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lundi, 14 avril 2014

Le mariage indien pour les nuls - 1. Le mariage arrangé

Le « mariage indien » (je devrais dire le mariage hindou pour être exacte) a déjà fait couler beaucoup d’encre, fait l’objet de beaucoup de films, occasionné nombreux voyages en Inde. Bref c’est une institution. Je m’efforce ici d’y comprendre quelque chose !!

Le mariage arrangé : et pourquoi pas ??!

Commençons par faire le distinguo entre mariage arrangé et mariage forcé.

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Ce qui veut dire qu’il y a encore des milliers de gens (hindous) qui, chaque année, suivent la tradition et ne découvrent qu’une fois le drap tombé avec qui ils vont passer le restant de leur vie : SURPRISE !!! La coutume veut que le marié s’installe en premier, et qu’on lui cache la vue avec un drap, ôté une fois la mariée amenée par son oncle maternel et ses cousines et les consentements des parents échangés. Le drap est simplement une version moins sexy (mais plus prometteuse ;) ) du voile utilisé dans les mariages catholiques arrangés originellement pour masquer le visage de la mariée (source).

La notion de mariage arrangé, encore très prévalent en Inde (plus de 90% des cas), a tendance à choquer les Occidentaux. Avant de crier au loup et de taxer les Indiens d’ignominie, rappelons quand même que de la Rome Antique jusqu’au 19ème siècle (soit 2 500 petites années), le mariage de convenance était la norme dans nos civilisations. La famille était alors une « entreprise de survie sociale ou économique » et le mariage un « contrat » permettant d’en assurer la pérennité*. 

Quid de l’amour dans le mariage arrangé ?? Quand un Occidental pense mariage arrangé, il pense tout de suite à la jolie fille qu’on marie au vieux pou du coin, trop moche et trop con pour se trouver une femme tout seul ! Alors qu’en fait, les parents cherchent quelqu’un qui corresponde au mieux – et a priori ils connaissent bien leur rejeton ! Et y a un paquet de critères à remplir : la religion, la caste, la couleur de peau (critère primordial de beauté), le revenu, la géolocalisation, le régime alimentaire (végétarien vs non-végétarien) l’horoscope pour ne citer que les plus importants.

Quoiqu’il en soit, il est fort probable que deux « puceaux de l’amour », que beaucoup de choses rapprochent (voir les critères susmentionnés), qui n’attendent que ça depuis leur tendre enfance, finissent par s’aimer (ils le veulent !). La passion, l’enflammement des corps et du désir, est moins garantie mais en même temps c’est connu pour être éphémère, n’est-ce pas ?? ;)

Soyons honnête : qui ne s’est pas dit au moins une fois, alors que le célibat et la trentaine battent leur plein, que les rencontres sur internet n’ont mené qu’à des échecs (c’est-à-dire au mieux des plans cul divertissants), que le stock d’amis d’amis célib’ est épuisé, que l’angoisse de finir vieille fille bouffée par son chat fait une boule tellement grosse dans la gorge que même la Haagen-Dazs ne passe plus : « si seulement mes super parents qui ont (presque) toujours exaucé mes caprices pouvaient trouver chaussure à mon pied » ! Qui n’a pas eu envie de passer ce coup de fil, impensable et pourtant potentiellement salvateur ??!

Dans la même veine, on est quand même un peu hypocrite de critiquer le mariage arrangé quand on voit le succès des sites de dating en Occident (en 2007, 1 mariage sur 8 aux US était un couple qui s’était rencontré en ligne ! source).

Et puis même si ce n’est pas écrit noir sur blanc, si ce n’est pas o-bli-ga-toire, nous sommes majoritairement un peu endogames – la plupart de mes amis ont épousé des gens de leur tribu, et c’est certainement plus facile à gérer que pour les hurluberlus qui se dénichent un partenaire d’un autre pays, d’une autre couleur, d’une autre religion ou d’une autre classe sociale. Plus facile parce que deux endogames n’ont à surmonter que les différences de genre et de personnalité et pas tout le reste. Mais c’est sans doute moins folklo et moins enrichissant aussi !

Donc quand tu creuses un peu, tu te rends compte que ce qui choque surtout mes congénères, ce n’est pas tant l’ « arrangement » en soi mais plutôt l’idée de ne pas avoir « testé la marchandise avant achat », de se retrouver le soir de la nuit de noce au lit avec une inconnue… J’avoue que dans notre culture où le sexe est omniprésent, obsessionnel, glorifié, survalorisé ( ?), l’idée est rebutante. En plus elle est mauvaise si j’en juge les expériences de mon entourage (indien) : union non consommée, pratiques chelous, bien souvent l’homme n’est pas à la hauteur, et ce jusqu’au divorce ! Voir un jeune couple qui part en lune de miel et n’a rien à se dire les premiers jours (avant que les choses se réchauffent) me surprend à chaque fois, et me fait cogiter à la bizarrerie (de mon point de vue) de la situation.

Et pourtant ça reste la règle. Aux chanceux, le « choix » de refuser une candidature est de plus en plus offert. Existe également l’option de présenter quelqu’un (de l’université, du bureau) et si les critères sus-mentionnés sont remplis et que l’union a lieu, on la qualifiera de « mariage d’amour » (sans qu’il y ait, bien souvent, une réelle relation amoureuse). Les vrais mariages d’amour, guidés par la passion et défiant les critères sus-mentionnés, restent très rares et se finissent souvent dans un bain de sang (en particulier dans les milieux défavorisés).

C’est pourquoi la passion est exaltée comme le Saint-Graal (un truc dont tu rêves mais que tu n’auras pas) dans les films, et dénigrée dans les familles comme source d’emmerdes (l’incontrôlable versus les codes sociaux qui régissent une vie bien ordonnée).

* « Ce n’est qu’au cours du 18ème siècle que la famille a cessé d’être considérée comme une entreprise de survie sociale ou économique pour se fonder de plus en plus sur le sentiment amoureux […] Le changement évoqué a été influencé par des facteurs économiques tels l’industrialisation, l’ouverture des marchés, le salariat, l’amélioration progressive des conditions de vie mais aussi par un encouragement de l’Eglise et de l’État. […] On constate, par exemple, qu’il existe encore de nos jours et malgré la diversification des sociétés contemporaines qui sont souvent multiculturelles, une tendance assez généralisée à contracter un mariage à caractère plutôt endogame; le choix du partenaire étant souvent influencé par l’origine sociale, l’appartenance ethnique, raciale ou religieuse. » Source : http://www.asblcefa.be/cefa/images/pdf/9mariagearrange

« Le mariage est avant tout un contrat passé entre un homme et une femme. Par la suite, le libre consentement se développe, et le mariage par amour se substitue peu à peu au mariage de convenance au cours du dix-neuvième siècle, en parallèle avec l’évolution du rôle de la femme dans la société, visant à l’égalité avec l’homme. Ce processus culmine avec la légalisation du divorceen 1884. » Source : http://www.mariages.net/articles/origines-et-histoire-du-mariage--c5102

Commentaires

Ca va, la Haagen Daaz passe encore!

Écrit par : Blogi | lundi, 14 avril 2014

Bonjour! Ca fait quelques temps que je vous suis sur twitter et sur votre blog, mais je n'avais pas vu cet article.
Je connais un peu l'Inde, pour y avoir fait quelques passages plus ou moins longs et pour avoir un fiancé indien; et, même en connaissant bien tout ce qui est exposé dans cet article, je reste fermement du côté des Occidentaux strictement opposés et choqués par le mariage arrangé.
Certes, en France on se marie aussi dans la même classe sociale, certes, ça "facilite" la recherche de l'amour, certes, l'amour serait plus durable car moins passionnel, certes, on n'a pas de leçon à donner vu le nombre de divorces chez nous. Au-delà de l'aspect "ne pas pouvoir tester la marchandise" (qui reste effectivement un vrai problème et une grosse déception, souvent!), il y a quand même un énorme enjeu dans tout ça pour moi qui est tout simplement le libre-arbitre! La liberté de choisir son compagnon/sa compagne (quid de l'homosexualité évidemment dans tout cela!), ou de ne pas en choisir du tout d'ailleurs! Je connais beaucoup trop d'Indiens malheureux car les familles ont refusé le/la partenaire qu'ils avaient choisi, ou encore parce qu'ils n'avaient pas envie de se marier et se sont vus passer la bague au doigt de force en quelques mois avec un(e) inconnu(e) soigneusement sélectionné selon la caste et l'horoscope (!). Et pourtant, ce n'est pas non plus des familles violentes, c'est plutôt du lavage de cerveau régulier, du chantage affectif, etc.
Le vrai problème en Inde pour moi, c'est cette absence de choix. Tous les Indiens doivent se marier, et ce avant 30 ans, et selon le schéma unique accepté par la société: choix/validation du partenaire par la totalité de la communauté et la famille. Et après, on s'étonne que cette société soit globalement assez intolérante, mais tout cela perpétue l'entre-soi...

Écrit par : Mylène | lundi, 14 avril 2014

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