vendredi, 30 septembre 2011
Ordures
Une des premières interrogations lorsque je me suis installée en Inde : dis, on fait comment pour les ordures ? Instructions de ma logeuse : tu les mets dans la poubelle et tu sors la poubelle tous les soirs. Et tous les matins, magique, la poubelle est vide !!
Et le tri des ordures ?? Nan ?? Bon d’accord…
Quelques mois plus tard, en cherchant mon vélo au pied de l’immeuble, j’ai vu deux femmes accroupies dans les ordures de 5 ou 6 énormes poubelles. Voilà pour le tri des ordures…
En Inde, « rien ne se perd, tout se transforme » ; les Indiens sont les rois du recyclage (au niveau individuel du moins). ..
...On peut faire une heureuse avec une paire de chaussures cassées !! Ca fait réfléchir sur les tendances actuelles de « sur-consommation » des pays développés, où il est souvent plus facile (et moins cher) de jeter que de faire réparer. Je me suis adaptée et je laisse une ou deux chances aux objets cassés désormais – mais j’ai désormais du mal à faire confiance à la petite réparation bricolo locale qui en entraîne une autre et puis une autre et puis une autre jusqu’au jour où la machine lâche pour de bon (après m’avoir coûté une énorme dose d’énergie)…
Pour en revenir aux ordures, je me suis souvent posé la question de leur ramassage en Inde. Comment ça se passe ? Où sont-elles envoyées ? Sont-elles traitées ?
Autant dire les choses comme elles sont : l’Inde est en train de devenir une poubelle à ciel ouvert. Il faut voir la plage de Juhu avant le ramassage des ordures les jours de certaines marées… Il faut voir les gens s’arrêter sur les ponts et jeter leurs sacs poubelles dans les rivières… Les habitudes consuméristes en Inde changent très vite, sans éducation sur l’environnement et sans réel développement de traitement des déchets. J’essaye d’expliquer, des fois, qu’il ne faut pas jeter sa bouteille d’eau, son sachet de pan, son gobelet de thé, dans la rue. Mais il n’y a aucune poubelle !! Et il n’y a aucune poubelle parce qu’il n’y a quasiment pas de système de traitement des ordures. Bref c’est l’histoire du chat qui se mord la queue.
Aujourd’hui en Inde chaque personne génèrerait 0,6 kilo d’ordures par jour (soit 3 fois moins qu’aux Etats-Unis). Compte tenu du nombre d’habitants, ça fait quand même dans les 720 000 tonnes de kilos quotidiens… Or il n’y a pas de limitations scientifiques des décharges, et le système primaire de collecte est quasiment non-existant. Théoriquement, chaque municipalité est responsable de l’organisation de son traitement des ordures : tri et stockage à la source, collecte primaire, balayage des rues, stockage secondaire, transport, traitement et recyclage, élimination finale. Idéalement, les ordures qui arrivent au stade de l’élimination finale devraient être incinérées ou subir un traitement mécanique-biologique avant d’être envoyées dans une décharge. Mais en Inde, 94% des ordures ne sont pas manipulées correctement.
J’évoquais plus haut le recyclage au niveau individuel. Et de fait, il y a en Inde des millions de ramasseurs d’ordures (appelés « rag pickers ») – « la Banque Mondiale estime que 1% de la population urbaine des pays en voie de développement gagne leur vie « grâce aux ordures » (soit dans les 4 millions de personnes en Inde) ». Ils ramassent parfois les ordures dans la rue et plus souvent dans les décharges. Et ils revendent aux entreprises qui vont recycler. Il y a bien des camions… Qui débordent et s’éparpillent… Mais pas assez et pas moyen de se passer des « rag pickers » qui de toute façon vivent littéralement des ordures. Pour en savoir plus sur ces ramasseurs d’ordures voir : Asian Wastepickers.pdf
On m’a à deux reprises parlé d’une décharge en Inde sur laquelle les gens se sont installés, dans le même genre que « Smoky Mountain » aux Philippines (où 10 000 familles vivent dans des habitations sur ou à proximité de la décharge (UNEP 1996)) mais je n’ai rien trouvé de tel. Bien sûr, chaque décharge est entourée des habitations des gens qui y travaillent. Et j’imagine que les plus grandes décharges – Denoar à Mumbai (2 200 tonnes par jour sur 1,2 km2), les 3 décharges de Delhi, Bhalaswa, Okhla et Gazipur (6 tonnes par jour à trois) doivent bien avoir un air de « Smoky Mountain ». J’irais bien voir ce que ça donne de près…
Mais pas besoin d’aller aussi loin pour voir des gens évoluer dans des ordures. La sortie du pont Sea Link à Bandra, les quais de la gare de Bandra… C’est à se demander si les gens se sont installés sur une décharge ou si ils en ont fait une décharge ??
Ceci étant dit, il est difficile, en tant qu’occidental, de donner des leçons… Certes au niveau individuel, la conscience environnementale est plus développée en Europe. D’un autre côté, on envoie tous nos gros déchets dans des pays comme l’Inde !! Envoyer des déchets municipaux en Inde coûte 4 fois moins cher que les recycler localement. Et si la Convention de Basel interdit depuis 1998 l’exportation de certaines substances dangereuses depuis les pays riches vers les pauvres, les autorités indiennes sont peu regardantes (et très corrompues). Quand la presse s’en mêle, on trouve et confisque des containers – par exemple, en mars 2010, 20 containers de déchets de la Réunion et de la Grèce ont été renvoyés. Ca donne juste une idée du nombre de containers qu’on laisse passer…
Et puis il y a Alang, au Gujarat. Ce site de démembrement des navires est désormais connu – la moitié des navires du monde viennent y finir leur vie (y compris notre paquebot Le France). Connues également les conditions de vie des ouvriers, la pollution de la côté etc.
En conclusion, de ce que j’ai lu en ligne, il y a pire que l’Inde, mais la situation n’est quand même pas très glorieuse !
Sources :
http://www.ban.org/ban_news/india_import.html http://www.marineinsight.com/marine/environment/alang-gujarat-the-world%E2%80%99s-biggest-ship-breaking-yard-a-dangerous-environmental-time-bomb/
http://www.marine-marchande.net/Petits_Reportages/Perchoc/Alang/0-Alang.htmlhttp://scrapshipbreaking.com/2011/05/09/alang-gujarat-india/http://www.un.org/esa/dsd/susdevtopics/sdt_pdfs/meetings2010/icm0310/2g_Manesh_Babu.pdfhttp://earth911.com/news/2009/08/03/trash-planet-india/
http://www.inclusivecities.org/pdfs/Asian%20Wastepickers.pdf
http://www.huffingtonpost.com/2011/04/04/female-fetuses-india_n_844432.html
http://www.nytimes.com/2010/04/23/world/asia/23iht-letter.html
http://www.thehindu.com/todays-paper/tp-features/tp-downtown/article2443400.ece
08:00 Publié dans IncredIble India | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : inde, décharge, ordures, déchets, ramassage, alang, smoky mountains, rag pickers, pauvreté, traitement des ordures, recyclage | Imprimer | Facebook |
Commentaires
Ca parait assez normal, qu'en allant chercher ton cycle, tu sois confrontée à la question du recyclage...Si j'osais...! Allez j'ose : on pourrait même parler de tri-cycle!
Écrit par : Dadou Ronron | mercredi, 05 octobre 2011
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