pas avant deux ans (allons bon !). Et là il me sort la « crème magique » (je cite), le truc « qu’on ne trouve nulle part en Inde ». C’était tellement magique que c’était dans une boîte en carton complètement poussiéreuse.

Et là, il se met à déboucher le tube, m’en mettre sur le bras et me dire de faire pénétrer. Pleine de bonne volonté, je masse. Je masse. Je masse. La crème/gel se met à faire des boulettes gluantes bleues qui se collent à mes (pourtant pas nombreux) poils de bras.

Pas concluant ton truc mon vieux !

Allez, vaut mieux en rire… Passons aux choses sérieuses maintenant !

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samedi, 28 avril 2012 | Lien permanent

Mes nouveaux amis

Je me suis fait un nouvel ami : on découvre les coins et recoins de mon appartement ensemble, on transpire ensemble, que du bonheur. J’ai nommé, mon aspirateur ! Le meilleur investissement depuis des mois, surtout au regard de ce qu’il a avalé ! Donc 4 000 rs – amorti sur 4 mois si j’avais une employée de maison, ce qui n’est pas le cas et n’a pas de raison d’être au vu de la taille de mon appart et du temps que j’y passe !

 

Je me suis aussi fait une nouvelle copine : elle m’aide, me soulage. J’ai nommé : l’aspirine ! A part, aérobic, aérobic, quand tu nous tiens… Ma collègue et moi nous sommes inscrites pour 3 séances par semaine et pas question d’en louper une. Bilan : quand on en a une gratuite, on se fait 4 séances, et ce la 1ère semaine. Sauf que la prof est un peu tarée, que j’ai des courbatures pas possible, et que j’ai extrêmement sommeil…

C’est marrant : on a des cours dans un gymnase d’école, immense, sans clim mais avec de bons ventilos. Y a plein d’élèves, des filles trop maigres qui veulent se muscler, des filles trop grosses qui veulent maigrir. La plus forte, c’est une dame d’une cinquantaine d’années qui vient en salwar-kameez (en tunique quoi), en baskets (sans chaussettes) et qui peut pas faire les exercices où on saute de droite à gauche. Mais pour ne pas être en reste, elle remue – et activement s’il vous plaît – ses énormes fesses de droite à gauche. Un spectacle qui me fait oublier l’effort…

 

Et en parlant d’effort, bientôt le réconfort ! Un week-end à Delhi avec Shiv et une journée dans un chouette hôtel à Kesroli, Rajasthan. Allez, je poste ma note pour demain et file à l’aéroport. Bon week-end !

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samedi, 18 avril 2009 | Lien permanent

Nishtha

 Il fut une période où je me plaignais que quoi qu’il fasse, un étranger ne sera jamais considéré comme un Indien. Pas de programme d’intégration ici (ces programmes valent ce qu’ils valent, la démarche est quand même intéressante). Qu’on adopte le sari, qu’on parle le marathi couramment, on ne fera jamais illusion, les gens continueront de pincer leur voisin sur notre passage, pour être sûrs qu’ils ne loupent pas le phénomène.

J’en étais donc là quand j’ai fait la connaissance de Nishtha (Juliette) Pierre-Marie. Et bien j’ai été bluffée. Plus indienne tu meurs. Faut dire qu’à 80 ans et des heures passées au soleil, la peau est moins blanche (ou rose c'est selon).

Arrivée en Inde à 40 ans, elle a commencé par enseigner le français à l’université. Rapidement elle a abandonné la nationalité française pour devenir Indienne. Sur ce, elle est partie vivre 17 ans dans un bidonville et 15 ans dans un village – le doc attaché donne un aperçu de sa vie dans l’ashram de Kamshet qu’elle a fondé pour aider les gens du village. Elle souhaite vivement que d’autres initiatives comme le centre de Karishta.docmshet (pour laquelle elle a reçu le titre de Chevalier de l’Ordre National du Mérite du Président Chirac) soient reproduites. Aujourd’hui elle habite à Pune, où elle œuvre pour les droits de la femme, tout en écrivant (elle a déjà édité trois livres et cherche à en publier d’autres).

Une rencontre qui en bouche un coin…

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vendredi, 26 octobre 2007 | Lien permanent | Commentaires (2)

Bienvenue à Khar, Mumbai

J’ai réussi à finaliser un appartement juste avant le retour et je me suis rapidement installée. Comme on ne peut pas tout avoir, j’ai une vue incroyable sur la mer et les bidonvilles, une ventilation superbe dans l’appartement et pas de vis-à-vis. Mais j’ai aussi les odeurs de poisson qui sèche dans le village de pêcheurs au pied de mon immeuble (même si c’est pas pire que partout ailleurs à Mumbai, cf ma note) et le bruit des rickhsaws qui pétaradent à longueur de journée et les cloches des temples d’Hanuman qui sonnent à toute heure. Incroyable mais vrai je me suis pas mal accommodée du bruit et des odeurs. Il me suffit d’apercevoir la mer pour planer au-dessus de tout ça…

Je peux même traverser le bidonville, rejoindre la plage et marcher jusqu’à mon bureau – mais seulement à marée basse ! 

J’espère juste que le jour où je puerai le poisson pas frais quelqu’un aura la bonté de me le faire savoir…

 

J’ai des amis indiens que mon quartier n’enthousiasme pas vraiment, c’est le moins qu’on puisse dire. Et bien moi j’adore le côté populaire et grouillant de coin paumé entre un village de pêcheurs et un bidonville. Pas un jour où il ne se passe rien. Pas besoin de télé, regarder par la fenêtre est un spectacle permanent.

 

La bourgeoise du huitième qui s’extasie devant les Indiens qui vont pisser à l’urinoir public en bas de chez elle… !!

 

 

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lundi, 04 mars 2013 | Lien permanent | Commentaires (3)

Au nom du père, de la belle-mère et de l'enfant roi: L'Education à l'indienne (vue par une étrangère)

On m’a demandé (c’est le début de la gloire !) de parler de l’ ‘éducation à l’indienne’. Vaste sujet ! Je me suis penchée sur la question pendant plusieurs semaines, en me cantonnant à la société que je connais et en espérant ne pas écrire trop de bêtises – difficile vu qu’en Inde on peut tout dire, le contraire est presque toujours vrai également…

inde,éducation,parenting,respect,règles,amour,efants,parentsJe me suis déjà pas mal épanchée sur l’expérience que peut être d’avoir un bébé en Inde (1). Pour faire bref, si on reprend au début, il faut savoir que la belle-mère, souvent présente à l’accouchement, est la première à tenir le nouveau-né (avant la mère oui oui). La belle-sœur doit ensuite opérer un rituel – nettoyer les tétons de la mère pour les purifier et donner au nouveau-né un mélange à base de miel (jatakarma) pour qu’il soit tout doux comme un bonbon – avant que cette dernière puisse allaiter. Le ton est donc donné dès le début : le ‘parenting’ à l’indienne c’est un plutôt du ‘familying’ ou l’affaire de tout le monde, voire surtout de la belle-mère ( ;) ), ce qui peut heurter une sensibilité occidentale de mère responsable qui a ses propres vues sur ce qu’elle veut ou ne veut pas pour son enfant. Surtout si elle a épousé un Indien et doit se plier aux rites comme la cérémonie du nom ou la boule à zéro (2).

Le fils indien est élevé, dans la tradition, pour ne jamais quitter le berceau familial, ses parents ; en ce sens il est et restera un ‘enfant roi’ toute sa vie, assisté jusqu’au bout des ongles en tout ce qui consiste la tenue du ménage – ça en fait même des mecs qui ne savent pas à quoi ressemblent une papaye autrement qu’en morceaux dans leur assiette, c’est dire. C’est à la mère, dont il ne quittera jamais les jupons sauf pour quelques incartades vers ceux de sa femme, puis à cette dernière qu’incombent ces tâches. La fille indienne est élevée pour être une bonne (obéissante) belle-fille (bonniche) et surtout une mère de famille (elle n’aura réalisé sa raison d’être et acquis son droit à être sur cette Terre que quand elle aura enfanté et c’est apparemment pour ça qu’on trouve en Inde les plus vieilles femmes primipares (3) ) ; elle ne quittera probablement son foyer que pour celui de son mari et il y a de bonnes chances qu’on ne l’autorise pas à travailler, même si elle a fait des études supérieures (ça change, mais à l’allure escargot). On lui apprend le respect, l’obéissance, le renoncement à soi et à surtout ravaler ses sentiments. Si par malheur une tragédie comme une fausse-couche arrive, « rien de sert de pleurer il faut oublier et aller de l’avant ». Faire le deuil, vivre ses émotions, et puis quoi encore ? C’est exprimé un peu abruptement mais c’est encore bien comme ça.

Mais revenons à cette notion d’enfant roi. Les parents français aiment leurs enfants, mais essayent de limiter le bouleversement que leur arrivée implique, autrement dit de ne pas sacrifier (toute) leur vie à l’autel de celle de leur marmaille. Par exemple l’’intimité’ du couple garde son importance et guide l’organisation du couchage. Quels Occidentaux (à part les Bobos qui remettent à la mode le ‘co-dodo’) ne s’horrifieraient pas à l’idée que les enfants dorment avec les parents ?! Jusqu’à 4 ans au moins ! Je me souviens avoir été choquée de ne pas trouver de chambre d’enfant (ni pour dormir ni pour jouer) chez un collègue indien qui avait pourtant deux pièces à coucher dans son appartement. En Inde, non seulement les enfants dorment dans le même lit que leurs géniteurs, mais également aux mêmes heures. Evoque des « horaires fixes de coucher et de repas » et on te regarde comme un monstre. Ici l’enfant vit au rythme de la maisonnée dès ses premières heures et immédiatement le monde se met à tourner autour de lui. C’est qu’intrinsèquement, le couple a peu d’importance en Inde, perdu dans le concept plus global de la famille (des beaux-parents, des enfants, des cousins, tout ça doit vivre en harmonie, et le couple (en général un couple de raison et non d’amour) doit faire les efforts qu’il faut pour ça). Dans beaucoup de sociétés occidentales, le couple est fondateur, et on conçoit même que le bonheur des enfants passe d’abord par celui du couple parental – dans notre Occident individualiste le bonheur passe par la réalisation de soi, en Inde par celui de l’accomplissement de son devoir, et TOUTE la différence est là. Pas de honte donc à partir en vacances sans son tout-petit, ce qui ne traverserait pas l’esprit d’un Indien (en plus du fait que la notion de ‘vacances’ est somme toute assez nouvelle et se limite en règle générale à rendre visite à de la famille et non pas d’aller se dorer la pilule sur la plage ou randonner dans les montagnes (sauf s’il y a un temple à voir)). On emmène également de tout jeunes enfants au cinéma voir des films d’adulte et des spectacles mettant en scène une mythologie pleine de monstres, ou on les traîne même dans les bars. Et pour finir, on ne le laisse pas pleurer les petits, c’est péché. Apparemment il serait pourtant bénéfique de les laisser exprimer leurs sentiments, que ce soit de la colère ou de la tristesse, mais ça choque trop les sensibilités.

inde,éducation,parenting,respect,règles,amour,efants,parentsLe parent indien couve son petit ; ce qui ne veut pourtant pas dire qu’il l’arme pour survivre dans ce monde de brutes, à devenir indépendant, un individu à part entière ; l’individualité n’occupe en effet qu’une place bien modeste dans la structure familiale indienne. Le nouveau-né est une ‘chose’ qui passe de bras en bras, qui ‘appartient’ un peu à tout le monde, un prolongement de ses parents auquel on ne prête pas vraiment de personnalité propre, encore moins une que l’on respecte. (Je passe pour une illuminée quand j’offre à mon fils de deux ans de choisir ses vêtements lui-même.) La couvaison est plutôt du genre physique, avec des mères terriblement à l’écoute de leur petit : petits qu’elles allaitent très tard, qu’elles massent quotidiennement, qu’elles portent tout le temps. En Inde nous sommes dans une vraie culture du toucher, versus un environnement Occidental plus porté sur le parler avec des enfants qu’on laisse très longtemps allongé seul avec leurs mobiles, des enfants auxquels des mères cherchent à enseigner très très tôt à ne pas être trop ‘attachés’ car la séparation va venir vite. Bref, la mère indienne arrive même dès les premiers mois à détecter quand il va poser une pêche et arrive ainsi à le rendre ‘propre’ presque avant que ses sphincters ne soient suffisamment développés. Une méthode consiste à se balader derrière le gosse avec du papier journal, et le lui glisser sous les fesses dès qu’on repère les signes d’une défécation imminente. Si ça rate, y a plus qu’à ramasser le tout avec la feuille. Une technique complémentaire offre de laisser le bébé sans couche jouer au bac à sable et laisser sécher la pisse quand ça coule dans le pantalon – je trouve ça risqué l’hiver mais bon – apparemment les enfants apprennent vite dans ces cas-là et puis l’économie de couches soulage tout le monde : le porte-monnaie et la planète.

Quand les mères françaises vont au parc, on les trouve en général assise sur un banc à papoter pendant que la marmaille s’ébat à sa guise ; et ça me fascine. Les mères indiennes, si elles allaient au parc au lieu d’y envoyer la nounou, passeraient leur temps à courir derrière leur gosse. Un peu comme moi donc. Enfin, le comble c’est quand même ce directeur d’une chaîne de magasins pour enfants qui me vantait les mérites d’une innovation qui devrait faire un tabac en Inde : un casque pour protéger l’arrière du crâne quand les bambins tombent, parce que « tu n’imagines pas le nombre de mères qui passent leur journée à courir derrière leur progéniture avec un oreiller pour éviter qu’elle ne se blesse en apprenant à marcher » !! Si c’est pas de la couvaison dans les règles de l’art ça… (ceci-dit je n’ai personnellement jamais été témoin de ce genre de comportement).

Et la bouffe ! Le nerf de la guerre, me direz-vous. Nourrir un enfant en France semble assez simple : on le met à table, il mange tant mieux, il mange pas tant pis, il aura son plat réchauffé au dîner. Nourrir un enfant en Inde, c’est juste l’inverse : parents et grand-parents passent leur journée à enfourner qui un bout de chapati qui un morceau de sucre dans le goulot du petit, en général occupé à autre chose. Rien d’étonnant à ce que les adultes indiens soient les champions du grignotage (et c’est souvent pas des fruits qu’ils boulottent mais plutôt des trucs fris bien gras) ! Et puis à chaque visite, les premiers commentaires portent sur le poids de l’enfant – à savoir qu’en général plus il est gros mieux c’est, où « dodu » signifie « en bonne santé ».

C’est donc un peu tout ça, l’enfant roi : celui qu’on ne laisse pas pleurer, à qui on donne la becquée à longueur de temps. Sauf que l’enfant roi il se prend bien vite la réalité en pleine face et c’est d’autant pluinde,éducation,parenting,respect,règles,amour,efants,parentss dur quand il a été habitué à tout autre chose pendant ses tendres années : quand toutes ses mignonneries ne sont plus de son âge, il a intérêt à grandir fissa. Par exemple, quand je racontais que mon fils venait d’appeler son père par son prénom pour la première fois et que je trouvais ça trop chou, on m’a expliqué qu’à deux ans ça fait rire tout le monde et qu’à cinq il se prendrait une baffe. Ils ont la main assez lourde les Indiens, les claques pleuvent et même les instituteurs n’y vont pas avec le dos de la cuillère – bref, la France il y a quelques décennies. Faut dire aussi qu’en Inde, le ‘respect’ des plus âgé est sacré. L’enfant est roi mais pas dieu non plus ! Il est donc de très mauvais goût de remettre en question ses parents, pire de leur désobéir (surtout sur des sujets à peine primordiaux comme les études, la carrière et le mariage, là point de discussion) – c’est presque inconcevable pour un Occidental habitué à contester tout et tout le temps et avec tout le monde. Le dialogue est donc parfois difficile, en plus du fait que certains sujets sont complètement tabous, comme la sexualité (et ses abus), l’alcool, les drogues etc. Bref on passe sous silence pas mal de discussions fondamentales et sensibles, parce qu’ « ici on ne parle pas de ces choses-là ». Il est d’ailleurs assez intéressant de constater que vivre ensemble à beaucoup ne signifie pas vraiment communiquer mieux, au contraire. Les Indiens, qui sont pourtant de grands émotifs, expriment peu leurs sentiments, il faut savoir lire entre les lignes. C’est ainsi que les langues indiennes n’ont pas vraiment de mot pour exprimer l’amour, l’amour de parent, ou d’enfant, ni même de partenaire. Selon une personne proche, l’amour s’exprime en Inde non par les mots mais par les gestes, « comme préparer un plat préféré ». Et on revient encore à la bouffe c’est dingue !! (J’aurais bien rétorqué qu’en Europe il faut les mots ET les gestes – c’est tout un job d’’entretenir’ l’amour – mais à quoi bon.) Bref on ne se dit pas je t’aime, on vit rarement une histoire d’amour délirante, et c’est sans doute pour ça que Bollywood fait souvent dans la guimauve : ça envoie du rêve (ou plutôt du fantsme) !

Et pour conclure sur l’enfainde,éducation,parenting,respect,règles,amour,efants,parentsnt roi, le moment où il commence à réaliser que la vie c’est pas que du gâteau c’est quand la scolarisation démarre. Ça peut donc commencer tôt. En Europe on a dû développer des crèches pour que les mères puissent travailler et on a fini par se mettre du baume au cœur en se convainquant que c’est un choix (alors qu’en fait non, c’est une nécessité), et que c’est mieux pour les enfants de ne pas être à la maison dès leur plus jeune âge – ce que je crois n’être pas tout à fait vrai. Alors en Inde, malgré bon nombre de femmes au foyer, entourées par toute la belle-famille et soutenues par la nounou, de plus en plus d’entre elles se dépêchent de mettre leur rejeton à l’école, « pour qu’il se développe plus vite ». Une explication qui me fait bondir à chaque fois, une réponse systématique quand je demande pourquoi à une mère qui insiste pour que je mette mon fils depuis ses douze mois à l’école. Mais pourquoi faut-il toujours aller plus vite que la musique ?? Surtout qu’une fois qu’ils sont dans le système, les enfants subissent une pression incroyable car la compétition est rude et les places sont chères : beaucoup de jeunes et une classe pauvre prête à se battre pour s’en sortir (et c’est juste 70% de la population), pas assez de bonnes institutions et des quotas pour les basses castes, pas d’assurance chômage ni de retraite etc. Bref si t’as pas la gnack ou tes parents de la thune, t’es mort. L’enseignement est donc tout un business, un véritable ‘investissement’ dont on attend un retour et qui ne s’arrête pas à l’école laquelle peut coûter des fortunes : les gosses passent presque autant de temps (et les parents dépensent presque autant d’argent) pour les cours de soutien ! Et la nouvelle tendance c’est les activités extra-scolaires : les jeunes doivent cartonner en cours, au tennis et à la guitare. Pas beaucoup de répit…

Bref chaque parent fait de son mieux pas vrai ?! Mais en Inde où la société évolue vite et intègre beaucoup de concepts occidentaux en conflit avec un système de valeurs et de traditions à la peau dure, il y a de quoi s’y perdre quand on a un enfant à élever !
 

(1) http://www.indiansamourai.com/list/mes-docs/bebe-samourai-made-in-india.html et http://www.indiansamourai.com/list/mes-docs/bebes-made-in-india.html

(2) http://www.bbc.co.uk/religion/religions/hinduism/ritesrituals/baby.shtml

(3) http://www.dailymail.co.uk/health/article-3582592/Indian-woman-70-gives-birth-baby.html

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lundi, 24 avril 2017 | Lien permanent | Commentaires (10)

Miss America l'Indienne

Des goûts et des couleurs on ne discute pas…Et comme on veut toujours ce qu’on n’a pas, les Asiatiques se débrident les yeux, les Noirs se décrépissent les cheveux et les Blancs se font cramer au soleil…Les Indiens n’échappent pas à la règle et les cosmétiques pour se blanchir la peau font des ravages (au sens propre et figuré, voir cette note). 

A ce titre, j’avais écrit sur ce blog il y a cinq ans : « Les mannequins indiennes ont du succès à l’étranger et les mannequins étrangères ont du succès en Inde : tout s’équilibre ! »

 

Et voilà-t-y pas que Miss America 2013, , est d’origine indienne !!

 

Comparons maintenant le teint de Miss America 2013 et des participantes à Miss India 2013. Marrant nan ? Pas sûr que Nina Davuluri, la gagnante américaine, aurait gagné un concours de beauté en Inde ! 

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dimanche, 22 septembre 2013 | Lien permanent

Le berceau rock 'n roll - Part 1

Bilan à cinq mois de grossesse : achats pour bébé – zéro ; prévision d’achats pour bébé – zéro.

Sauf que parfois la vie te rattrape et décide qu’il est temps que tu t’instruises sur le couchage pour nourrisson ! C’est ainsi qu’en prenant un thé (bye bye LITs) avec une copine au bord de l’accouchement, j’ai tout appris du co-dodo (enfin ‘tout’… j’ai surtout appris que co-dodo ça veut dire que le bébé dort dans ton lit. Ou presque). Son achat de lit bébé qui se colle comme une extension du lit des parents me plut bien ; une bonne solution pour la  feignasse que je suis : pas besoin de sortir du lit pour nourrir la nuit !

Le soir j’abordai donc le sujet avec mon Indien préféré qui a su rester complètement stoïque, même pas surpris le mec. Sa mère en revanche…Choc des cultures : en Inde le bébé dort dans le lit de ses parents au moins jusqu’à ses deux ans ; en France il est exilé dans sa chambre dès le premier soir (on lui apprend la vie direct chez nous, pas de pitié !). T’aurais vu

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dimanche, 16 novembre 2014 | Lien permanent | Commentaires (3)

Trop c'est trop! Ou pas...

Récemment, je trouvais l’Inde trop polluée, trop bruyante, trop chaude, trop puante, trop chaotique, trop compliquée, trop emmoustiquée. Trop quoi. C’était sans doute l’effet ‘trois semaines en Europe en septembre, avec un climat idyllique, les paysages superbes d’Ecosse (sans pollution, sans bruit, sans chaleur, sans humains ; sans rien quoi)''. Avec cela, il y a ces dix  questions qui reviennent toujours sur la vie en Inde, et qui me donnent plutôt l’occasion de revenir sur les difficultés - où j'en finis d'ailleurs par me demander ce que je fais toujours là-bas ! - que les points positifs, je sais pas pourquoi. Le retour à ma « réalité » sous 40 degrés et en plein brouillard de pollution a été un peu rude cette fois-ci.

Too much.jpegJusqu’au jour (moins d’une semaine après le retour) où, dans les toilettes de l’aéroport de Chennai, alors que je galérais depuis cinq bonnes minutes à mettre mes boucles d’oreille – j’ai les oreilles percées depuis deux ans mais je suis toujours aussi manchote et me blesse à chaque fois ou presque – quand la technicienne de surface m’offrit son aide. Ce qui valut à mon oreille droite un charcutage limité !

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lundi, 24 octobre 2016 | Lien permanent | Commentaires (1)

Carnets de Tanzanie - 4. The mountain that broke me

A 23h30, mon guide et moi entamâmes l’ascension sous une nuit sans lune. J’avais retenu que nous devrions être au sommet en 3-4 heures et nous partîmes d’un bon pas. Même mon guide peu bavard me fit la remarque que la cadence était bonne. J’étais contente de le savoir parce que, malgré la fraîcheur de la nuit, je transpirais comme un veau et je peinais à rythmer ma respiration. Malgré tout, j’avançais, sur une pente que je trouvais quand même bien raide et à une vitesse bien élevée.

Une demi-heure après le départ, Osward, me demanda un mouchoir. Il me fit savoir qu’il serait derrière le buisson (« just around the bush »), ce qui doit surtout tenir de l’expression parce qu’il n’y a pas vraiment de végétation sur les flancs de ce volcan, et qu’il ne s’éloigna que de trois mètres avant de baisser son pantalon. Je me gardai bien de regarder dans sa direction, préférant me perdre dans un ciel étoilé de toute beauté. Je regardai aussi vers le sommet, mais sûrement nous n’allions pas affronter cette masse noire qui se profilait ? Il y aurait moyen de faire des zig-zags. Ou pas…

Mais je ne pus m’empêcher d’entendre ses pets, et la petite Parisienne policée qui sommeille encore un peu en moi s’offusqua. Tant pis pour elle. Nous reprîmes la marche, et comme cela arrive toujours à cheval – quand la bête de devant se met à flatuler, les autres suivent rapidement –, je me mis à avoir des gaz. Le repas ne passait pas. C’était bien ma veine.

2 heures et demi plus tard, nous atteignîmes le « premier camp » pour une grosse pause. Je pensais être presque au bout de mes peines mais mon guide refusa de me dire combien de temps il restait. C’est alors que passa un groupe qui se félicita d’avoir terminé la moitié de l’ascension. La moitié ?? Mais j’étais déjà morte moi ! J’essayai de reprendre des forces en buvant un jus et en fermant les yeux, mais, rapidement les ronflements d’Osward réveillèrent tout le monde, et nous nous reprîmes la route. Mon guide s’arrêta de nouveau pour déféquer. Ceci eut le mérite d’annihiler toute retenue quand, peu après, je me mis à vomir devant lui. Même si je déteste gerber, c’était ça ou arrêter l’ascension : mon corps n’avait pas l’énergie de digérer ET de marcher. D’habitude, je mets trois jours à me remettre d’un tel évènement gastrique. Là, je fus sur pattes au bout de trois minutes, priant pour que ce soit bien un signe de protestation de mon estomac et non pas le mal des montagnes ou bien mon cœur qui tirait trop sur la corde. Pourquoi n’abandonnai-je alors pas ? Je ne le saurai jamais… Osward attribua mes renvois au climat et ne se fit pas plus de souci que ça.

Sur la deuxième partie du trajet, la pente s’accentua, et il ne fut pas rare que je dusse me hisser à la force des bras. Quand j’atteignis le « deuxième camp » à 5 heures du matin, je me mis doucement à pleurer d’épuisement, et, transie de froid, je réussis à somnoler, ou peut-être même à m’endormir profondément. A 6 heures, il fallut se remettre en route pour une demi-heure de marche. C’est alors qu’Osward me demanda si j’avais des gants. Non pas. Des chaussettes alors ? C’est qu’à partir de maintenant, il allait falloir monter façon babouin, non plus debout mais parallèle à la paroi. Heureusement que j’étais trop fatiguée pour avoir peur, parce qu’un pied qui dévisse, et tu es probablement mort… Je fis la remarque à mon guide que ce passage était quand même un peu dingue et il me dit alors que oui. Il ajouta qu’il n’avait qu’un seul but : m’emmener au sommet. Ah. Et me ramener à la base ? Non parce que c’était bien beau tout ça, mais comment pensait-il que j’allais redescendre, hein ? J’étais à bout de forces moi…

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Quelques secondes plus tard, Osward me fit remarquer l’odeur de soufre, qui provoque apparemment des vomis chez beaucoup de randonneurs. Personnellement, me trimballant cette odeur dans la gorge et les narines depuis déjà 5 heures, ça ne me secoua pas plus que ça. Et puis, au détour d’une coulée de lave digne d’un Jules Vernes, le sommet était là, le fameux cratère en activité ! Avec mon allure escargot, j’avais loupé le lever de soleil mais le temps était nuageux de toute façon. Et je pus voir la lave noire gicler ici et là des petits monts dans le cratère. Mais je n’eus pas le temps de profiter de la vue très longtemps, parce qu’il allait falloir redescendre vite, afin d’éviter le soleil – en général, les grimpeurs sont de retour à la voiture vers 10-11 heures. Je ne dis rien mais n’en pensai pas moins : j’arriverai quand j’arriverai… si j’arriverai…

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Le cratère du mont Lengaï

Pour descendre les plaques de lave grimpées comme un singe, je dus faire l’araignée : assise sur les fesses, je prenais appui sur les mains – d’où l’utilité des gants car la roche n’est pas tendre, j’avais les mains complément griffées – et j’avançais les pieds. Puis je levais le derrière, poussais le bassin vers le bas et m’asseyais quelques centimètres plus loin. C’était marrant au début, avant que les rares muscles de mon corps qui n’avaient pas travaillé jusqu’à présent se mirent à râler.

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Et puis il y avait cette vue… Certes magnifique, avec les magiques plaines de la vallée du rift, rendues vertes par la pluie. Mais également complètement flippante : j’étais sur un à-pic, une pente vertigineuse de 80 degrés au moins, et la descente qui s’ouvrait sous mes pieds était inconcevable. (D’où l’intérêt, en plus d’éviter la chaleur, de faire l’ascension de nuit : de l’accord général, si tu voyais où tu allais, tu ne monterais certainement pas.) J’avançais néanmoins, m’arrêtant ça et là quand mes jambes me faisaient trop souffrir. J’atteignis très péniblement ) le « premier camp », sans jamais me plaindre (à haute voix), et ne laissant les larmes (d’épuisement) couler que quand j’étais seule. Il était midi. J’avais trois heures de retard. Et heureusement que les nuages étaient de la partie ce jour-là ou bien j’aurais été carbonisée.

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C’est alors qu’Osward me fit savoir :

  • Bon, maintenant, il faut accélérer le rythme et plus de pauses jusqu’à la voiture.
  • Pardon ?
  • Hein ?
  • Tu peux répéter ?
  • Maintenant, plus de pauses jusqu’à la voiture.

Sachant que le trajet depuis le parking jusqu’à ce camp nous avait pris 2h30 à l’aller, comment croyait-il que je pourrais faire tout ça sans m’arrêter ? Je ne voyais pas la fin de la pente, j’en avais marre. J’aurais plus lui cracher toute la haine que j’avais pour le volcan mais je me contentai de lui asséner :

  • Tu n’as qu’à te dépêcher de rentrer si tu veux. Et tu seras gentil d’aller trouver mon Indien préféré et de lui dire de venir me chercher. Moi je vais faire des pauses si je veux. Non mais oh.

Sur ce, mue par une colère indicible, je partis comme une flèche. En tout cas c’était l’idée. Dans la réalité, mes jambes refusèrent de me suivre et une tortue de trois cents kilos aurait rigolé de mon allure. Néanmoins mon guide comprit le message et s’élança derrière moi !

  • T’énerve pas Mama !

Si, Mama était très énervée – contre son idée stupide d’escalader cette montagne alors qu’elle était arrivée en vacances épuisée et que les derniers jours passés n’avaient pas été de tout repos, et contre son opiniâtreté qui l’avait empêchée d’abandonner à mi-chemin. Mais je ne fus pas capable de lui dire tout ça et soudain, je débranchai. Je fondis en larmes et, entre deux sanglots :

  • Mais je suis à bout de forces, moi. J’en peux plus ! Tu crois que ça m’amuse de faire des pauses ? J’ai pas kiffé une seule minute sur les douze dernières heures, je suis crevée, j’ai rien pu avaler, j’en ai marre !
  • Ok, Mama, je suis désolé, je n’avais pas conscience que ça n’allait pas. T’inquiète pas, on va y arriver. Pole pole… On va faire autant de pauses dont tu as besoin et ça va le faire.
  • Va chercher mon Indien préféré s’il te plaît…
  • Et il va faire quoi ? T’envoyer un avion ?
  • Peut-être juste une girafe pour me porter ?
  • Dis pas n’importe quoi… Tiens, regarde où est la voiture !

A travers mes larmes, je ne vis rien. Ou bien est-ce parce que ma vision d’Occidentale tient plus de celle de la poule que du faucon maasaï ? Enfin, si, il y avait des points ici et là, tous très très loin. Alors mes larmes redoublèrent. Ce fut l’une des rares fois de ma vie où je me défis de ma pudeur et que j’avouai ma faiblesse. En toute honnêteté, je n’avais aucune idée de comment continuer, mes jambes n’en pouvaient plus. J’en avais jamais chié autant, même pas pendant mon accouchement.

Osward me débarrassa alors de mon sac et j’avançais, pas à pas, en pleurant d’anxiété à chaque fois que je pensais à mon fils – que j’imaginais ne plus jamais revoir – et que je m’adressais mentalement à mon Indien préféré. Je lui faisais me dire des mots d’encouragement qu’il saurait me donner. De temps à autre, je réactivais mes données sur le téléphone, espérant capter du réseau pour l’appeler – même si je redoutais qu’il m’engueule d’être aussi bornée et de ne pas avoir fait demi-tour, je savais qu’entendre sa voix me donnerait du courage.

Avec la fatigue, je n’arrivais presque plus à ne pas glisser et le choc fut encore pire pour les genoux. J’atterris plusieurs fois sur les fesses et envisageai de rester là. Mais à chaque fois, je me relevais, et continuais, non sans envisager de finir à quatre pattes, en rampant, voire en me faisant tirer par les cheveux ou les mains. A un moment donné, Osward m’attrapa par le bras avec une force incroyable, et malgré la chiasse qui l’avait fait se vider trois fois, il me soutint. Décidément, notre duo n’était vraiment pas de choc.

Lors d’une énième pause, mon guide me fit savoir que Peter, notre chauffeur, qui m’était aussi sympathique qu’Osward m’était antipathique, venait à notre rencontre. Il ne pouvait pas le reconnaître bien sûr, mais il n’y avait pas de vaches alentour, alors ça ne pouvait pas être un maasaï en goguette. J’en pleurai de gratitude. Oh Peter ! Il offrit de me porter sur son dos mais vu comme nous dérapions, je préférai encore m’asseoir et attendre d’aller mieux…

Alors Osward et Peter me prirent chacun un bras, avec force, et me soutinrent pendant les deux heures restantes – je leur rendais parfois la pareille, les retenant quand c’était eux qui trébuchaient le long du chemin. Je m’asseyais parfois sans préavis, surtout si je croisais un petit acacia ombragé – à midi, le soleil était sorti et il brûlait fort. Je m’assis même à l’ombre d’un nuage, qui eut la cruauté de se dissiper aussitôt mes fesses au sol. Souvent, je m’allongeais dans la poussière, même si mon guide m’enjoignait à ne pas m’endormir. Mon corps risquait de se détendre. Je promettais de ne pas dormir. Une fois, je me mis à rêver, encore éveillée. Quasiment immédiatement, Osward et Peter me tirèrent manu militari pour me remettre debout, à moitié dans les vapes – ils avaient dû percevoir la secousse annonciatrice du sommeil. Peter m’encourageait, « pole pole, tara tibou, doucement doucement, slowly slowly ». Je l’aurais embrassé. En revanche, je détestais quand Osward se mettait à lui parler, rien que d’entendre sa voix me pompait de l’énergie.

Ici et là, sûre d’arrivée inconsciente, je faisais promettre à Peter d’aller chercher mon Indien préféré dès que nous serions au lodge. Et de ne pas oublier de lui dire que j’avais besoin d’eau. Car, pour ajouter à la difficulté, je n’en avais plus, et mon guide non plus. J’avais essayé de manger un pancake et des bouts de chikki pour me donner de l’énergie mais mon estomac protestait, et ce genre de nougat indien m’avait asséché le palais. Je pleurais souvent, d’épuisement et d’inquiétude. Et puis j’arrêtais, quand je n’avais même plus l’énergie de produire des larmes. Rassembler suffisamment de forces pour baisser mon pantalon et faire pipi me prit cinq heures. J’envisageai même sérieusement de m’uriner dessus, heureusement que l’envie n’était pas trop pressante. Finalement, incapable de continuer, je demandai à Peter si sa proposition de me porter tenait toujours. Très galamment il me demanda mon poids, avant d’ajouter que ce n’était pas possible. Mais je n’avais pourtant pas rêvé sa proposition !

Et puis enfin, nous étions à la voiture. Cette fois, je pleurai de soulagement. Je pleurai tellement que, allongée sur la banquette arrière, je n’arrivai pas à trouver le sommeil, malgré les 15 heures de marche, l’indigestion, le manque de sommeil, de nourriture et d’eau. Je savais que nous ne n’en trouverions pas sur notre route dans ce désert, et, ayant connu de sévères déshydratations en Inde, je paniquai un peu des conséquences.

C’est alors que la jeep s’arrêta et que j’entendis une voix familière. Mon Indien préféré était là ! Je me débattis avec la portière qui ne s’ouvrait que de l’extérieur en ne cessant de répéter « Chéri ! T’es là ? Oh chéri !!! Mais t’es vraiment là ? ». Mes yeux étaient en crue, inondant mes joues de larmes de gratitude. Il était là ! J’étais sauvée ! Il était venu à ma recherche en picki-picki, sur la moto de Willie, et il avait de l’eau. Je suis revenue à la vie en trois minutes. Envolée la fatigue des jambes… Alors que dix minutes plus tôt, j’étais persuadée que je ne pourrais plus jamais marcher et qu’il faudrait me porter de la voiture à mon lit, j’eus la force d’aller chercher mon certificat d’ascension et même de sourire pour une photo.

Arrivée au lodge, je traversai l’immense pelouse pour trouver mon fils et le serrer dans mes bras – encore en pleurant –, puis dans l’autre sens pour prendre une douche et me débarrasser de la sueur, du vomis, de l’urine – toujours en pleurant. Le lendemain, j’avais presque arrêté de pleurer quand une touriste vint me féliciter de mon exploit. Elle me demanda si ça allait, je lui dis que ça avait été horrible et que je n’aurais jamais dû me lancer dans un truc pareil. Elle me fit alors remarquer que je pouvais être fière et, dans la foulée, que la montagne m’avait cassée. Et c’est exactement ça, le Lengaï m’a cassée… En mille morceaux.

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Ol Doinyo Lengaï : la montagne de Dieu, sacrée pour les maasaïs, un lion, 2 960 mètres d’altitude, seul volcan au monde en activité à émettre de la natrocarbonatite qui confère à la lave, par ailleurs très fine, une teinte noire lorsqu’elle est en fusion et blanche quand elle refroidit. La dernière éruption eut lieu entre 2007 et 2008. L’aller-retour fait un peu plus de onze kilomètres – sur à peu près douze heures –, et on monte de 1600 mètres sur cinq kilomètres, ce qui signifie que l’on grimpe deux kilomètres à la verticale pour atteindre le sommet. Un guide, qui a éclairé le chemin pour cinquante groupes, a dû faire demi-tour dans plus de la moitié des cas (trente fois). Une Allemande qui, prise d’une panique d’attaque, refusa de descendre, dut payer 800$ pour être portée du sommet à la base par quinze hommes qui la portaient à tour de rôle, deux minutes chacun. Dieu sait si j’aurais tenté l’ascension si j’avais lu ce blog avant…

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lundi, 22 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

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