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mercredi, 12 mai 2021

J25 et J18 de symptômes, ça sent meilleur ! Quoique... - Le Covid vu par une Française en Inde 12.05

  • Nombre de cas en France : 5 800 170 (106 935 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 23 340 938 (254 225 morts) 

Hier soir, j’étais dans le jardin en train de regarder la pluie tomber quand j’ai senti Petit Samourai arriver. Je veux dire, je l’ai vraiment senti ! En tout cas les effluves du parfum qu’il avait emprunté à son père et dont il s’était arrosé. Quelle joie de retrouver l’odorat !! Une joie que je n’aurais pas eue si je ne l’avais pas d’abord perdu : c’est quand on perd ce qu’on a qu’on en réalise la valeur. Le Covid rend philosophe…

Mon Indien préféré va beaucoup mieux (sauf aujourd'hui où il est crevé, a à nouveau des douleurs articulaires et un peu de fièvre ; il a choisi de s'isoler pour la journée). À l’occasion, il me parle des complications liées au Covid qui apparaissent en Inde : le « black fungus » (mucormycosis, ou le champignon noir qui te mange, littéralement, et en commençant par la tête ; ou le multisystem inflammatory syndrome (MIS-C) qui s’en prend aux enfants. Non seulement il m’en parle, mais il me raconte aussi la grosse glaire noirâtre qu’il a craché pendant qu’il était malade et qui ne voulait pas se glisser dans la bonde. Je ne suis pas vraiment équipée pour entendre toutes ces horreurs, je suis encore tout émotionnée de notre aventure nocturne à la recherche (vaine) d’un hôpital.

Que son niveau d’oxygène ait vraiment baissé ou pas, que ce soit la faute du saturomètre ou pas, ça a été une vraie piqure de rappel à la réalité. Comme tous les Indiens, nous pensions que le Covid n’était qu’une grosse grippe, et nous n’avions pas vraiment peur. En fait, nous n’avons toujours pas vraiment peur du Covid. C’est le système de santé, ou plutôt son effondrement, qui est à craindre. Dans notre malheur (relatif), c’est une chance que nous n’ayons pas trouvé de lit, surtout dans le public. Tu sais quand tu y rentres mais pas quand tu en sors… Parce que les hôpitaux publics sont débordés – comme d’habitude en fait – et parce qu’avec le manque d’accès à l’oxygène et les médicaments, les institutions n’ont pas vraiment de comptes à rendre. Et on entend les pires histoires…

En attendant, il semble que la situation commence à s’améliorer. Les choses s’organisent, notamment l’accès à l’oxygène. Je reçois beaucoup moins d’appels à l’aide. Même si certains hôpitaux continuent à reporter des décès liés à l’absence d’oxygène. Par ailleurs, les chiffres – qui varient d’un État à l’autre et sont à prendre avec des pincettes – semblent indiquer une baisse du nombre de cas détectés chaque jour à Delhi, pas vraiment à Gurgaon (Haryana). Les chiffres de décès ne diminuent pas, mais ce sont de toute façon des informations que l’on a en différé. Les 2 États sont en confinement (mais pas très strict) au moins jusqu’au 16 mai. C’est reconduit à la semaine en fonction de l’évolution.

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Petit Samourai est ravi de pouvoir à nouveau faire du vélo ou du roller (même si ce n’est que 15 minutes par jour). Après 5 jours d’interruption, ses cours en ligne ont repris sans être vraiment des cours. C’est optionnel et c’est surtout histoire de les occuper. Il continue de m’apprendre à jouer aux échecs. D’ailleurs, je ne fais presque plus que ça, jouer avec ma reine et mon roi, en plus de travailler. Oh, les 3 premiers jours de boulot, quel bonheur !! Je ne pouvais plus m’arrêter… Il a quand même fallu que je lève le pied, je fatiguais.

La nounou va très bien. Elle ne tousse plus du tout. Et mon fils aime de plus en plus jouer avec elle – elle n’est chez nous que depuis le 3 avril et son vrai rôle c’est plutôt tout sauf s’occuper de Petit Samourai qui, du haut de ses 6 ans, devrait pouvoir s’occuper tout seul. Mais bon, un mois déjà qu'il n'a pas pu voir un enfant de son âge...

Corona, coronavirus, virus, covid, covid-19, Inde

jeudi, 06 mai 2021

J19 et J12 de symptômes, nouvelles - Le Covid vu par une Française en Inde 06.05

  • Nombre de cas en France : 5 706 378 (105 631 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 21 077 410 (230 168 morts) 

Mon Indien préféré est de nouveau sur ses pieds malgré des douleurs qui se déplacent de la mâchoire à la plante des pieds. Sa fournée de pain de la soirée a joliment parfumé la maison. Malheureusement, je n’en ai rien senti, mes nerfs olfactifs continuant leur grève. Ceci-dit, je ne vais pas me plaindre : depuis plusieurs semaines, la station de traitement des eaux usées de la résidence merdouille et ça ne sent pas la fleur dans nos toilettes.

Petit Samourai a commencé l’école primaire hier ! Grande rentrée en ligne, avec une petite bougie pour marquer le coup. Nous avons choisi l’école un peu tard et il n’a rejoint la classe qu’un mois après la rentrée. Je ne me fais pas de souci sur ce le « retard » pris puisque j’ai assisté au cours de math hier et ils en sont aux suites de chiffres quand monsieur fait des multiplications, table de 12 – merci Montessori ! Mais au moins ça l’occupe de 9h30 à 12h, même si nous n’étions vraiment pas chauds à ce que toute occupation se passe derrière un écran. M’enfin là aussi, je ne vais pas me plaindre : des parents se sont plaints aux autorités hier et ont fait fermer l’école pour les vacances dont la date a été avancée d’un mois. Petit Samourai a donc fait sa première et dernière classe hier ! Jusqu’au 19 juillet… Mais c'est pas grave, on se remet à la poterie et il m'apprend à jouer aux échecs. J'ai fait ma première partie aujourd'hui.

Hier, à midi, mon Indien préféré a été informé que la sœur de son oncle par alliance, qui vit à Gurgaon et est hospitalisée pour covid, cherchait de l’oxygène. Le temps que je lui passe tous les contacts qui circulent sur mes réseaux et il m’a demandé d’arrêter : elle est décédée, à 50 ans. Alors parlons-en du nombre de morts. 230 000 comme les chiffres officiels ? 5 fois plus ? 10 fois plus ? 25 fois plus ? Un ami journaliste a observé que le nombre de bûchers a triplé dans un centre de Delhi. Il y a les victimes du covid, et les victimes collatérales – je n’ose pas imaginer ce qui se passe pour quiconque fait une crise cardiaque ou un AVC ces jours-ci. J’ai essayé d’imaginer hier soir, et j’ai failli faire une crise de panique avant de dormir, mon petit côté hypochondriaque me détectant mille symptômes, le salaud.

L’oxygène reste inaccessible. J’ai également vu passer un message sur les saturomètres défaillants et de contrefaçon qui participe à la panique. Et nous en avons personnellement fait l’expérience. Nos deux saturomètres montrent des données vraiment différentes et le « faux » varie en plus sans arrêt. Dans le doute, mon « ange » m’avait dit de suivre les indications les plus basses mais nous n’avons pas écouté – d’abord parce que mon Indien préféré ne se sentait pas si mal et surtout parce que nous n’avions pas trop d’autres solutions. Certains crient à la conspiration chinoise vu que la plupart de ces équipements viennent de là-bas ; pour autant, quand les patients arrivent à l’hôpital et que leur réel niveau d’oxygène est mesuré, j’imagine qu’ils peuvent les renvoyer chez eux et ne leur donnent pas automatiquement de l’oxygène ?

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Par ailleurs, la panique a conduit beaucoup de particuliers à s’équiper en oxygène, ajoutant à la pénurie des hôpitaux. Même si ce phénomène est bien réel, il ne doit être qu’une goutte dans l’océan de ce bordel.

De plus en plus de sites dénoncent l’abus de traitements au plasma, aux stéroïdes et au remdesivir dont l’efficacité n’aurait pas été prouvée. Je ne sais pas… Les Indiens sont de toute façon les cobayes du monde, comme ça a été le cas avec l’hydroxychloroquine - dans le sens où les protocoles sont beaucoup moins stricts ou qu’il est impossible de vérifier ce que chaque docteur fait, d’où une grande liberté d’essayer tel ou tel traitement, un peu sur le dos de patients qui font confiance (docteur Google n’est pour l’instant le cauchemar que des médecins des classes aisées). Les plus désabusés mentionnent la circulation de contrefaçons de médicaments et de vaccins et ont peur d’y avoir accès. Sachant que c’est un gros point fort des Indiens, cela ne me surprendrait pas vraiment. Selon les douaniers rencontrés par une copine qui est rentrée en Europe, entre 20 et 50 personnes sont testées positives à l’arrivée depuis l’Inde – alors qu’il faut un test PCR et un test antigénique fait à l’aéroport de départ. Il y a plusieurs explications possibles : 1. le virus devient actif dans les 12 heures qu’il faut pour rentrer, 2. sur ce variant, il y a beaucoup de "faux négatifs", 3. usage de faux certificats expliqueraient cette situation. Et ça on sait déjà qu’ils le font (source).

Quant au vaccin, si le Gouvernement a annoncé l’ouverture de la vaccination aux plus de 18 ans le 1er mai. Pour autant, certains États ont déjà annoncé qu’ils ne pourront s’y mettre qu’à partir de septembre. De toute façon, si on compare le nombre d’Indiens et la capacité de production de vaccin, il faudrait compter un an pour vacciner tous les majeurs.

Devant l’absence de plan national, de M le Modi donc, qui a refilé la patate chaude aux États – rappelons que l’Inde est une démocratie fédérale – pour gérer le problème. Au sein des États, les Hautes Cours (6 au moins) ont parfois été sollicitées pour gérer la pénurie d’oxygène et de médicaments. La Haute Cour d’Allahabad n’a pas mâché ses mots : “We are at pain in observing that death of Covid patients just for non supplying of oxygen to the hospitals is a criminal act and not less than a genocide by those who have been entrusted the task to ensure continuous procurement and supply chain of the liquid medical oxygen.” (source) « C’est avec douleur que nous observons que des patients Covid meurent faute d'oxygène dans les hôpitaux ; ceci est un acte criminel et pas moins qu’un génocide de la part de ceux qui ont été chargés de garantir l’approvisionnement et la chaîne d’approvisionnement continus de l’oxygène médical liquide. » La Cour Suprême s’en mêle (du jamais-vu et même on pourrait se demander ce qui lui prend) et exige du Gouvernement un plan national, tout en réitérant que la décision de confiner ne relève pas du pouvoir judiciaire. En gros, c’est le méga bordel. Toutes les instances discutent, échangent et rien ne se passe. Certains accusent même la Cour Suprême de créer (ou en tout cas de participer à) un sentiment de confusion et de panique. Et bien si tout le monde avait paniqué à temps et s’était préparé à une deuxième vague, nous n’en serions peut-être pas là. Parce que la vérité c’est que presque personne ici n’a voulu y croire. Ils ont vu la Chine qui ne rebondissait pas – alors que la gestion n’est pas la même du tout – et ils se sont dit pourquoi pas nous? C’était très contagieux cette politique de l’autruche de novembre à mars. L’envie de revivre comme avant avait repris le dessus. Enfin, la première vague n'avait pas fait très peur, peu de morts, les hôpitaux privés tout juste engorgés, personne ne s'était imaginé le cauchemar que ça pouvait devenir.

En guise de conclusion, les États-Unis ont fini par fermer leurs frontières aux non-résidents et non-citoyens le 4 mai. Mais 3 Rafales viennent de quitter la France pour l’Inde.

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Tout va bien.

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dimanche, 02 mai 2021

J15 et J8 de symptômes, économie et politique d'un désastre - Le Covid vu par une Française en Inde 02.05

2 mai – J15 et J8 de symptômes, la vie au ralenti

  • Nombre de cas en France : 5 642 359 (104 706 morts)
  • Nombre de cas en Inde : 19 557 457 (215 542 morts) 

La situation ne semble pas s’améliorer en dehors de ma bulle indienne. Regarde la une du journal ce matin :

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Notre résidence tente de s'équiper en bonbonnes d'oxygène, en concentrateurs d'oxygène, en lits et en infirmières. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire :

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En plus des difficultés logistiques, il y a les résidents récaciltrants, et sceptiques, et les deux, qui ne veulent pas participer à la cagnotte. En fait, tant que tu n'as pas fait partie des 5% qui ont besoin d'oxygène, tu as tendance à croire que tout ne va pas si mal. Il n’y a pas que ma femme de ménage qui ne semble pas se rendre compte de la gravité de la situation. Ma voisine d’en face n’a pas déclaré son covid à notre résidence, et ne s’est donc pas mise en quarantaine. Des gens continuent de se marier et de clamer que les médias exagèrent. Un de nos amis, la cinquantaine, positif asymptomatique, m'a expliqué que l'isolation ou la quarantaine c'était pour les gens avec des personnes âgées ou des enfants à la maison ; lui il s'éclate avec ses copines (des filles de 23 ans qu'il chope sur Tinder, mais c'est une autre histoire).

Peut-on le leur reprocher quand le gouvernement maintient la coupe de l’IPL (Indian Premier League) de cricket même si sans public ? Et les rallies politiques pour les élections régionales au Kerala, Tamil Nadu, Bengale-Occidental et Assam ? (Le BJP est en train de prendre une vilaine claque dans le West Bengal, une des régions qu’il brigue violemment ; il n’y a guère que dans l’Assam qu’il ait gagné d’ailleurs (source).) Et le plus grand évènement religieux, la Kumbh Mela, que des astrologues complètement barjos ont avancé d’une année (source) ? Difficile après de dire au peuple de rester chez soi. En plus, on l’a vu avec la première vague, les conséquences économiques d’un confinement ou même d’un ralentissement de la vie sont désastreuses pour la majorité de la population.Qui mourra de faim à défaut de mourrir d'air...

En 2019, la Kumbh Mela dans l’Uttar Pradesh aurait généré un revenu de 13,5 milliards d’euros pour un investissement de 500 millions d’euros (source). En 2015, la coupe de l’IPL aurait contribué à 0,05% du GDP indien avec $11,5 milliards (source). On reproche au Premier Ministre d’avoir, en 2019, dépensé 400 millions d’euros pour construire la plus grande statue du monde (les Indiens sont des obsédés du superlatif) ; et d’avoir récemment enclenché des dépenses de l’ordre de 2,3 milliards d’euros pour l’embellissement des bâtiments politiques de Delhi. Mais là encore, corruption mise à part, ce sont des projets créateurs d’emploi et donc de revenus.

200 000 morts du covid, c’est rien pour un Premier Ministre de l'Inde qui compte 10 millions de morts par an (pour près du triple de naissances). Surtout dans un pays où la vie n’a pas de prix, dans le sens où elle ne vaut rien, surtout celle des autres – c’est pas les Indiens qui seraient allés chercher Matt Damon sur Mars, tu peux me croire ; eux ils en sont à construire leurs pyramides et leurs cathédrales à la sueur des esclaves. Sauf que 200 000 et des gens qui crèvent de ne pas pouvoir respirer, c’est spectaculaire d'autant que ça ne touche pas que les pauvres. Et ça fait très, mais alors très mauvaise impression à l’étranger et ça, M le Modi, il n’aime pas du tout, lui qui travaille à établir l'Inde comme une puissance mondiale.  

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