Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 16 août 2021

Le système scolaire indien – 3. École publique et privée

Inde,école,école primaire,école privée,école publique,système scolaire,éducation,boards,baccalauréat,illettrisme,analphabétisme

65% des enfants indiens scolarisés vont à l’école publique (source). En zone rurale, le Gouvernement gère 80% des écoles (source). Or il ne dépense que 3% de son PIB dans l’éducation contre 6,6% en France.

Mais le niveau est faible, seulement 1 prof sur 5 a été formé pour les classes élémentaires, et je ne parle pas de leur absentéisme. En 2008, selon l’ASER, 47% des enfants en CM2 dans le système public n’avaient pas le niveau de lecture de CE1 – pour 32% dans le privé (là, un tiers n’ont même pas le niveau CP). Selon une autre source (Pratham Annual Status of Education Report 2005: Final edition), en Inde, plus des 50 millions d’écoliers ne peuvent pas lire un simple texte (sur les 238 millions d’enfants entre 6 et 14 ans). (source Pratham Annual Status of Education Report 2005: Final edition). Si on veut être positif, on peut quand même se dire que la démocratisation du smartphone va accélérer l’alphabétisation de base, puisqu’il est quand même utile de savoir lire un minimum pour s’en servir.

Pourquoi les résultats de la scolarisation sont-ils si mauvais ? Au-delà d’une absence de moyens, ce serait le concept même d’élitisme qui condamnerait les plus pauvres à rester les plus ignorants. Selon Abhijit V. Banerjee & Esther Duflo (Poor Economics, rethinking poverty and the ways to end it 2011), l’école publique, son programme et organisation, remonte à l’époque coloniale, lorsque les écoles étaient censées former une élite locale pour en faire une alliée efficace de l’État colonial. L’objectif était donc de maximiser la distance entre cette « crème de la crème » et le reste de la population. De fait, les enseignants partent toujours du principe que leur mandat reste de préparer les meilleurs étudiants aux examens difficiles qui, dans la plupart des pays en développement, servent de passerelle vers de plus hautes études. Dans ce contexte, la majorité est laissée pour compte, et n’apprend même pas les bases. (En écrivant ces lignes, je me demande si ce ne serait pas aussi un des problèmes du système français ??)

En ce qui concerne l’école privée (35% des élèves indiens scolarisés - 17% en France), il y a à manger et à boire. On l’a vu, en 2008, 32% des enfants en CM2 dans le système privé n’avaient pas le niveau de lecture de CE1, à peine 15% de mieux que dans le public. La catégorie « écoles privées » diffèrent en plus selon plusieurs critères : à qui elles appartiennent (aidées ou pas par le Gouvernement), le management (qui appartient à une minorité ou pas, religieux ou pas, dans une langue régionale ou en anglais), le niveau (primaire, secondaire etc.), l’affiliation ou les boards (voir le prochain post), et le ticket (riches ou moins ou pas riches, cette dernière catégorie se développant rapidement). (source)

Un petit paradoxe au passage : toutes les écoles en Inde doivent être à but non lucratifs, et elles opèrent en général via une organisation ou un trust. De fait, les propriétaires des écoles privées qui génèrent un max de fric ne peuvent pas le sortir. Facilement. Techniquement, ils doivent le réinvestir dans l’école – mais il y a des limites à ce que tu peux améliorer. Apparemment les écoles CBSE (voir le prochain post) ne peuvent réinvestir que dans leur filiale, tandis qu’IB peut réinvestir dans d’autres écoles de la même marque. Alors les propriétaires gèrent des business en parallèle : location du terrain de l'école, vente de matériel scolaire (meubles, électroniques), transport (des élèves), cantine etc. Mais le fait qu’il soit difficile de sortir les fonds limite l’engouement de grosses boîtes à monter des établissements scolaires. En plus, les États ont leur mot à dire dans la fixation des prix, ce qui n’arrange pas les propriétaires d’écoles. Et si la sélection ne peut plus se faire par le montant des mensualités, elle se fait par le montant des bakchichs. Et les parents ne sont même pas contre ce système. Ils veulent des camarades de leur niveau social.

  • - > 1 million d'écoles publiques (certaines dépendant du Gouvernement central et d'autres des États)
  • - 85 000 écoles privées sous contrat (aided) – en France, 97% des écoles privées sont sous contrat et c'est le Gouvernement qui paye le salaire des professeurs, sans que ces derniers soient pour autant fonctionnaires
  • - 326 000 écoles privées sans contrat (unaided) (source)
  • - Écoles privées sans contrat et non reconnues (1,7%) (source)

Les salaires des professeurs indiens dans le public sont élevés et apportent un statut recherché (même si, de manière générale, les emplois fonctionnaires séduisent de moins en moins, et que l'attrait pour les jobs IT réduit le nombre d'enseignants). Un enseignant dans le primaire public de 15 ans d'expérience gagne en moyenne 40 600 Rs par mois (480€) et son homologue dans le privé gagne entre 10 et 110% de ce salaire selon le type d'école, la localisation et la loi de l'offre et de la demande (source), mais en général beaucoup moins que dans le public. Apparemment les US ont le même type de gap (source).

À suivre…

lundi, 09 août 2021

Le système scolaire indien – 2. A(na)lphabétisation/a(na)lphabétisme, (il)létrisme

On parle d’illettrisme pour des personnes qui, après avoir été scolarisées, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante. On parle d’analphabétisme/analphabétisation pour désigner des personnes qui n’ont jamais été scolarisées. En France, on compte 2,5 millions d’illettrés (soit 7% de la population adulte) et on considère la question de l’analphabétisme réglée (source). Le problème de l’illettrisme serait quand même de plus en plus préoccupant, et pas que chez les « vieux » ou les familles d’immigrées.

En Inde, le taux d’alphabétisation (literacy) est passé de 18% en 1951 à 73% en 2011 (année du dernier recensement). Ce taux est de 69% chez les adultes (de plus de 15 ans). Le Kerala est l’État avec le plus haut taux (94%) et le Bihar a le plus bas (62%) (source).

Inde,école,école primaire,école privée,école publique,système scolaire,éducation,boards,baccalauréat,illettrisme,analphabétisme

À suivre…

lundi, 02 août 2021

Le système scolaire indien – 1. L’accès à l’école

Les écoles sont fermées en Inde depuis mars 2020. Celles qui ont pu ont lancé les cours en ligne – une tannée de toi à moi – mais un grand nombre d’enfants n’y a même pas accès. Soit parce que l’école n’a pas eu les moyens d’opérer cette transition, soit parce que les parents n’ont pas le matériel ni la connexion internet ou même l’électricité – heureusement il y a le smartphone (source de la photo), même si seulement 50% des Indiens en possèdent un (source).

Inde,école,école primaire,école privée,école publique,système scolaire,éducation,boards,baccalauréat,illettrisme,analphabétisme

En Inde, depuis la loi de 2009 (source), l’accès à une éducation gratuite et obligatoire est un droit fondamental des enfants de 6 à 14 ans. De fait, selon l’Unicef (source), les taux d’inscription en primaire avoisinent les 99%. Pour autant, ce chiffre ne semble pas refléter vraiment la réalité : un quart ou un tiers des 238 millions d’Indiens âgés de 6 à 14 ans ne seraient pas scolarisés.

(Au passage, 3 millions d’enfants vivraient dans la rue, 33 millions travailleraient et plus de 10 millions seraient exploités (1 sur 3 étant analphabète), d’après la Smile Foundation et l’ONG Child Rights and You (source) – Attention ici à ne pas confondre travail (une nécessité vitale pour les familles très pauvres) et l’exploitation qui s’apparente à de l’esclavage moderne (tâches inhumaines peu ou pas rémunérées). Selon la Constitution, le travail des jeunes est autorisé dès 14 ans (sauf pour des tâches dangereuses, dans les usines ou dans les mines, pour lequel l’âge légal est 18 ans). Par ailleurs, de nombreuses associations caritatives aident ces enfants laissés-pour-compte en s’assurant qu’ils puissent continuer à gagner leur pitance tout en suivant des cours. Les Occidentaux ont cependant du mal à comprendre ceci, très attachés au concept de protection de l’enfance. Évidemment, la différence entre travail acceptable et travail pénible est ténue et subjective ; dans cette perspective le plus simple reste donc de tout interdire. Ce qui pénalise grandement les pauvres, qui n’ont guère de choix, et qui trouvent plus de dignité à travailler qu’à mendier.)

L’impact du Covid sur l’alphabétisation en Inde va être loin d’être négligeable. Et puis pas seulement… Pour les très pauvres, l’école est le garant d’au moins un repas significatif pour les enfants. Alors quand on passe en ligne, c’est plus compliqué.

À suivre…