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mercredi, 16 avril 2014

Le mariage indien pour les nuls - 2. Trouver un prétendant

Le « mariage indien » (je devrais dire le mariage hindou pour être exacte) a déjà fait couler beaucoup d’encre, fait l’objet de beaucoup de films, occasionné nombreux voyages en Inde. Bref c’est une institution. Je m’efforce ici d’y comprendre quelque chose !!

Quand il est décidé de mettre untel ou unetelle sur le marché, on prépare CV et lettre de motivation – je ne plaisante pas, mon ex était super content d’avoir reçu une candidature spontanée alors que 1. Il n’était pas officiellement « à marier » et 2. Il pensait sa réputation ruinée parce qu’il sortait avec une étrangère.

Puis on active les réseaux sociaux (et là je ne parle pas de facebook mais des réseaux originels, qui ont des proportions incroyables chez les Indiens, capables de parler à n’importe qui n’importe où et de se faire des amis en cinq minutes.

Il existe aussi la tradition du nayan, l’entremetteur (source). C’est en général un ami ou un proche éloigné, neutre, qui est a des talents de recruteur (pour dénicher la perle rare) et de négociateur (pour réussir à ce que les parties s’accordent sur les « termes » du mariage (même si la dot est interdite en Inde depuis 1961, il est monnaie courante que la famille « achète » le marié – je te file une belle voiture si, s’il te plaît, tu épouses ma fille)).

On passe aussi des annonces dans les journaux:

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Aujourd’hui on s’inscrit aussi sur les sites internet de mariage.

L’astrologue familial est également mis à contribution. A ce titre, il faut savoir qu’en Inde, l’astrologue n’est pas le charlatan du coin mais un pilier dans la vie de tout bon Hindou : à la naissance d’abord, au mariage ensuite (c’est pour ça que sur les invitations, il y a une heure précise genre 9h46 ; ce n’est pas une erreur de typo mais l’heure de croisement des astres !) et puis à tout autre moment important. C’est ainsi qu’un de mes meilleurs managers avait décalé son entretien d’embauche de quelques jours, pour que les planètes soient alignées. Soit. On leur accorde même le bénéfice de l’erreur et n’hésite pas à en consulter plusieurs pour avoir la vraie vérité. Les astrologues sont aussi un peu magiciens parce que quand l’alignement part en couilles, ils ont possibilité de rattraper le coup. Il arrive ainsi parfois que les horoscopes de deux promis ne correspondent pas et que l’horoscope la fiancée lui prédit un premier mari qui mourra jeune (elle est alors manglik). La feinte consiste à lui faire épouser un arbre ou un pot en terre, lesquels sont ensuite détruits (ou immergé pour le second), la laissant veuve, et libre de se remarier sans porter la poisse à son jules. C’est arrivé à des amies… Et voici un excellent post de blog d’une Indienne sur ce rite (pdf) et accessoirement sur toutes ses expériences de jeune fille indienne, moderne et à marier :blog.

lundi, 14 avril 2014

Le mariage indien pour les nuls - 1. Le mariage arrangé

Le « mariage indien » (je devrais dire le mariage hindou pour être exacte) a déjà fait couler beaucoup d’encre, fait l’objet de beaucoup de films, occasionné nombreux voyages en Inde. Bref c’est une institution. Je m’efforce ici d’y comprendre quelque chose !!

Le mariage arrangé : et pourquoi pas ??!

Commençons par faire le distinguo entre mariage arrangé et mariage forcé.

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Ce qui veut dire qu’il y a encore des milliers de gens (hindous) qui, chaque année, suivent la tradition et ne découvrent qu’une fois le drap tombé avec qui ils vont passer le restant de leur vie : SURPRISE !!! La coutume veut que le marié s’installe en premier, et qu’on lui cache la vue avec un drap, ôté une fois la mariée amenée par son oncle maternel et ses cousines et les consentements des parents échangés. Le drap est simplement une version moins sexy (mais plus prometteuse ;) ) du voile utilisé dans les mariages catholiques arrangés originellement pour masquer le visage de la mariée (source).

La notion de mariage arrangé, encore très prévalent en Inde (plus de 90% des cas), a tendance à choquer les Occidentaux. Avant de crier au loup et de taxer les Indiens d’ignominie, rappelons quand même que de la Rome Antique jusqu’au 19ème siècle (soit 2 500 petites années), le mariage de convenance était la norme dans nos civilisations. La famille était alors une « entreprise de survie sociale ou économique » et le mariage un « contrat » permettant d’en assurer la pérennité*. 

Quid de l’amour dans le mariage arrangé ?? Quand un Occidental pense mariage arrangé, il pense tout de suite à la jolie fille qu’on marie au vieux pou du coin, trop moche et trop con pour se trouver une femme tout seul ! Alors qu’en fait, les parents cherchent quelqu’un qui corresponde au mieux – et a priori ils connaissent bien leur rejeton ! Et y a un paquet de critères à remplir : la religion, la caste, la couleur de peau (critère primordial de beauté), le revenu, la géolocalisation, le régime alimentaire (végétarien vs non-végétarien) l’horoscope pour ne citer que les plus importants.

Quoiqu’il en soit, il est fort probable que deux « puceaux de l’amour », que beaucoup de choses rapprochent (voir les critères susmentionnés), qui n’attendent que ça depuis leur tendre enfance, finissent par s’aimer (ils le veulent !). La passion, l’enflammement des corps et du désir, est moins garantie mais en même temps c’est connu pour être éphémère, n’est-ce pas ?? ;)

Soyons honnête : qui ne s’est pas dit au moins une fois, alors que le célibat et la trentaine battent leur plein, que les rencontres sur internet n’ont mené qu’à des échecs (c’est-à-dire au mieux des plans cul divertissants), que le stock d’amis d’amis célib’ est épuisé, que l’angoisse de finir vieille fille bouffée par son chat fait une boule tellement grosse dans la gorge que même la Haagen-Dazs ne passe plus : « si seulement mes super parents qui ont (presque) toujours exaucé mes caprices pouvaient trouver chaussure à mon pied » ! Qui n’a pas eu envie de passer ce coup de fil, impensable et pourtant potentiellement salvateur ??!

Dans la même veine, on est quand même un peu hypocrite de critiquer le mariage arrangé quand on voit le succès des sites de dating en Occident (en 2007, 1 mariage sur 8 aux US était un couple qui s’était rencontré en ligne ! source).

Et puis même si ce n’est pas écrit noir sur blanc, si ce n’est pas o-bli-ga-toire, nous sommes majoritairement un peu endogames – la plupart de mes amis ont épousé des gens de leur tribu, et c’est certainement plus facile à gérer que pour les hurluberlus qui se dénichent un partenaire d’un autre pays, d’une autre couleur, d’une autre religion ou d’une autre classe sociale. Plus facile parce que deux endogames n’ont à surmonter que les différences de genre et de personnalité et pas tout le reste. Mais c’est sans doute moins folklo et moins enrichissant aussi !

Donc quand tu creuses un peu, tu te rends compte que ce qui choque surtout mes congénères, ce n’est pas tant l’ « arrangement » en soi mais plutôt l’idée de ne pas avoir « testé la marchandise avant achat », de se retrouver le soir de la nuit de noce au lit avec une inconnue… J’avoue que dans notre culture où le sexe est omniprésent, obsessionnel, glorifié, survalorisé ( ?), l’idée est rebutante. En plus elle est mauvaise si j’en juge les expériences de mon entourage (indien) : union non consommée, pratiques chelous, bien souvent l’homme n’est pas à la hauteur, et ce jusqu’au divorce ! Voir un jeune couple qui part en lune de miel et n’a rien à se dire les premiers jours (avant que les choses se réchauffent) me surprend à chaque fois, et me fait cogiter à la bizarrerie (de mon point de vue) de la situation.

Et pourtant ça reste la règle. Aux chanceux, le « choix » de refuser une candidature est de plus en plus offert. Existe également l’option de présenter quelqu’un (de l’université, du bureau) et si les critères sus-mentionnés sont remplis et que l’union a lieu, on la qualifiera de « mariage d’amour » (sans qu’il y ait, bien souvent, une réelle relation amoureuse). Les vrais mariages d’amour, guidés par la passion et défiant les critères sus-mentionnés, restent très rares et se finissent souvent dans un bain de sang (en particulier dans les milieux défavorisés).

C’est pourquoi la passion est exaltée comme le Saint-Graal (un truc dont tu rêves mais que tu n’auras pas) dans les films, et dénigrée dans les familles comme source d’emmerdes (l’incontrôlable versus les codes sociaux qui régissent une vie bien ordonnée).

* « Ce n’est qu’au cours du 18ème siècle que la famille a cessé d’être considérée comme une entreprise de survie sociale ou économique pour se fonder de plus en plus sur le sentiment amoureux […] Le changement évoqué a été influencé par des facteurs économiques tels l’industrialisation, l’ouverture des marchés, le salariat, l’amélioration progressive des conditions de vie mais aussi par un encouragement de l’Eglise et de l’État. […] On constate, par exemple, qu’il existe encore de nos jours et malgré la diversification des sociétés contemporaines qui sont souvent multiculturelles, une tendance assez généralisée à contracter un mariage à caractère plutôt endogame; le choix du partenaire étant souvent influencé par l’origine sociale, l’appartenance ethnique, raciale ou religieuse. » Source : http://www.asblcefa.be/cefa/images/pdf/9mariagearrange

« Le mariage est avant tout un contrat passé entre un homme et une femme. Par la suite, le libre consentement se développe, et le mariage par amour se substitue peu à peu au mariage de convenance au cours du dix-neuvième siècle, en parallèle avec l’évolution du rôle de la femme dans la société, visant à l’égalité avec l’homme. Ce processus culmine avec la légalisation du divorceen 1884. » Source : http://www.mariages.net/articles/origines-et-histoire-du-mariage--c5102

vendredi, 24 janvier 2014

Faire la queue? Mais quelle queue??

Tout a commencé par une question innocemment posée au petit-déjeuner par mon nouvel Indien préféré : « Dis, tous les Français sont aussi proches de leur famille que toi ? Non, je me demandais, parce qu’on dit que les Occidentaux sont individualistes, tu sais, alors là ça colle pas trop… » 

Et paf prends ça dans la tronche ! Il m’a fallu beaucoup de sang froid pour ne pas monter sur mes grands chevaux et patiemment écouter ses explications du concept indien de la famille qui prime sur l’individu.  

 

En revanche je l’ai pas loupé quelques semaines plus tard, avec un smash du tonnerre : « La prochaine fois que tu me sors que les Occidentaux sont individualistes (par opposition aux Indiens), je t’envoie faire la queue pour le screening des bagages avec les gonzesses, non mais oh ! »  

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On a tous vécu ça en Inde, et des paquets de fois, et à divers niveaux… Tu fais la queue pour poser ton sac sur le tapis et une Indienne, puis une autre Indienne, sans se concerter, te passent devant… L’air de rien…  

Oui ça, c’est du quotidien. Sauf que cette fois-ci, pour aider les autres qui se faisaient griller en sourcillant mais sans oser rien dire, j’ai utilisé mon corps pour barrer l’accès au tapis et là paf ! une Indienne qui balance son sac par-dessus mon épaule !! Le militaire de la sécurité a eu la bonté de faire la police avant que ça dégénère en coups de sacs à main dans la queue…  

 

Donc là tu t’interroges quand même. Des connards qui voient une file d’attente et la grillent y en a partout – les Français ont même une sacrée réputation d’experts en fraude de queue ! Mais là ?? C’est pas le comportement du connard-grilleur-de-queue mais alors quoi ? 

Une explication plausible à ce comportement fréquent en Inde serait l’effet de la demande qui est supérieure à l’offre pour quasiment tout en Inde, notamment à cause de la surpopulation urbaine : il faut se battre un peu pour tout. Par exemple, pas question de faire la queue pour entrer dans un train local à Mumbai, sinon tu peux y passer la nuit. Il est davantage recommandé d’écraser ses voisins. M’enfin bon à l’aéroport ça ne tient pas trop… 

Je me demandais avec beaucoup de curiosité ce qui se passe dans la tête de ces bonnes femmes qui VOIENT des gens attendre en ligne et l’ignorent tout bonnement. Et voilà que mon Indien préféré m’explique que c’est tout con :  

-       Elles doivent avoir des choses à faire à destination et sont pressées d’y arriver. 

-       Mais moi aussi j’ai des choses à faire, elles y pensent pas à ça ? 

-       Et bien elles doivent présupposer que ce qu’elles ont à faire, et donc leur vol, est plus important que le tien.  

 

Et booooom ! C’est qui les individualistes hein mon chéri ??? Voilà, c'est chacun pour sa peau, et un peu partout dans le monde pareil... 

 

Nous avons finalement creusé le sujet plus avant. Il en ressort que Indiens et Français ont probablement le même attachement à leur famille.  

En France, nous sommes « individualistes » dans le sens où nous sommes en quête de notre bonheur personnel – notre personne vient avant la société ; mais n’est-ce pas une condition nécessaire pour pouvoir rendre nos proches heureux ? Et Dieu sait si cette quête individuelle du bonheur n’est pas aisée… C’est ainsi qu’à dix-huit ans nous quittons le domicile familial pour aller creuser notre sillon et construire notre propre nid. Ce n’est pas une fuite des responsabilités (comme c’est perçu ici), bien au contraire. 

 

En Inde, c'est plus une question d'ordre (religieux, social, familial) – le respect de cet ordre semble être ce qui les rend heureux (ou en tout cas pas coupable de faire un choix qui peut render les autres (la famille) malheureux ! C’est ainsi qu’ils vivent toute leur vie avec leurs parents et que passé l’âge d’or de l’enfance, ils doivent travailler à repayer leurs parents pour tout ce qu’ils ont fait pour eux. Mais ça ne leur coûte pas parce que leurs enfants feront pareil ! Et c'est ainsi que les Indiens savent à l'avance ce qu'ils vont étudier, à quel age ils vont commencer à travailler, à quel age ils vont se marier etc. Même si tous ne suivent pas ce système évidemment...

 

L’argument « massue » (qu’ils croient) des Indiens pour défendre leur système c’est les taux de divorces et l’abandon des vieux dans les maisons de retraite en Occident. Signes, pour eux, que la famille ne signifie rien pour nous… 

 

Prenons les statistiques en France. Si la moitié des mariages finissent en divorce, c’est majoritairement à la demande de la femme, et surtout de la femme active (1). Un signe que les femmes en gagnant en indépendance accepteraient moins de conneries ? Loin de moi l’idée de faire l’apologie du divorce qui, à mon avis, reste une expérience traumatisante, même si de plus en plus banalisée. Mais si c’est un mal pour un bien, et que les femmes sont plus heureuses alors… Et puis de toute façon c’est comme ça ! En conclusion, c’est pas tant que la famille ne compte pas pour nous, c’est surtout que le concept de la cellule familiale évolue… Pour nous, un couple qui vit sans être mariés c’est une famille. En Inde c’est un crime (enfin ca l'était jusqu’en 2010 (2)). Mais ça change, tout doucement, à l’allure de « l’éléphant indien » (dont l’économie se développe lentement mais sûrement, entraînant ses changements sociétaux…) (3). 

 

Et en ce qui concerne les vieux, si s’en débarrasser en les envoyant dans des mouroirs n’a rien de glorieux, toutes les maisons de retraite ne sont pas les mêmes et finalement peu de retraités vivent dans un tel établissement – parmi les 75-79 ans, seulement 3 % vivent dans un établissement pour personnes âgées en France (4). Et de fait, le nombre d’établissements où les vieux se retrouvent dans un endroit adapté à leurs mouvements, avec une assistance médicale, des activités et des copains explose en Inde (5). Je suis toujours sidérée quand mes amis indiens me content qui vit dans leur foyer et mentionne un grand-père quasiment invalide qui reste parqué dans sa chambre toute la journée et dont la charge incombe à un membre de la famille (sans qualification médicale).  

 

 

(1) En France, en 2011, 44,7% des mariages finissent en divorce. Dans 3 cas sur 4, le demandeur du divorce est la femme et 68% des femmes qui divorcent ont une activité professionnelle. Le type de divorce en France a été également fortement modifié : les divorces par consentement mutuel ont atteint 54% en 2010. Source : http://www.planetoscope.com/lamour/1062-nombre-de-nouveaux-divorces-en-france.html; statistiques mondiales et fun facts : http://www.huffingtonpost.com/2012/06/01/divorce-rate-how-well-do-_n_1562900.html 

(2) http://www.liveintogether.com/live-in-laws-India.asp  

(3) http://www.huffingtonpost.com/2011/04/12/india-divorce-rate-rise_n_848201.html  

(4) Parmi les 90- 99 ans, 22% des hommes et 37% des femmes vivent dans un établissement pour personnes âgées. Source : http://www.lesmaisonsderetraite.fr/maisons-de-retraite/chiffres-statistiques.htm 

(5) http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-india-23176206