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lundi, 21 novembre 2022

Chronique d’une Parisienne qui quitte Delhi pour Goa – 3. Quitter Delhi

Après six semaines de tri, je pense que je ne recevrai plus jamais un cadeau avec le sourire ! Des fringues, des livres, des chaussures, des jouets, fini la grande consommation… (Et je ne suis même pas dépensière, et je n’aime même pas le shopping.) Les gardiens de notre résidence ont fait une première razzia. J’ai déposé des livres francophones dans une librairie. Et bourré le reste dans le coffre d’une copine qui prévoyait d’aller à une ONG.

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Pour les meubles, la marketplace de Facebook m’a bien aidée, plus que le réseau de voisinage. Les gens autour de moi vivent dans des maisons qui coûtent plus de 800 000 euros et marchandent comme des tapis pour 8 euros – est-ce là le secret pour s’enrichir ? Certains ont ouvert leur portefeuille pour la dizaine de peluches de naissance que je n’avais pas réussi à redonner – presque huit ans mais en parfais état ! – mais pour leurs chiens ! Enfin, cet exercice de réseautage m’a permis de rencontrer une voisine qui ne m’a rien acheté mais m’a filé un gros tuyau : le contact d’un architecte qui a construit sa maison dans les montagnes à Mukateshwar (et qu'elle loue, singing-winds) et qui a déménagé à Goa. C’est lui qui nous a recommandé l’école dans laquelle nous avons inscrit Petit Samourai.

Bouger en milieu d’année ne s’est pas avéré évident du point de vue des écoles. Nous en avions identifié 3 qui n’étaient pas conventionnelles – à comprendre qui sortaient du système indien très compétitif et basé sur le par-cœur. D’après les photos de leur site, TLC promettait surtout d’apprendre aux enfants à faire pousser du riz et collecter des ordures sur la plage. Le concept ne m’aurait pas déplu mais le contraste aurait été trop grand avec son école précédente et sans doute la future. Paradise plaît visiblement aux étrangers mais les locaux sont trop petits et je n’ai rien compris à leur système. Shiksha Niketan nous a plu parce que c’est une réplique architecturale de l’école de Gurgaon en miniature. Nous avons été appelés pour une évaluation au pied levé : j’ai pris les billets à midi et à 17 heures Petit samourai et moi-même étions dans l’avion. Avec tous ces chamboulements j’ai oublié de demander à l’école ses valeurs. Heureusement. Car si Petit samourai se fit très bien à son environnement, son père se fit un peu moins bien aux remontrances quasi journalières : il n’écrit pas assez bien puis, une semaine plus tard, il n’écrit pas assez vite. La philosophie de l’ancienne école était « a place where I can be me », et il n’était pas très à cheval sur l’écriture, notamment cursive. Mon Indien préféré était prêt au bout de deux semaines à changer d’école mais les choses se sont tassées d’elle-même et si les devoirs sont toujours quelque chose de nouveau et de déplaisant pour nous trois, cela va mieux.

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Et puis vint la question du transport. Nous avons longtemps caressé l’idée d’un road trip, un projet que j’ai depuis mon déménagement de Delhi à Mumbai en 2013. Mais il fallait compter 5 jours en conduisant 9 heures par jour, je ne voyais pas l’intérêt de se dépêcher autant. Enfin, ce n’était pas le moment idéal pour moi de prendre des congés. Restait l’avion avec Air India – les autres compagnies ne prenant pas les animaux. Mais nos plantes ? Mon indien préféré en avait donné certains mais il était très attaché à d’autres – c’est d’ailleurs dans notre jardin qu’il a craqué une petite larme au moment du départ... Alors après bien des atermoiements et beaucoup de billets achetés et annulés, nous prîmes le train… départ à 6 heures du matin de Delhi. Nous sommes arrivés à 4:30 à la gare pour prendre le billet du chat. L’horaire était tellement assommant que nous n’eûmes pas le temps d’être tristes ou excités. Et puis il y a eu le remue-ménage pour trouver le comptoir des billets pour animaux. Mais un quidam nous dit que ce n’était pas nécessaire et le staff du train nous recommanda de juste cacher la boîte au moment du contrôle des billets et c’est passé. Nous avions une cabine pour nous 4 puisque la nounou était du voyage et les 24 heures se sont passées sans encombre !

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A suivre…

lundi, 14 novembre 2022

Chronique d’une Parisienne qui quitte Delhi pour Goa – 2. Choisir Goa

Quand avons quitté Mumbai pour Gurgaon en 2016, nous nous donnions 2 ans, maximum 3, tellement nous pensions que Gurgaon ce n’était pas pour nous. Et puis de fil en aiguille, d’abord pour la maternelle Montessori de notre fils puis à cause du Covid, nous sommes restés. Nous avions bien tenté un départ en 2020, et nous avions exploré Dehradun et Pune.

Dehradun était trop mal desservi par les avions pour mon boulot et avec une microscopique communauté de « outsiders » (de gens qui ne sont pas du coin). A Pune, nous n’avons pas trouvé de logement qui arrive à la cheville de notre maison et le projet de résidence qui nous plaisait n’avait pas encore commencé à être construit. Et puis le Covid est revenu. Alors nous avons rempilé et apprécié notre chance de vivre dans un endroit spacieux. Nous aurions pu ne jamais partir ! S’il n’y avait eu la « pollution season » (ces quelques mois post Diwali et le brûlis) et les médias pour nous rappeler que nous respirions de la daube.

Quand notre propriétaire a voulu récupérer son bien immobilier, nous avons pris ça comme un signe. Nous avons alors identifié Bangalore, Hyderabad ou Goa. Nous avons mis de côté Goa parce que je trouvais le saut trop grand… Aller vivre dans le paradis touristique de l’Inde, au bord de la plage, n’allais-je pas me faire avaler et attraper un deux-de-tension ? Nous nous intéressâmes donc à Bangalore, mais nous avons rapidement réalisé que nous ne ferions que dupliquer notre vie de Gurgaon (avec des températures et un air plus cléments et une circulation tout aussi horrible, voire pire) : une belle maison dans une belle résidence et c’est tout. Les prix, égaux voire supérieurs à ceux de notre banlieue, nous ont dissuadés. Même combat à Hyderabad pensions-nous.

Alors Goa est revenu sur le tapis. Nous serions de ces rats qui quittent le navire delhiite. Il y a eu pendant le Covid une vague d’immigration des grandes villes indiennes vers Goa. Certains seraient restés et auraient fait construire leur maison. D’autres (plus nombreux) seraient repartis en même temps que le business, incapables de se faire aux charmes de Goa. Et puis il y a tous ceux qui parlent du « grand saut » et ça leur suffit. Ce qui est intéressant c’est qu’en discutant d’un déménagement à Bangalore, on a aussi eu l’impression que tout Delhi était en train d’y partir. Sauf ceux qui ont essayé de nous en dissuader à cause des écoles « okay-okay », d’un système médical pas terrible, d’un internet indolent, des locaux plus intéressés par la sieste que le boulot, des maids difficiles à trouver, des routes très étroites, de l’humidité etc.

Quoi qu’il en soit, Goa pouvait aussi être un lieu idéal pour le business de boulangerie de mon Indien préféré et je me ferais bien aux palmiers et l’air iodé si j’avais pu m’adapter à Pune, Mumbai, Delhi et Gurgaon !

A suivre…

lundi, 23 mai 2022

Ma belle-mère indienne et moi - Hélène

Quand les contraires ne s'attirent pas...

Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.

J’ai rencontré mon mari lors d’un stage en Angleterre. J’avais 25 ans, lui 28 et il travaillait dans l’informatique.

Nous nous sommes mariés un an plus tard, un peu pour des raisons administratives, beaucoup par amour… Je n’avais jamais été en Inde ni même parlé à sa famille mais il m’assurait que nous remédierons à tout ça rapidement. Dès que nous aurions un peu de sous de côté, nous irions faire un beau mariage en Inde !

En attendant, même si nous ne gagnions pas beaucoup d’argent, mon mari envoyait au moins une centaine d’euros tous les mois à ses parents. Et quand il y avait des extras, des urgences médicales par exemple, j’étais mise à contribution. Je ne trouvais rien à y redire, même si ça nous faisait des fins de mois un peu compliquées.

Et puis nous avons déménagé à Ahmedabad. Peu après notre arrivée, j’ai réalisé que j’étais enceinte ! Mais des beaux-parents, point de signe… Entre le choc culturel, l’adaptation et la grossesse, je n’y pensais pas trop. Et puis un soir, deux mois avant l’arrivée du bébé, mon mari est rentré bouleversé à la maison. Il avait avoué à ses parents qu’il était marié, à une Française, et bientôt papa. Sa mère avait crié, pleuré et son père avait hurlé des choses horribles « le jour de ta naissance est maudit », « j’aurais préféré que tu meures que d’entendre cette nouvelle », etc. Ils ne voulaient plus entendre parler de lui. Et moi je tombais des nues, je n’avais pas imaginé une seconde qu’ils n’aient jamais entendu parler de moi…

La crise s’est prolongée plusieurs semaines. Mon mari essayait de m’expliquer le déshonneur que son mariage avec moi (mésalliance religieuse et de caste) faisait tomber sur sa famille. J’essayais de comprendre. Mais si c’était aussi terrible, pourquoi n’avait-il pas suivi la voie qui lui était tracée ? (J’ai beau comprendre l’envers du décor, dès que mon mari s’incline devant les aînés à mon détriment ou celui de mon couple, je revis avec force ce sentiment de trahison né du fait que mon mari ait tu si longtemps mon existence, même (et surtout) après le mariage.)

Finalement, après un long silence, mes beaux-parents ont repris contact avec leur fils. Non pas qu’ils soient revenus à de meilleurs sentiments, mais ils avaient une échéance de crédit à payer… Le pragmatisme a repris le dessus ! Dans la foulée, un dîner a été organisé. C’était un peu lunaire, personne ne savait trop quoi se dire ou comment se comporter. Mais la glace était brisée. Tellement bien que pendant que j’accouchais à l’hôpital, ma belle-mère s’est installée chez nous et a visité tous les placards et tiroirs. A mon retour, elle a dégagé mon mari dans une autre chambre et s’est installée dans la mienne, avec le bébé. Je devais être sous le coup des hormones pour supporter ça ! Ainsi que les boissons amères pour augmenter la production de lait, ses massages au nouveau-né (j’étais pour !) qui le faisait hurler (là j’étais moins pour), l’interdiction qui m’était imposée de sortir, etc. Alors que j’étais au bord de l’implosion, une urgence familiale les fit partir au bout de quelques semaines, sans ça ils seraient encore là - mon mari s’est révélé incapable de mettre en doute le bien-fondé des actions de sa mère, et encore moins de s’y opposer et donc de prendre ma défense. Quand je n’ai pas pu – ni physiquement, ni psychologiquement – cédé à sa mère pour une cérémonie religieuse, il s’est carapaté et m’a laissé essuyer la crise toute seule, et quelle crise ! (Pour les trois mois du bébé, alors que j’étais en mode survie, ma belle-mère a insisté pour aller dans un temple faire le mundan. Les trucs religieux ce n’est pas trop mon truc, raser les cheveux de mon bébé encore moins, mais l’idée de faire 12 heures de queue parce que c’était ce temple et pas un autre… je n’ai pas pu.)

Après ça, il y a eu les raids impromptus chez nous et plus particulièrement dans le frigo pour vérifier qu’il n’y ait pas de viande. Les visites avec de la famille sans prévenir mais non sans attendre que je prépare le chai et des snacks indiens. Je pris le parti d’ignorer les piques sur mon surpoids ou sur mon lamentable hindi, et de dire oui à tous les conseils qui m’étaient prodigués (notamment sur mes tenues, le lissage de mes cheveux ou mon maquillage, je devais toujours être très présentable) sans rien changer à mes habitudes. M’insurger en frontal ne m’apporta rien ; sourire se révéla plus efficace. Je ne vous mentirai pas, ce ne fut pas facile d'avaler toutes ces couleuvres en silence ; par exemple, la fois où j’insistais pour que ma belle-mère laisse mon fils attaché dans le siège auto, elle me hurla dessus « c’est MON petit-fils !! »; j’ai vu rouge, très rouge, beaucoup de sang… Je me suis dit qu’à force de répéter le cliché qui la terrifie, l’Occidentale qui boit, divorce, et part avec les enfants, elle allait le provoquer à ce train-là...

Malgré notre début de relation, houleux mais ayant le mérite d’exister, je n’étais toujours pas la bienvenue chez eux. Quand une invitation est arrivée pour le mariage d’une vague cousine dans laquelle mon nom ne figurait pas (contrairement à celui de mon mari), ça a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase – pour cette cérémonie aussi, j’avais dû me serrer la ceinture ! J’ai dit à mon mari qu’il ne pouvait pas avoir le ghee l’argent du ghee et les fesses de l’Occidentale… S’il ne (re)trouvait pas ses couilles rapidement et se mettait à défendre sa femme et son fils, il allait pouvoir se mettre à rencontrer ces femmes dont sa mère continuait d’envoyer le CV en vue d’une union (post notre divorce, qu’elle jugeait inéluctable ou qu’elle espérait, je ne sais pas). J’en avais assez de me mettre à sa place (à laquelle je n’aimerais pas être d’ailleurs), de me sentir mal à le voir sans cesse tiraillé. Et moi alors ? J’avais déménagé au bout du monde pour lui et je vivais un enfer ! Il a enfin réagi, m’a « imposée », et personne n’a déserté le mariage à cause de moi, au contraire, j’ai été le centre de l’attention…

Après cette première bataille et de nombreux efforts, les choses se sont tassées. Au bout de deux ans, j’ai enfin été invitée dans la maison au village, maison que, accessoirement, j’avais contribué à payer. Les ragots avaient diminué en intensité et ma belle-mère avait compris que je ne divorcerais pas si vite. Elle a su apprécier que j’apprenne un peu de sa langue et de ses recettes. Surtout, elle a renoncé à ce que je me voile avec le purdu de mon sari – que je porte rarement – et à ce que je passe mon temps à la cuisine ou à faire le ménage, ce qui est encore le sort de sa fille et de ma belle-sœur. Ce « traitement de faveur » ne m’a d’ailleurs pas attiré que des amitiés dans la gent féminine de la famille… Aujourd’hui, les relations sont fluides, à divers degrés selon les membres de la famille. Nous avons même déménagé dans le village où nous faisons construire notre maison.

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