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lundi, 01 mars 2021

Pourquoi les Indiens pètent et rotent en public?

La vraie question étant plutôt : « Pourquoi ça ne dérange pas les Indiens de péter ou roter ou cracher en public. » Parce qu’on le fait tous non ? On est d’accord, plus ou moins discrètement…

Écoute donc cette fable de la série Akbar-Birbal. Une fois, Birbal, conseiller très futé de l’empereur Akbar, péta bruyamment à la cour. Pour le punir de cet acte embarrassant, selon la pratique de l’époque, Birbal a été invité à quitter la capitale, et il est parti à la campagne. Mais Akbar s’est vite langui de sa présence. Donc, après quelques mois, il a demandé à Birbal de revenir dans la capitale. Lorsque Birbal est revenu, Akbar lui a demandé ce qu’il avait fait pendant ces derniers mois. Birbal lui a dit qu’il cultivait des perles dans les champs. Surpris, Akbar lui demanda à voir sa récolte de perles. Alors Birbal l’a emmené dans ses champs, et lui dit que seule la personne qui n’a jamais pété de sa vie peut cueillir les perles des plantes, sinon elles se transformeront en eau. Akbar a demandé à toutes les personnes présentes de dire si aucune d’elle n’avait jamais pété. Silence total. Akbar réalisa son erreur et présenta ses excuses à son ami Birbal.

En plus il faut dire que les Indiens ne sont pas aidés… Si certains de leurs épices sont censées faciliter la digestion (le cumin pour digérer les lentilles, la moutarde, l'asofetida, la cardamome noire), leur nourriture est quand même souvent très grasse et leurs aliments de base fort susceptibles de provoquer des gaz : les pois – les Indiens, champions du monde du pois chiche quand même, et d’autres légumineuses – le lait, les oignons et l'ail, le blé, les pommes de terre, l'excès de piment, (épices qui stimuleraient la libération d’acide gastrique, risquant de provoquer une irritation et une fermentation dans le système digestif entraînant des ballonnements (source)). D’ailleurs, dans 1947 : Earth, un film de Deepa Mehta (1998), un musulman dit à un ami hindou : « Les hindous mangent une telle quantité de pois et de chou, ce n’est pas surprenant que vos yogis lévitent ; ils vont probablement péter jusqu’à s’élever au paradis ». (source)

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Fart corona.jpgAlors pourquoi ça ne dérange pas les Indiens et ça révulse les Occidentaux ? C’est que les Indiens sont obsédés de propreté corporelle, intérieure et extérieure, et pas question de garder quoi que ce soit d’un peu polluant à l’intérieur. Comme en France au Moyen-âge en fait, avant qu’on devienne un peu coincés… du cul (voir cette note) En plus les Indiens ne sont pas embarrassés de notre tabou scatologique. Sudhir et Katharina Kakar dans The Indians, Portrait of a People (2007)* soulignent qu’il n’existe pas dans les langues indiennes d’injures de type « merde ! » ou « trou du cul » – elles sont plutôt liées à des actes sexuels incestueux. Or les mots sont toujours très révélateurs.

Tu lèves le sourcil ? Propres, les Indiens ? Mais oui, ils sont souvent même qualifiés de « peuple très propre qui vit dans un pays sale ». Selon les Kakar : « Alors qu’en Occident, beaucoup d’efforts sont déployés pour masquer la saleté intérieure – les pets, rots etc. –, en Inde, ils visent à déplacer la saleté à l’extérieur. Nous voyons le reflet de cette prédilection psychologique dans la propreté immaculée à l’intérieur des maisons indiennes et les ordures jetées à l’extérieur dans les espaces publics. »

Il existe plusieurs manières de bien se laver à l’indienne. Commençons par la routine matinale :

  1. Boire de l’eau si possible un peu chaude (when naturally the body is more acidic in the morning this method will help alkalize your body (source) et se rappeler de toujours boire assis, ça irriguerait mieux les organes.
  1. Faire caca. L’ayurveda le recommande pour se débarrasser vite fait des toxines qui ont été flushées pendant la nuit et qui se sont accumulées dans les selles (source). Traditionnellement, il n’y a pas de toilettes dans la maison (c’est impur) et parfois pas dans le village, donc on va donc aux champs de très bonne heure pour se vider. Le corps apprend vite à être prêt en temps et en heure. Et je te garantis que c’est un traumatisme pour nombre d’Indiens s’ils ne se vident pas de bon matin, quand leur corps un peu fantasque ne voit pas trop l’utilité de se presser autant de bon matin. En fait, je pense que la constipation est l’un des pires maux indiens.
  1. Se laver le corps – beaucoup d’Indiens sont horrifiés à l’idée qu’on puisse prendre sa douche le soir et pas le matin, non seulement parce qu’on doit se purifier le matin mais aussi parce que ça apporte le mauvais œil de le faire une fois la nuit tombée. Le lavage qui doit se faire avec de l’eau non stagnante, donc de préférence avec un récipient que l’on remplit d’eau dans un seau avant de s’en asperger. Prendre un bain et mariner dans sa propre crasse horrifie plus d’un Indien.
  1. Se laver la bouche puis les dents et la langue. Pour la bouche, il faut cracher trois fois de l’eau, ce qui pemettrait d’éliminer les gaz formés pendant la nuit. Pour se laver la langue, souvent avec une espèce de raclette dédiée à cette activité. D’ailleurs la bouche se lave après chaque repas. La gorge aussi d’ailleurs, ce qui donne lieu à des borborygmes parfois impressionnants.
  1. Faire des exercices de respiration, méditation, yoga etc. pour activer l’énergie, se purifier les poumons etc.

Et puis il y a d’autres rituels :

  1. Se laver les narines en faisant passer de l’eau d’une narine à l’autre (jala neti),Ear waxing.jpg
  2. Se laver les oreilles par un procédé lors duquel un morceau de cerveau semble être également retiré – mon Indien préféré l’a fait une fois et il a senti l’air circuler entre ses deux oreilles, à l’intérieur, mais il était pas très bien après. Ma prof d’hindi mettait du coton dans les oreilles de son fils, la nuit, de peur que des insectes ne viennent s’y nicher. Les yeux peuvent être lavés aussi.
  3. S’huiler les cheveux et de la peau très régulièrement pour les « nourrir » – comme il faut garder l’huile un certain temps pour qu’elle fasse bien effet, il n’est pas rare de voir des Indiens aux cheveux très gras. Attention cependant à ne pas se mettre sous le soleil avec la tête huilée ou ne pas se la couvrir quand il fait froid.
  4. Se lavage les intestins, le foie par ingestions monumentales de ghee (beurre clarifié) lors de cures ayurvédiques.

Bref, avant d’arriver en Inde, je n’avais jamais imaginé qu’on puisse être aussi sale à l’intérieur, ni même à l’extérieur !! Pour dire vrai, j’arrive entre très mal à me sentir sale de l’intérieur et je suis bien contente de ne pas avoir à passer des heures aux toilettes en attendant le moment de la libération.

Ce qu’il faut savoir c’est qu’en Inde, la propreté est avant tout une histoire de pureté et d’impureté. « Aujourd’hui, la caste renvoie presque toujours au jaati, qui représente la caste dans toute l’immédiateté des relations sociales quotidiennes et de la spécialisation professionnelle. Le système jaati est composé de plus de 3 000 castes. L’ordre hiérarchique de ces castes n’est pas statique mais varient d’un village à l’autre et d’une région à l’autre, bien qu’il soit quasi immuable qu’une caste brahmane soit au sommet de l’ordre hiérarchique. Essentiellement, les jaati sont un groupe social dans lequel un individu donné est né. […] Le classement d’une caste se fait généralement selon les critères de pureté vs pollution. […] Il est généralement admis que la pureté et la pollution sont déterminées par le mode de vie de la caste, dans lequel son régime alimentaire (par exemple végétarien ou carnivore) et son occupation traditionnelle sont les éléments les plus importants. Les métiers qui mettent la personne en contact avec la mort ou avec des substances corporelles (le balayeur, le blanchisseur, le barbier, le tanneur, le cordonnier) sont considérés comme les plus pollués. » Les intouchables sont très impurs, ce qui renvoie l’idée, quand même particulière pour un Occidental, que toucher un autre homme peut salir.

* « Les Indiens ne font que peu de cas des éructations ou des pet en public, ou du contact direct avec des matières fécales lors du lavage de l’anus (avec la main gauche) après la défécation. En revanche, en Occident, il existe de forts tabous autour des ouvertures corporelles, autour des bruits et des odeurs qui émanent d’une telle ouverture et peuvent attirer l’attention sur l’ouverture et donc sur l’usine à saleté qui est derrière. L’idée de cracher publiquement ou d’aller aux toilettes sans la protection du papier toilette remplira un Occidental un dégoût viscéral. »

lundi, 22 février 2021

Pourquoi les Indiens mangent-ils salement?

Je m'excuse immédiatement du titre plus que racoleur que révélateur ; mais qui est néanmoins une question que j'ai vraiment vue posée.

Dans un groupe dont je fais partie, une Occidentale s’est plaint des « manières de table » de son compagnon indien qui mange très vite, pose ses coudes sur la table et n’utilise que rarement une serviette. Voici la première réaction de mon Indien préféré quand je lui en ai parlé : « manières de table ? mais quelle table ? normalement on mange par terre ! » Il m’a évidemment demandé ensuite pourquoi ne pas mettre ses coudes sur la table – nous étions en train de dîner et je te laisse deviner où étaient ses coudes…

Alors je me suis penchée sur les règles du « savoir-vivre » à la française, des bonnes manières et notamment de l’étiquette de table. Nos règles de politesse actuelles sont issues des codes de l’aristocratie de l’Ancien Régime, avec notamment le De civilitate morum puerilium d’Érasme, imprimé à Bâle en 1530 ou encore l’étiquette de Louix XIV qui codifie les différentes étapes de la journée royale et enfin Napoléon qui officialise l’Etiquette, un code de bienséance, ensemble de règles et de normes sociales. De ces efforts pour distinguer l’Homme de l’animal et distinguer un homme d’un autre homme. Résultat des courses, rien dans nos façons de manger n’est naturel. Chaque étape est régulée et ces règles, malgré leur aspect contre-nature et contraignant, sont pourtant encore pour beaucoup considérées comme « essentielles ». Si les Indiens ne s’embarrassent pas d’autant de règles puisqu’ils mangent de manière plus naturelle, ils en ont quand même quelques-unes :

 

En France

En Inde

Tiens-toi droit ! (ce n’est qu’à la fin du repas que tu as le droit de te reposer le dos sur ton dossier ; et ne te penche pas en avant mais amène la fourchette à ta bouche) – ça fait quand même plus classe que le mec avachi que se met de la sauce partout.

Pas de table, pas de chaise ! (voir cette note sur les vertus de manger par terre)

Si tu es assis par terre, en général tu te mets en tailleur et tu te tiens droit, par respect pour la nourriture.

Ne mets pas les coudes sur la table – peut-être parce qu’au Moyen-âge on était serré comme des sardines autour de la table de souper et les coudes prenaient de la place.

Pas de table, pas de coude sur la table !

Même si en milieu urbain la table tend à s'imposer, les manières restent les mêmes que quand on mange à même le sol.

Laisse tes mains visibles – histoire d’être sûr que tu ne caches rien sous la nappe, notamment une dague si tu vis au Moyen-âge.

Pas de table, pas moyen de cacher ses mains !

Ne replie pas ta serviette à la fin du repas, pose-la à gauche de ton assiette. Et essuie-toi la bouche délicatement avec ta serviette quand nécessaire.

Pas besoin de serviette ! On mange tranquillement avec ses mains et ensuite on va se laver les mains, la bouche (et le larynx) au lavabo.

Mets ta serviette sur tes genoux.

Pose les verres en haut à droite de l’assiette et aligne de la gauche vers la droite le verre pour l’eau (le plus grand), celui de vin rouge (verre moyen), et de vin blanc (le plus petit).

Le verre d’eau doit être posé du côté gauche de la personne qui mange la nourriture – parce qu’on n’utilise pas cette main et que donc elle est propre.

Ne coupe pas la salade avec ton couteau – parce qu’à l’époque, les couteaux n’étaient pas inoxydables, et le vinaigre les salissait.

Pas besoin de couverts quand on mange avec les doigts ! Voir cette note sur les vertus de manger avec les doigt.

En Inde du nord, il faut manger avec les deux premières phalanges doigts, dans le sud on s'autorise jusqu'à la paume de la main, ce qui fait bien marrer les Indiens du nord qui trouvent ça un peu dégueu quand même...

Tourne les fourchettes pointées vers la table – parce qu’alors, les armoiries étaient gravées sur le dos de la fourchette et il fallait les montrer.

Quand tu as fini, mes tes couverts parallèles entre eux et perpendiculaires au bord de la table – si tu les croises, cela indiquerait que tu n’as pas apprécié le repas.

Romps le pain à la main, n’utilise pas de couteau – ce qui remonte à des temps très très anciens quand il ne se faisait pas d’utiliser du fer dans la nourriture.

 

Le pain, sous forme de galette, sert de cuiller dans de nombreuses régions. On le coupe avec adresse de la main droite (la seule qu’on peut utiliser à table puisque la gauche est impure, elle sert à se laver les fesses) et on utilise le morceau pour attraper de la nourriture.

Ne pose pas le pain à l’envers sur la table – il y a longtemps, la boulangère séparait le pain du bourreau en le retournant et donc ça porterait malheur de manger son pain.

Non applicable, chaque famille fait son pain (en galettes) à la maison.

Sers les plats du côté gauche, et les boissons du côté droit.

Les plats sont servis sur la table et chacun se sert à l’envi. Il semble étrange de commander son propre plat et de ne pas le partager. En revanche, ne va pas te servir dans le plat de ton voisin, c’est sale. Ne croque pas non plus dans sa pomme ou sa mangue, c’est sale aussi. D’ailleurs ils maîtrisent l’art de boire sans toucher le verre ou le goulot de la bouteille. À chacun sa salive – ce qui paraît quand même plutôt une habitude saine en fait non ? De même on se sert des cacahuètes à la cuiller dans sa petite assiette plutôt que chacun y mette ses microbes. C'est le concept hindou de nourriture jhootha.

Ne souhaite pas un "Bon appétit" avant d’entamer un repas – ça fait genre il va falloir du courage pour manger ça.

Ça tombe bien, ça ne viendrait à l’idée de personne.

Ne te ressers pas de fromage – ça fait genre t’as encore faim.

NA, pas de fromage.

Mange doucement, la bouche fermée et ne parle pas la bouche pleine – tout le monde n’a pas envie de voir ce que tu as dans la bouche et on n’entend pas bien ce que tu dis si tu as la bouche pleine.

Ne parle pas en mangeant – surtout parce que tu dois te concentrer sur l’acte de manger, c’est pas le temps de la causette (d’où le fait que les Indiens ne s’éternisent pas à table ; dès que le repas est terminé, tout le monde s’en va, ça peut surprendre le Français qui a l’habitude de passer des heures à table).

Attends que la maîtresse de maison s’asseye avant de t’asseoir.

Ne t’embête donc pas avec ça, la femme servira la tablée et mangera en dernier, quand elle ne mange pas dans la cuisine.

Attends que tout le monde soit servi avant de manger.

Attends aussi que tout le monde soit servi avant de manger.

Le chef de famille ou l’aîné doit commencer à manger en premier.

Ne rote pas à table.

Ne retiens pas ce petit (ou gros) rot qui montre que ton estomac est plein et que donc tu as mangé à ta faim ! Mais n'exagère pas non plus...

Pour conclure, il existe en Inde comme partout ailleurs, divers degrés d’ « éducation » ou tout simplement d’intérêt pour les bonnes manières en général. Comme la collègue se plaint également des caisses bruyantes et malodorantes que son mari lâche en public aux États-Unis, il est possible qu’elle soit tombée sur un spécimen... (ce qui me donne une idée pour ma prochaine note, suspense…).

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vendredi, 05 février 2021

La fascinante histoire du thé indien - 5/5

Les grandes dates de l’histoire du thé en Inde

  • 1661-1800 : Popularisation du thé en Angleterre (140 ans)
  • 1820-1870 : Développement des plantations de thé en Inde (50 ans)
  • (1839-1860 : Guerres de l’opium entre l’Angleterre et la Chine)
  • 1880-1900 : Campagnes pour populariser le thé indien dans le monde (20 ans)
  • 1901-1936 : Campagne pour populariser le thé en Inde (40 ans)

À la fin de 1936, les villageois indiens étaient habitués au thé. En 1945, même les sans-abri vivant dans les rues de Calcutta buvaient du thé. Mais en 1955, la consommation par habitant en Inde n’était que d’environ 0,23 kilos, contre 4,54 livres en Grande-Bretagne. En 2016, l’Inde, avec 24% de la production mondiale était derrière la Chine (38%) et devant le Kenya (8,6%). Avec 19% de la consommation mondiale, l’Inde était derrière la Chine (38,6%). Pour autant, elle n’occuperait que la 28ème place du classement mondial de consommation par habitant, avec 0,33 kilos consommés par an.

Ma recette de thé indien (masala chai) pour 2-3 personnes :

Faire bouillir 2 tasses d’eau. Quand ça bout, ajouter les épices concassées (dans un mortier c’est plus facile sinon avec une planche à découper et un marteau) ci-dessous. Laisser frémir à feu doux 5 minutes. Ajouter 1 ou 2 tasses de lait puis du sucre (3-4 cuillers à soupe). Porter à ébullition et laisser frémir. Ajouter le thé noir non aromatisé et laisser infuser le temps qu’il vous plaît – dans le Sud on le fait beaucoup moins infuser quand dans le nord. Et voilà !

  • 3 cardamomes
  • 1 dé de gingembre frais
  • 1 bâton de cannelle (env. 3 cm)
  • 1 clou de girofle (optionnel)
  • 2 grains de poivre noir (optionnel)

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