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mercredi, 17 septembre 2008

Langues indiennes

Et toi, tu parles Indien ? Mais bien sûr…

 

En bref

 

En il faut bien se représenter que l’Inde qui ne connaît une unité territoriale que depuis 61 ans (Indépendance) n’a jamais connu d’unité linguistique. C’est juste plein de petits territoires. Et donc plein de langues… Le sanskrit, le persan puis l'anglais furent donc successivement et concurremment les langues de pointe du sub-continent qui, tardivement, et de l'extérieur, fut nommé Inde.

 

Le sanskrit et le tamil sont les langues classiques de l’Inde d’après le Gouvernement : la littérature sanscrite (dans le Nord de l’Inde) remonterait à 5 000 ans avant J.-C.* et le Tamil à 3 000.

Vers 5 000 ans avant J.-C. apparaît donc le sanskrit, la langue du védisme, la religion ancêtre de l’hindouisme. Le sanscrit, la plus vieille langue écrite de l’Inde (dans les années 400 avant J.-C., le grammairien Panini a écrit une description très détaillée du Sanskrit classique), va se développer comme la langue des brahmanes, réservée à une élite et ne sera jamais une langue d’usage ; mais c’est aussi la base de nombreuses langues modernes, y compris l’Hindi et l’Urdu.

Puis vers le 10ème siècle commence le déclin du sanscrit, au profit du persan. Le persan, une langue cousine du sanskrit mais modernisée et pénétrée d'influences arabes, s’est imposé avec la domination moghole. C’est d’ailleurs demeuré la langue officielle de « l'empire des Indes » jusqu'en 1947 et continue à jouir d'un grand prestige, même en Inde indépendante. Dorénavant, les sultans musulmans – parfois des convertis – sont au pouvoir.

Et puis l’anglais, comme on sait…

 

Les langues parlées aujourd’hui

 

Il y a aujourd’hui, en Inde :

-          22 langues officielles, et plus de 1 000 langues parlées (1 652).

-          D’après un recensement en 2001, 29 langues maternelles étaient parlées par plus d’un million de gens, 122 par plus de 10 000.

-          L’article 343 de la Constitution indienne reconnaît l’Hindi et son script Devanagari comme la langue officielle du gouvernement central de l’Inde.

-          Pour assurer une continuité, la Constitution permet l’usage de l’Anglais pour des communications officielles.

-          L’article 345 stipule la reconnaissance constitutionnelle aux « langues officielles » de l’union : toute langue adoptée par la législation d’un Etat est reconnue langue officielle de l’Etat.

 

Les langues indiennes appartiennent à 4 familles (les 2 premières étant les plus importantes : 98%) :

-          Indo-européenne** (les 54 langues de ce groupe sont surtout parlées dans les régions Nord et Centre à 75% de la population indienne les parlent),

-          Dravidienne (les 20 langues de ce groupe sont surtout parlées dans le Sud à 23% de la population indienne les parlent : tamoul dans le Tamil Nadu, kannada dans le Karnataka, telugu dans l’Andrah Pradesh, malayalam dans le Kerala),

-          Mon-Khmer ou austrio-asiatique (les 20 langues de ce groupe sont surtout parlées dans les régions Est),

-          Sino-tibétaine ou tibéto-birmane (les 98 langues de ce groupe sont surtout parlées dans les régions himalayennes, au Nord).


Population selon la langue parlée (en 2000) : hindi 337 millions, bengali 69 millions, telugu 66 millions, marathi 16 millions, tamoul 53 millions, urdu 43 millions, gujarâtî 40 millions, kannada 32 millions, malayalam 30 millions, oriya 30 millions, punjabi 23 millions, assamais 13 millions et sindhi 2 millions.

 

Une petite histoire du sanscrit (extrait de :  Une histoire de l'écriture et de la littérature sanscrites_Michel Angot_Avril 2002.pdf)

 

Le sanskrit : une langue raffinée qui n'a jamais été une langue d'usage

Le nom du sanskrit, contrairement à ceux des autres langues, n'est en rien lié à un peuple ou un État déterminés. Le persan, l'anglais, le français, furent d'abord le nom de la langue régionale parlée par un certain peuple avant de devenir, de gré ou de force, les langues parlées dans un certain État et même d'être exportées selon des modalités diverses dans quelques parties du monde. Or il n'y a jamais eu un « peuple sanskrit » ni un « État sanskrit », ni un État ayant porté un autre nom mais où le sanskrit aurait été la langue nationale ou la langue prépondérante. Quand ce mot fut employé en l'appliquant à cette langue, le « sanskrit » avait déjà un long passé anonyme : le terme est ignoré du Veda et même des fondateurs de la grammaire. Et, quand elle fut adoptée, cette épithète signifiait seulement que la langue en question était soumise, plus rigoureusement que d'autres, aux lois de la grammaire. Samskritam dont nous avons fait « sanskrit », ou « sanscrit » selon certains dictionnaires, signifie en effet « raffiné, achevé » et ce raffinement était fonction de la manière dont ses utilisateurs brahmanes se représentaient cette langue. Il faut attendre l'époque contemporaine pour qu'un certain nationalisme indien imagine le sanskrit comme langue nationale de l'Inde. Ce trait doit être souligné car il constitue un caractère essentiel du sanskrit et explique une partie de sa spécificité : le sanskrit n'a jamais été soumis aux pressions de l'usage comme le furent et le sont le français ou l'allemand.

 

Une langue fixe, pérenne et sacrée au seul usage des brahmanes

Il faut nécessairement comprendre ce que furent les brahmanes, les créateurs et principaux utilisateurs du sanskrit. Que ce soit la langue védique, alias le sanskrit « archaïque », ou la langue « classique », le sanskrit est demeuré attaché à cette infime minorité de la population. Le sanskrit, tant védique que classique, fut d'abord la langue des brahmanes, ces êtres qui, dans la hiérarchie des créatures, jouissent d'un statut supérieur, les seuls qui soient réputés être pleinement des hommes.

Qu'est-ce qui à l'époque – rappelons que nous ne sommes ni en train de décrire la société indienne d'aujourd'hui ni la façon dont le sanskrit est considéré de nos jours – assurait aux brahmanes leur supériorité sans cesse affirmée dans les textes ? Ce n'est pas leur fonction religieuse d'officiants, de « prêtres » dirait-on, car ils n'ont pas le monopole de cette fonction et, à la différence de nos prêtres, ils sont choisis par ceux qui les emploient et les payent. D'ailleurs ils ne sont officiants que pendant la durée de la cérémonie. Ils n'ont pas non plus, loin s'en faut, le monopole du religieux, une dimension qui est diffuse dans tout le corps social. Les brahmanes n'ont pas accès par statut aux pouvoirs politique ou économique. Ils ne sont pas comparables aux scribes de l'Égypte antique : le sanskrit n'est écrit que tardivement et plutôt contre la volonté des brahmanes pour qui toujours la connaissance est parole et qui réservent les grises nuances du monde à la noirceur de l'écrit. Les brahmanes ne forment pas non plus, comme les mandarins de l'Empire chinois, un corps d'administrateurs au service de l'État. Ces deux fonctions, scribes et administrateurs, étaient réservées à une caste spécifique dont le statut fut toujours inférieur à celui des brahmanes même si certains de ces derniers pouvaient participer, à titre de conseillers, à l'exercice du pouvoir.

Non ! Ce qui assurait leur prééminence c'était le privilège qu'ils avaient d'énoncer en sanskrit, de transmettre par la voix et de garder en mémoire les normes du monde et des hommes ; ils étaient en position d'énoncer des normes pures, de dire le vrai c'est-à-dire ce qui, condamné à ne pas exister, devait être mis à l'abri pour demeurer à jamais la source du réel changeant. Cette distance entre le vrai qu'ils énoncent et le réel qu'ils inspirent caractérise les brahmanes pour le principal et donne sa saveur à la langue sanskrite qu'ils utilisent à cette fin. C'est ainsi qu'on peut expliquer les trois caractères majeurs de la langue des brahmanes : comme les normes sont fixes, appartiennent à tous les temps et doivent se tenir à distance de l'histoire, la langue qui les énonce se doit d'être fixe, pérenne et sacrée. Adoptant la vieille langue védique archaïque, les brahmanes l'ont adaptée à leurs besoins spirituels et intellectuels et ont ainsi créé le sanskrit qu'ils ont fixé, pérennisé et sacralisé. Il fallait bien que cette position des brahmanes soit fondamentalement acceptée par tous ou par une majorité et, même si elle a été discutée par certains, les bouddhistes notamment, les opposants ont eux-mêmes constitué une classe d'érudits qui a finalement adopté le sanskrit pour discuter avec les brahmanes ; souvent ces érudits étaient d'origine brahmanique.

 

Début d'un lent déclin

Vers le 10ème siècle, commence un lent déclin : une nouvelle religion s'installe brutalement dans la plaine indo-gangétique et avec elle la langue de culture des nouveaux arrivants : le persan, une langue cousine du sanskrit mais modernisée et pénétrée d'influences arabes ; le persan est demeuré la langue officielle de « l'empire des Indes » jusqu'en 1947 et continue à jouir d'un grand prestige, même en Inde indépendante. Dorénavant, les sultans musulmans – parfois des convertis – sont au pouvoir. En 1565, le dernier grand Empire hindou disparaît. Tout cela a évidemment un impact important sur le sanskrit. Notamment, même si les brahmanes n'ont pas été totalement écartés des cercles du pouvoir, même s'ils ont appris le persan et ont été associés à la gestion des différents sultanats musulmans, ils ont cessé de fait d'occuper dans la société la place qui était la leur jusque-là. Ils n'ont pas vaincu l'islam comme ils avaient vaincu le bouddhisme et en Inde même, ils ont été sur la défensive. Les circuits économiques se détournent d'eux. Or ils ne pouvaient se consacrer à l'étude des lettres sanskrites que parce que des rois hindous et vainqueurs, en leur octroyant régulièrement des terres, leur permettaient d'avoir des revenus. Dès lors que les rois hindous sont systématiquement vaincus, qui va entretenir les brahmanes ? Comment vont-ils survivre ? Cela les fait dépendre plus étroitement qu'auparavant de la générosité des fidèles, de la société civile. Par ailleurs, avec le persan, arrivent d'autres lettrés, en liaison directe avec l'espace arabo-musulman, lequel brille alors de tous ses feux. De nouveaux savoirs, de nouvelles pensées se font jour. Le quatrième millénaire de l'histoire du sanskrit est celui d'une lente décadence : confite dans sa perfection, la langue sanskrite n'est plus au service d'une pensée neuve ou novatrice ; les ouvrages oscillent entre résumés ou exposés didactiques et commentaires prodigieux d'érudition mais quelque peu vains. Même le domaine du religieux échappe peu à peu au sanskrit : les grandes œuvres sont traduites, ou plutôt adaptées dans les langues vernaculaires. Le Râmâyana sanskrit de Vâlmîki est ainsi la source principale de l'Irâmâvatâram, « L'avatâr de Râma », de Kamban (entre le IXe et le XIIe siècle), considéré comme le chef-d'œuvre de la littérature tamoule, au sud de l'Inde. De même, le Râmcaritmânas, « Le lac spirituel de la geste de Rama », écrit en hindî par le brahmane Tulsî-Dâs (1532-1623). Dans l'Inde d'aujourd'hui, quand on parle du Râmâyana, on fait référence à ceux de Kamban, de Tulsî-Dâs, ou à d'autres adaptations qui ont été parfois totalement réécrites dans les langues indiennes. Les ouvrages proprement religieux rédigés en sanskrit sont alors doublés par leurs traductions en hindî, en tamoul… aujourd'hui certains religieux ont même oublié l'original et sont tout surpris quand ils apprennent que le texte qu'ils tiennent pour l'original est en fait une traduction ou une adaptation du sanskrit.

 

Sources :

http://www.dma.ens.fr/culturemath/histoire%20des%20maths/htm/Keller06_Inde/Keller_Inde.htm

http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/une_histoire_de_la_langue_et_de_la_litterature_sanskrites_1.asp

http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/college/04-05/conferences/01-05-langage/02-demoule-renfrew/index.htm

http://www.indianlanguages.com/main/index.php

http://pagesperso-orange.fr/compilhistoire/vedisme.htm

http://www.cs.colostate.edu/~malaiya/scripts.html

http://indiansaga.com/languages/index.html

 

* Les plus anciens textes que nous connaissons de l’Inde s’appellent les Védas ; ce sont des textes sacrés. La date de fixation des Védas (qui comme la Bible ou l’Odyssée sont formés d’une succession de textes oraux d’âge divers) est sujet à débat : la fourchette pour la fixation de ces poèmes va de 5 000 avant Jésus-Christ à 1 500 avant Jésus-Christ ; en général on coupe la poire en deux et on évoque environ 2 500 avant Jésus-Christ pour marquer le début de l’ère védique, qui succède à une civilisation dont nous avons les traces archéologiques mais dont nous ne savons pas grand chose, faute d’avoir déchiffré son écriture.

Vers 500 avant J.-C. naissent de nouvelles religions en réaction au védisme, il s’agit notamment du Bouddhisme et du Jainisme. Leurs premiers textes ne seront pas en Sanskrit, mais dans des langues régionales, «vernaculaires», le pali et le prakrit. Cependant, au fur et à mesure que des écoles de logique, de grammaire et de poétique se créeront au sein de ces religions et qu’elles en viendront à débattre avec leurs collègues hindous, les savants intellectuels issus de ces traditions religieuses se mettront aussi à produire des textes en sanskrit.

 

** Depuis la fin du 18ème siècle (1813 : naissance du terme « indo-européen »), on a reconnu l'existence en Europe et ailleurs d'une « famille » linguistique, dont les origines doivent remonter jusqu'à une époque préhistorique lointaine. La plupart des langues européennes actuelles, ainsi que l'iranien et un certain nombre de langues indiennes, sont membres de cette même famille, que l'on appelle « indo-européenne », et toutes présumées descendues d'une seule langue ancestrale.

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mardi, 16 septembre 2008

Vous aussi vous parlez l'Indien!

Allez pour une fois je dis l'Indien en parlant de la langue, sachant que ça n'existe pas. Disons qu'un titre "Vous aussi vous connaissez des mots d'origine indienne" c'était trop long...

 

Il existe donc de nombreux mots d'emprunt français d'origine indienne. Ils ont été intégrés la plupart du temps lors de la colonisation anglaise et nous sont donc parvenus par cette langue. Parfois, le portugais a pu jouer le rôle de langue-vecteur intermédiaire.

Quelques exemples (entre parenthèses : date de la première attestation écrite en français) :

 

anaconda :            (1845) probablement du singhalais

ananas :                 mot identique en hindi

atoll :                      1ères formes atolon (1611), puis (1773) attôle, du maldivien

avatar :                   (1800) du sanscrit avatâra

bétel :                    1ère forme betre (1572) par le portugais, de l'hindî, vettila

bungalow :           (1829) de l'anglais bungalow par le gujarâtî bangalo, de l'hindoustanî bangla pour villa

calicot :                 (1663) de la ville de Calicut

camphre :             1ère forme canfre (1256), de l'arabe kâfûr du sanscrit

cari :                       (1602) du tamoul kari comme la forme anglaise curry

catamaran :          (1699) par l'anglais, du tamoul katta, lien et maram, bois

coolie :                   1ère forme culi (1575), d'après le nom de la caste des Kulî, autochtone du port de Thana, origine de Mumbai

châle :                    réemprunt à l'anglais schawl (1793), fixé depuis 1835, de l'hindî shâl d'origine persane.

chintz :                   (1845) par l'anglais, de l'hindî chînt

jungle :                  (1777) par l'anglais, de l'hindî jangal

madras :                (1797) nom de la ville aujourd'hui appelée Chennai

pagode                1ère forme paxode (1545) par le portugais, pagode, au sens de « idole », du tamoul pagavadam, du sanscrit, bhagavati, déesse. D'autres sources font venir le mot de dâgoba, du sanscrit dhâtugarbha décrivant un stûpa

paria :                     (1575) par le portugais, du tamoul parayan, « joueur de tambour » par confusion avec le tamoul pulliyar, « homme de la dernière caste »

patchouli :             (1826) du tamoul patch, vert et ilai, feuille

punch :                 cinq (ingrédients)

pyjama :                 1ère forme pyjaamah (1837) par l'anglais pyjamas de l'hindî pâê-jama, vêtement de jambes. Le mot désigne dans le monde indien un pantalon de coton porté par les hommes.

Shampoing :         (1877) par l'anglais, de l'hindî châmpo, masser

sucre :                   par l'italien zucchero (XIIIe siècle), par l'arabe sukkar, d'origine indienne depuis le sanscrit sarkarâ (a donné aussi le latin saccharum)

tank :                      1ère forme tanque (1617), puis de nouveau par l'anglais (1857), depuis le gujarâtî ou le marâthî, réservoir. Le mot est utilisé dans l'Inde entière pour désigner des retenues naturelles ou artificielles destinées à conserver l'eau de pluie, pour l'usage personnel ou collectif. Voir aussi bâoli.

tapioca :                 mot identique dans plusieurs langues indiennes

vétiver :                  (1827) du tamoul vettiveru

veranda

 

De nombreux mots savants décrivant des pratiques et des notions religieuses indiennes ou venues d'Inde se retrouvent dans les langues d'Europe comme bouddha, nirvana, karma, yoga, bodhisattva, etc.

 

Source : Article Mots français d'origine indienne (Wikipédia)

Many words of daily use in English are of Indian origin, including words like “shampoo,” “bangle,” “bungalow,” “jungle,” “mantra,” “pundit” and “cot.” They figure in major English-language dictionaries.

lundi, 15 septembre 2008

Kamasutra

Le soir où je rencontrais Shiv, il me demanda ce que les Français connaissaient le plus de l’Inde ? Gandhi ? Le Taj Mahal ? Et moi : « non, non, le Kamasutra ». J’avais lu le matin même que le Kamasutra était plus vendu en France qu’en Inde, et l’alcool aidant… Mais c’est mortifiée que je me suis réveillée le lendemain matin : faut être folle pour parler du Kamasutra comme ça. Déjà que les filles occidentales ont des réputations de s… ici, je me suis grillée en beauté !! Le reste de la soirée me revenant en mémoire, je me suis rassurée. Ne m’a-t-il pas dit plus tard : « Tu te souviens de mon nom ? Shiv, comme Shiva, le Dieu dans le Kamasutra » !!

 

On entend souvent (pas toujours, ni dans toutes les bouches, mais souvent) en Inde « pas de sexe avant le mariage », « un mariage arrangé dure plus longtemps qu’un mariage d’amour », « le divorce est une mauvaise chose qui vient de l’Occident », « les femmes doivent servir les hommes ». Ce qui nous donne une image de frustrés. Et pourtant, pourtant. L’auteur du Kamasutra était indien, qui a défendu la femme, l’amour dans le mariage, le divorce etc. Bon, déjà qu’aujourd’hui on ne peut que parler des « multiples visages » de l’Inde, on imagine bien que depuis 1 700 ans les mentalités ont sacrément évolué. Ce qui est quand même marrant c’est que c’est toujours un ouvrage de référence dans l’Occident ! C’est d’ailleurs un peu triste qu’aujourd’hui des types bannissent les livres d’éducation sexuelle, notamment au Gujarat et dans le Maharashtra…

 

D’abord une petite précision : contrairement aux idées reçues, le Kamasutra n’est PAS un recueil de positions sexuelles. C’est un livre sur l’art de vivre – comment trouver un partenaire, maintenir le pouvoir dans le mariage, être adultère, vivre comme ou avec une courtisane, utiliser des drogues – et aussi sur les positions sexuelles.

 

Ensuite un petit historique : Il a été écrit il y a 1 700 ans en sanscrit par Vatsyayana.

Il fait partie d’une trilogie de livres sur les sciences humaines de l’Inde ancienne (indispensable pour toute bonne éducation) :

-          Kama (désir/amour/plaisir/sexe) à Kamasutra ou Kamashashtra

-          Dharma (devoir/moralité/moi/religion) à Dharmasutra ou Dharmashashtra

-          Artha (argent/pouvoir politique/succès matériel) à Arthasutra ou Arthashashtra

 

Traditionnellement, la première transmission du Kama Sutra (« discipline de Kama ») est attribuée à Nandi, le taureau sacré de Shiva, son gardien. Tandis que les bruits de l’acte d’amour entre Shiva et sa femme Parvati lui parvenait et l’émouvait, il a décidé de les transcrire pour la postérité, au profit de l’humanité. Faut dire que leurs ébats ont de quoi faire frémir les plus intrépides !

 

Il est composé de 7 livres, qui parlent de désir, amour, timidité, rejet, séduction, manipulation. Seul le livre numéro 2 traite de sexualité proprement dite : typologie sexuelle, positions sexuelles, embrasser, mordre, gifler, sexe oral et hors du commun etc. Peut-être à cause de ses illustrations (qui n’était pas originellement dans le livre), le livre 2 a complètement évincé les 6 autres dans l’imagination populaire.

1.       Introduction

2.       De l’union sexuelle (y compris 64 genres d’actes sexuels)

3.       Comment acquérir une femme : les formes de mariage, comment trouver et gérer une femme.

4.       A propos d’une femme : code de conduite si une ou plusieurs femmes.

5.       A propos de la femme des autres : comment choisir un amant, faire de l’argent etc.

6.       A propos des courtisanes

7.       Les moyens pour attirer l’autre : comment améliorer ses atouts physiques.

 

La 1ère et plus connue traduction (du Sanskrit) du Kamasutra est due à Richard Burton – avec tout le travail de préparations de 2 thésards indiens Bhagwanlal Inderjit et Shivaram Bhide. Burton a donc davantage travaillé à la publication qu’à la traduction ; ce qui ne réduit pas son mérite vu que publier le Kamasutra pendant l’ère victorienne puritaine et prodigue en lois anti-obscénité (1883) ça relevait de l’exploit ! La version officielle a été publiée en 1962 en Angleterre et aux Etats-Unis.

 

De la femme : L’impression générale demeure que le Kamasutra est patriarcal et misogyne. Or Vatsyayana a argumenté, dans des écrits aujourd’hui disparus, contre la misogynie de textes érotiques antérieurs à son ouvrage (y coHampi119_-_Virupaksha_Temple.JPGmpris les Dharmashastras). Mais bon, faut aussi remettre dans le contexte : compte tenu de l’époque, il est normal de trouver quelques éléments de ce genre dans le Kamasutra. Globalement, le Kamasutra donne quand même une place particulière à la femme – qui a un rôle entier dans l’acte sexuel, n’est pas seulement un objet érotique mais a des émotions, s’épanouit (et d’ailleurs plus elle s’épanouit, plus grand sera le plaisir de l’homme), dont il faut prendre un soin particulier quand elle est vierge. D’ailleurs, Vatsyayana recommande que les femmes étudient le Kamasutra, même avant la puberté.

Attention, Vatsyayana n’idéalise pas les femmes, il porte juste un regard aussi cynique sur les hommes que sur les femmes, sur le plan sexuel du moins.

 

Du divorce : Alors que le livre sur le Dharma condamne violemment le divorce (« la femme doit servir son mari comme son Dieu »), Vatsyayana dit qu’une femme que son mari ne satisfait pas sexuellement a le droit de le haïr et de le quitter pour un autre. Il explique d’ailleurs bien comment une femme doit s’y prendre pour se débarrasser d’un homme (…) : «  Elle fait pour lui ce qu’il ne veut pas qu’elle fasse, et refait sans cesse ce qu’il a critiqué… Elle parle de choses dont il ne sait rien… Elle ne montre pas d’ébahissement mais seulement du mépris pour les choses qu’il connaît. Elle blesse sa fierté. Elle a des liaisons avec des hommes supérieurs à lui. Elle l’ignore. Elle critique les hommes qui ont les mêmes défauts. Et elle remet à plus tard quand ils sont tous les deux seuls. Elle est énervée par les choses qu’il fait pour elle pendant l’acte sexuel. Elle ne lui offre pas sa bouche. Elle le tient éloignée d’entre ses jambes. Elle est dégoûtée par les bruits d’ongle ou de dents quand il essaye de l’embrasser. […] Elle veut seulement dormir. Quand elle voit qu’il est épuisé, elle exige du sexe. Elle rit de lui quand il ne peut pas, et ne montre pas de plaisir quand il peut. Quand elle se rend compte qu’il est excité, même en plein jour, elle se mêle à une foule. Elle déforme exprès ce qu’il dit. Etc.» Universel!

 

De l’amour dans le mariage : Vatsyayana était d’ailleurs hyper novateur: il a introduit la notion d’amour dans le sexe. Il alla même jusqu’à dire que le but ultime du mariage est de développer l’amour dans le couple et considère ainsi le mariage d’amour (encore très rare dans la société indienne contemporaine) comme une forme proéminente de mariage.

 

Et la place de l’homosexualité ? Dans le Kamasutra, l’homosexualité n’a pas le même sens qu’aujourd’hui : un homosexuel est quelqu’un qui ne peut pas ou ne veut pas se reproduire. « Sucer son masseur » n’est donc pas considérer comme un acte homosexuel.

 

De l’influence du Kamasutra aujourd’hui :

Les Occidentaux, pourtant « highly-sexualised » ont besoin de pêcher dans la littérature indienne pour leurs ouvrages consacrés au sexe. Pourquoi ? Ben d’abord parce que ce n’est pas dans la tradition de considérer le sexe comme un moyen d’atteindre la Vérité. Pour les Judéo-chrétiens par exemple, à part le Cantique de Salomon (voir texte ci-dessous) et ses quelques passages érotiques, il n’y a rien.

Ce qui est intéressant, c’est que suivant les époques, les auteurs occidentaux n’utilisent pas les mêmes éléments du Kamasutra.

Par exemple, en 1972, Alex Comfort s’inspirait surtout des positions sexuelles dans Joy of Sex. Sans doute était-ce le plus pertinent dans les années 70, alors que l’on découvrait la liberté sexuelle en Europe et aux Etats-Unis ; la pilule venait d’arriver et les couples découvraient les joies du sexe libre.

En 2008, à l’ère des traitements hormonaux, du Viagra et des thérapies sexuelles, Susan Quillian auteur de New Joy of Sex, observe qu’il y a d’autres enseignements à pêcher dans le Kama Sutra, comme : « admettre que le sexe est un apprentissage pour tous et ne doit pas être considéré comme acquis, penser que le sexe est un moyen positif et puissant d’auto-développement et d’illumination, mettre l’accent sur la pratique méditative et la conscience de soi dans la sexualité et aussi sur l’importance du plaisir pour les femmes. Aucun autre texte n’a consacré autant de lignes aux aspects les plus fins de l’art de faire l’amour, ce qu’est vraiment faire l’amour et pas seulement le sexe. »

 

Cantique de Salomon – Ancien Testament – Chapitre 1:1-1

[L'épouse exprime ici son amour pour son époux, et l'époux son amour pour son épouse.]

1:2 Qu'il me baise des baisers de sa bouche ; car tes amours sont plus agréables que le vin.

1:3 À cause de l'odeur de tes excellents parfums, ton nom est [comme] un parfum répandu : c'est pourquoi les filles t'ont aimé.

1:4 Tire-moi, et nous courrons après toi ; lorsque le Roi m'aura introduite dans ses cabinets, nous nous égayerons et nous nous réjouirons en toi ; nous célébrerons tes amours plus que le vin ; les hommes droits t'ont aimé.

1:5 Ô filles de Jérusalem, je suis brune, mais de bonne grâce ; je suis comme les tentes de Kédar, et comme les courtines de Salomon.

1:6 Ne prenez pas garde à moi, de ce que je suis brune, car le soleil m'a regardée ; les enfants de ma mère se sont mis en colère contre moi, ils m'ont mise à garder les vignes ; et je n'ai point gardé la vigne qui était à moi.

1:7 Déclare-moi, toi qu'aime mon âme, où tu pais, et où tu fais reposer [ton troupeau] sur le midi ; car pourquoi serais-je comme une femme errante vers les parcs de tes compagnons ?

1:8 Si tu ne le sais pas, ô la plus belle d'entre les femmes ! sors après les traces du troupeau, et pais tes chevrettes près des cabanes des bergers.

1:9 Ma grande amie, je te compare au plus beau couple de chevaux que j'aie aux chariots de Pharaon.

1:10 Tes joues ont bonne grâce avec les atours, et ton cou avec les colliers.

1:11 Nous te ferons des atours d'or, avec des boutons d'argent.

1:12 Tandis que le Roi a été assis à table, mon aspic a rendu son odeur.

1:13 Mon bien-aimé est avec moi comme un sachet de myrrhe ; il passera la nuit entre mes mamelles.

1:14 Mon bien-aimé m'est comme une grappe de troëne dans les vignes d'Henguédi.

1:15 Te voilà belle, ma grande amie, te voilà belle ; tes yeux sont [comme] ceux des colombes.

1:16 Te voilà beau, mon bien-aimé ; que tu es agréable ! aussi notre couche est-elle féconde.

1:17 Les poutres de nos maisons sont de cèdre, et nos soliveaux de sapin.

Sources: Article_The Rediscovery of Kamasutra_120608.pdf; Article_TOI_Kama Sutra retold_010908.pdf