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lundi, 06 juillet 2015

Ré-humaniser le 'rickshaw-boulot-dodo'

En Inde, que l’on soit un touriste ou un local, on est amené à prendre beaucoup de taxis et/ou de rickshaws (« touktouk » pour les touristes, « auto » pour les autres). C’est pas cher, ils sont partout, ça permet d’éviter d’avoir à galérer pour se garer ou pour trouver son chemin. Y pas à tortiller, c’est pratique. Pas forcément bon pour le dos mais pratique.

LE problème c’est que les conducteurs des dits taxis ou rickshaws sont souvent perçus comme des voleurs. Qu’ils refusent de lancer le compteur, qu’ils oublient de le remettre à zéro, qu’ils vous baladent autour de la ville, ils ont mauvaise réputation. D’ailleurs il n’y a à peu près qu’à Mumbai que les « autos » mettent le compteur, voire ont un compteur pour commencer ; dans les autres villes, on est supposé connaître la distance à parcourir et le tarif approximatif, ce qui induit une discussion préalable à la course. L’exercice peut se révéler frustrant, irritant, et peut même conduire à décider de ne finalement pas sortir de chez soi ce jour-là. Pour toutes ces raisons, on a tendance à traiter les chauffeurs desdits véhicules comme des sous-hommes, des machines (prolongement de leur levier de manœuvre), dont on n’attend rien d’autre qu’une bataille (sur la route à prendre, sur le montant à donner) et une bonne dose de tape-cul. Les chauffeurs de taxi sont considérés comme encore plus roublards, d’où la croissance exponentielle du nombre de radio-taxis (rien que pour le plaisir de ne pas avoir à se prendre le pif).

 

Dans le quotidien rickshaw-boulot-dodo, c’est un peu comme dans le métro : les yeux pas en face des trous, on fait la gueule à l’arrière du l'auto. Le chauffeur, dont on a à peine identifié les traits (pas besoin, c’est une machine), ne pose pas les questions dont il régale d’habitude les touristes (« Tu viens d’où ? Tu fais quoi ? Tu aimes l’Inde ? »). Avec le code de politesse indien, on peut même zapper en toute quiétude les politesses d’usage : pas besoin de bonjour, de s’il-vous-plaît, de merci, et encore moins de sourire. Indiquer l’adresse au départ et lancer « baas » (assez, stop) à l’arrivée, et un balancement de la tête pour remercier suffisent.

 

L’étranger met également un point d’honneur à ne pas laisser de pourboire, vu que ce sont déjà des voleurs. Il peut donc perdre un sacré paquet de temps (en oubliant, c'est pratique, que  le temps c'est de l’argent) pour une roupie ou deux. C’est une question de PRIN-CI-PEEUUUH. Et puis l’étranger blâme tous les autres blancs qui ne suivent pas ses PRIN-CI-PEEUUUH, donnant de ‘mauvaises habitudes’ aux chauffeurs indiens, leur inculquant l’idée qu’il est un dollar sur pattes à qui il est facile d’extorquer plus que le nécessaire. Il est donc d’autant plus nécessaire d’appliquer ses PRIN-CI-PEEUUUH strictement.

 

J’étais comme ça pendant longtemps. J’ai fait de ces scènes pour cinq roupies ! Et puis un jour, j’en ai eu assez, j’ai recommencé à dire « merci » aux chauffeurs, et à arrondir les montants (bon, sauf dans les cas où ils me font chier pour une raison ou une autre), voire même à leur sourire… Et si je ne suis pas trop fatiguée, j’essaye même un peu mon Hindi ! Plus souvent dans les taxis car les courses sont en général plus longues qu’en rickshaw. Et j’entends souvent des histoires assez dingues !

 

C’est pour cette raison que j’ai voulu partager cette note de ‘Humans of Mumbai’. J’ai découvert ce groupe un jour que je me baladais avec Junior dans le porte-bébé ; ils ont souhaité m’interviewer mais j’étais malheureusement dans un très mauvais jour et j’ai préféré décliner. Quoi qu’il en soit, je lis avec plaisir leurs notes quotidiennes, qui ré-humanisent un peu tout le monde… Y compris les chauffeurs !!

 

Humans of Mumbai.jpg 

« L’autre jour un mec bourré s’est assis dans mon taxi et a commencé à me balancer des insultes à la tronche. Je n’ai pas bronché et je l’ai ramené chez lui sain et sauf à 4 heures du mat, mais j’étais très énervé parce que ça me prouvait à nouveau à quel point mon job est sous-apprécié. J’étais tellement dégouté que j’ai pensé tout laisser tomber et retourner à Chandigarh.

A ce moment-là, un autre client est monté et m’a demandé de l’emmener à l’aéroport. Même si il était tôt, il m’a demandé mon nom, d’où je venais et où je vivais à Bombay. A la moitié du trajet il a ouvert une boîte de sandwiches et m’en a offert un et quand il est descendu, il m’a souri et m’a donné 50 roupies de plus parce que 2 ou 3 chauffeurs de taxi avant moi avaient refusé de le prendre. C’est ça Bombay ; il y a tellement de mondes à l’intérieur que même si tu veux partir, tu ne peux pas. »

 

https://www.facebook.com/pages/Humans-of-Bombay/188056068070045?fref=ts  

lundi, 29 juin 2015

Les samourais des ordures

Après trois mois d’absence…

Non je n’ai pas disparu ! J’avais pensé (bien naïvement) que ma grossesse ou mon congé maternité me permettrait de souffler un peu et « faire mes trucs », comme écrire. Que nenni !!

Et comme si ça ne suffisait pas d’être hagarde de fatigue, bourrée d’hormones (paraît que c’est normal avec l’allaitement), avec le cerveau flasque (incapable de se rappeler où j'ai mis la bouteille d’eau attrapée deux minutes plus tôt – ah bah dans le placard. Normal), j’ai dû reprendre le boulot, dans un contexte pas facile facile… Et le yoga (de 6 à 7 (du matin !!))… Mais je ne suis pas un Samouraï pour rien hein ;)

Ma bonne résolution de la reprise de mes activités est donc de me remettre à blogguer, en postant tous les lundis, au lieu de tous les deux jours ! Au plaisir de vous retrouver, chers lecteurs…

Et pour commencer, une petite vidéo pour se rappeler que certains Indiens n'ont pas la tâche facile tous les jours...

samedi, 14 mars 2015

Supercalifragilisticexpialidocious (en francais dans le texte)

J’avais réussi à faire l’impasse de ces soutiens communs en Inde. La belle-mère. L’infirmière de nuit. La Japa, ces nounous très traditionnelles, souvent de Kolkata, qui assistent mère et enfant pendant les 30-45 jours suivant la naissance. Jour et nuit, elles s’occupent de tout, bain, massage, nourriture etc. Sans aide particulière je trouvais que nous nous en sortions plutôt bien tous les trois ces premiers mois ! Mais voilà, il fallut bien commencer à penser à assurer la relève pour quand je reprendrais le boulot… 

inde,bébé,ayah,japa,nourriceVint donc le temps de recruter une ayah,  nounou / femme de ménage, si possible avec quelques talents culinaires... Même si les Indiennes préfèrent être employées par des étrangers (travailler moins pour gagner plus, tout en étant traitées plus humainement, dixit elles-mêmes), nous n’avons pas eu moultes options. D'autant que le ‘travailler moins’ implique qu’elles ne travaillent pas le dimanche NI le samedi ; où va le monde je vous l'demande?? Blague à part elles ont souvent ni l’un ni l’autre. Et qu’elles bossent de 9 à 5 - ce qui n’arrange personne quand tu dois toi-même être au bureau de 9 à 6 (les rares fois où tu quittes le boulot avant 20 heures). Et pour peu qu’elles aient elles-mêmes des enfants en bas âge (c'est-à-dire la plupart d’entre elles) et/ou qu’elles habitent à Bab-el-Oued (c'est-à-dire quasiment toutes), tu sais que tu peux dire adieu aux heures sup’ inévitables... Et si en plus tu souhaites qu’elle parle un minimum d’anglais, autant demander la lune... 

J’allais donc dire oui à une nounou qui ne pétait pas un mot d’anglais, avait une petite fille et habitait à petaouchnok quand nous avons fait passer un ultime entretien. Une Chrétienne (donc anglophone - cherchez pas le rapport c’est comme ça, les Chrétiens indiens sont en général plus anglophones qu’hindiphones), avec une fille de 27 ans, qui habite près de chez nous, qui a l’habitude de bosser 12 heures par jour et le samedi, qui a déjà travaillé avec des étrangers (et « ils ne supportent pas la moindre saleté » selon elle !) et qui demande moins d’argent que les autres. Cherchez l’erreur!! Selon elle, son grand âge est un handicap pour trouver du boulot aujourd’hui: avec la cinquantaine passée, les mères craignent qu’elle ne puisse pas courir après leurs mômes ! 

En 24 heures elle a sympathisé avec le chat. Le chat qui terrorise tout le monde en raison de sa très grande taille ; même les mecs du Pest Control n’ont pas osé entrer dans la chambre d’amis qu’il gardait de pied ferme. Le chat qui file des coups de patte pour qu’on s’occupe de lui et qui crache quand il en a marre. Et ben, ce chat, dès le premier jour, elle lui fait conversation quand il lui grogne dessus depuis sa planque dans le placard !!

En 24 heures elle a réorganisé les placards (de bouffe et de fringues). Elle a repassé les taies d’oreiller, une grande première pour ces dernières. Elle a dépoussiéré l’aspirateur puis le dessous des canapés, puis les ventilateurs.

En 24 heures elle s’est occupée de me changer mon alimentation et mes horaires de repas ! Si maman digère bien, bébé aussi. J’ai ainsi appris (mais je me permets de douter) que les pets impressionnants de mon fils sont dus à mon engouement pour les patates... Alors les pommes de terre qui font péter je sais pas mais je te raconte pas les pois qu’elle nous a cuisinés le premier soir... Si son objectif était de me nettoyer les intestins en fanfare, elle a bien réussi son coup ! Pas de piments dans la bouffe, beaucoup de fibres, d’ail et de gingembre (condiments qu’elle affectionne contre les gaz) et je dois me battre pour manger mes yaourts ‘normaux’ (« mais sans matière grasse c'est mieux, ça fait pas grossir ») ! 

Et puis surtout, surtout, en moins de 24 heures Bébé Samourai s’est retrouvé sur un matelas par terre avec une couche indienne en tissu !! Limite si j’ai pas eu droit à un regard désapprobateur quand je lui ai mis une Pampers au moment de le nourrir : apparemment les Indiennes arrivent à savoir quand leur progéniture fait caca et ne mettent des couches modernes qu’à ce moment-là. Suis pas sûre que l’horloge intestinale de mon rejeton soit déjà réglée !! Et ça me fait moyennement rire de me faire pisser dessus... Je dois aussi me battre pour qu’il passe pas sa journée à poil : là où les médecins disent une couche de vêtements supplémentaire que moi, elle dit une de moins ! 

inde,bébé,ayah,japa,nourriceEt quant à son grand âge, il ne devrait pas poser trop de problèmes vu que, comme elle répète fréquemment au bébé : "no carrying business, no carrying business". Autrement dit, il peut oublier passer son temps dans les bras - en fait il ne passe pas son temps dans les bras mais il aime bien s’y endormir, surtout si on lui chante ‘Ooooom’ en rebondissant sur le ballon d’exercice (curieusement elle n’a pas eu l’air emballée par la perspective de travailler ses muscles dessus !). Je me suis d’ailleurs pris une remontrance à ce sujet. En voit là une qui n’a pas froid aux yeux ! En même temps elle a pas tort, il faut qu’il apprenne à s’endormir tout seul, donc bon... 

inde,bébé,ayah,japa,nourriceEn 24 heures, Mary Poppins nous a repris en main, moi mon intérieur et mon fils ; et moi, alors que je trouvais que je gérais plutôt bien, j’ai l’impression d’être une collégienne qui fait n’importe quoi avec sa poupée dans sa porcherie !! 

Pourvu que ca dure ;)