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lundi, 23 mars 2020

Le Covid vu par une Française en Inde - 23.03

  • Nombre de cas en France : 19 856 (860 morts)
    • Jour de confinement : 6
  • Nombre de cas en Inde : 468 (9 morts)
    • Jour de confinement à Gurgaon : 1

Assez parlé de moi et de mes petites préoccupations de privilégiée. Parlons d’une population à risque : les personnes âgées, qui ne sont pas franchement à l’abri en ce moment en Inde : soit ils vivent avec leurs petits-enfants, soit ils sont dans la rue…

Inde,coronavirus,corona,virus,covid-19,épidémie,santéSais-tu qu’il y a en Inde 104 millions de personnes de plus de 60 ans, avec une quasi-parité d’hommes et de femmes (source). 15 millions vivent seuls, et 75 % de ces solitaires sont des femmes. Cela fait plus de 11 millions de femmes âgées livrées à elles-mêmes (source).

En plus, 65 % des personnes âgées vivent pauvres et sans source de revenus (source). Or personne ne s’intéresse à ces oubliés de la croissance, à ces vieux parfois abandonnés qui ne feraient qu’exceptionnellement le choix de vivre en autarcie – sauf pour les vrais et rares Indiens traditionnels qui abandonnent tout pour vivre l’étape finale du renoncement au monde, sannyasa, où l’homme, ascétique, se retire du monde.

Mais la réalité est telle que le législateur a dû intervenir en 2007 avec le Maintenance and Welfare of Parents and Senior Citizen Draft Bill. Désormais, théoriquement et légalement, les enfants et petits-enfants biologiques qui abandonnent ou maltraitent leurs « vieux » de plus de 60 ans, et ceux qui ne leur versent pas de pension alimentaire, sont passibles d’emprisonnement (3 mois maximum dans le premier cas, 1 mois dans le deuxième).

Tu hallucines ?? Sache qu’en France, le droit (article 205 et suivants du Code civil) oblige également les enfants à aider leurs parents dans le besoin ! Le montant de l’obligation alimentaire sera calculé par le tribunal selon les capacités financières des descendants et les besoins du bénéficiaire, sauf si ce dernier a manqué à ses devoirs envers sa progéniture (abandon, agressions, etc.). En revanche, contrairement au droit indien, le droit français est muet sur les violences et la maltraitance des parents par les enfants… Les Indiens auraient-ils en plus la main leste sur les anciens, à qui on doit pourtant un respect inconditionnel ?

Une étude, Recent Research on Widows in India, de Marty Chen et Jean Dreze (1995), a par ailleurs montré qu’à âge égal, le taux de mortalité des veuves est 86 % plus élevé que chez les femmes mariées – et 80 % chez les hommes. Il est donc évident que les privations sont majeures en cas de veuvage.

Dans un contexte où il n’y a ni retraite ni Sécurité sociale, où 97 % de la population vit avec moins de 300 dollars par mois (ce qui comprend les 22 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté défini en 2015 à 1,90 dollar par jour), et 14,5 % sont sous-nourris (selon le rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture de 2017 (source)), la sélection naturelle reprend parfois le dessus. Une bouche à nourrir est une bouche à nourrir ; et une bouche inutile est une bouche en trop.

Notons d’ailleurs qu’en matière de sécurité matérielle et sociale, en Inde, c’est la famille, voire le clan plus élargi, qui en fait office. L’argent qu’un membre gagne est un peu celui de tous les autres. Dans les campagnes, où les gens gagnent leur pitance au jour le jour et n’ont presque pas d’économies, c’est le village qui fait figure de banque, qui avance les roupies en cas d’urgence, pour un mariage ou un accident. Traditionnellement, les gens possèdent un réseau très dense (qui reposent sur la famille au sens large, les communautés religieuses et ethniques) et très actifs. Ils s’entraident. En espérant qu’on leur rende la pareille quand leur tour d’être dans la dèche viendra, mais surtout par obligation morale. En fin de compte, ce système est la seule forme d’assurance contre la mauvaise fortune (une perte d’emploi ou une mauvaise récolte), avec des cadeaux, des prêts et d’autres formes d’assistance en cas de coup dur. D’où l’importance de maintenir de bonnes relations avec toute la famille, les voisins, et tout le monde. Même si cette assurance informelle a ses limites, notamment quand la maladie frappe durement, car alors les coûts d’hospitalisation sont en général tellement élevés qu’on préfère laisser la famille se débrouiller, le contrat social n’étant pas assez élaboré pour gérer cette situation.  

En plus du facteur de précarité économique, il y a également les nouvelles tendances qui changent complètement la donne pour les personnes âgées : les quarantenaires d’aujourd’hui, urbains et aisés (qui ne représentent qu’une minorité numérique, mais quand même), avec une taille de foyer limitée, extrêmement mobiles (en Inde ou à l’étranger) ne sont plus sûrs du tout que leurs enfants s’occuperont d’eux, quand bien même cette tradition est millénaire. Or les structures pour accueillir les personnes âgées en Inde sont quasi inexistantes ; elles se développent depuis une dizaine d’années, mais restent l’apanage des riches.

Les recherches manquent sur le sujet, mais cette misère, si elle est tue, n’est pas cachée : ces vieux qui finissent dans les mouroirs de Varanasi, dans des ONG comme Earthsaviours, au carrefour à faire la manche, enfermés dans une chambre du foyer de leurs enfants en attendant la fin (nourris, mais déjà invisibles) sont là pour rappeler cette réalité. Dont on ne parle pas, ni les autorités, ni le grand public. Il faut dire, ça fait tache. Ça ne colle pas trop avec les valeurs proclamées de suprématie de la famille, de respect absolu de l’aînesse, de toute-puissance de la belle-mère qui, donc, parfois, finit par déchoir. Patience.

Pendant ce temps, Tina Turner chante des mantras hindous, alors que dans le monde entier, des multites de gens confinés se mettent au yoga et à la méditation :

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jeudi, 12 mars 2020

Le sikhisme pour les nuls – 6/6

Une brève histoire du sikhisme et sa diaspora

Le sikhisme a émergé avec Guru Nanak Dev en 1 500 et des poussières, s’inspirant de l’hindouisme et de l’islam tout en s’en distanciant. Forcément, ça n’a pas toujours plu, cet esprit de rebellion.

Le 5ème guru a été assassiné, sous ordre de l’empereur moghole Jahangir. En réponse à quoi, les Sikhs ont commencé à s’organiser militairement.

Le 9ème guru a également été assassiné, sous ordre de l’empereur moghole Aurangzeb (petit fils de Jahangir). Son successeur a équipé ses disciples des outils leur permettant de se distinguer et s’unir dans leur foi.

Après la mort de ce dernier guru, un certain nombre de leaders sikhs se sont militairement et politiquement illustrés, se rebellant régulièrement contre les Mogholes.

En 1845-46, les troupes de l’Empire britannique ont battu les armées sikhes, définitivement écrasées en 1849. Après quoi Britanniques et Sikhs se sont plutôt bien entendus, vu qu’au fond ils partageaient le même rejet du concept hindou fondamental de l’inégalité des hommes. D’ailleurs, cette bonne entente se reflétait dans les rangs de l’armée, pour laquelle les Anglais aimaient bien recruter des sikhs. Elle prit fin en 1919. En effet, depuis 1857, les Indiens commençaient à s’agiter contre la domination britannique partout dans le pays et notamment au Punjab. Le général Reginald Dyer fit assassiner 10 000 civils non armés qui s’étaient rassemblés – c’est le massacre d’Amritsar.

(Sais-tu que les Anglais ne contrôlaient pas toute l'Inde directement?

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Après la partition, le Punjab s’est retrouvé divisé en deux, entre le Pakistan et l’Inde. Mais qui plus est, le Punjab oriental (indien) est resté un conglomérat de principautés pendant près de 20 ans. Ce n’est qu’en 1966 que le Gouvernement a accédé à la requête des sikhs et formé le Punjab actuel, et par la même occasion Chandigarh (territoire de l’union) et l’Haryana. Selon les Punjabis, de nombreux territoires de langue punjabie (le principe de base pour créer un État en Inde) ont été « oubliés ». Les tensions ont donc continué.

Un certain leader sikh s’est fait plus véhément que d’autres et a fini par gonfler les autorités indiennes. Indira Gandhi, fille de Nehru et présidente du parti du Congress, l’a fait déloger manu militari du Golden Temple (le lieu saint des sikhs) où il s’était réfugié – c’était l’opération Blue Star. Forcément ça n’a pas plu, et pan, un des gardes du corps d’Indira, un sikh, l’a assassinée. Et là, gros capharnaüm.

C’est alors que l’émigration punjabi (et sikhe, mais pas que), qui avait commencé dès 1949, s’intensifia. Alors que le Royaume-Uni fermait ses portes aux sikhs dans les années 70, nombreux partirent au Canada, où les sikhs représentent la 2ème ethnie avec 500 000 individus, et sont deux fois plus nombreux qu’aux Etats-Unis. On estime qu’il y a cinq et quelques millions de sikhs hors d’Inde.

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Le ministre de la défense canadien, Harjit Sajjan, est sikh. Le maire de Londres, Kulveer Singh Ranger, est sikh.

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Mais la vie n’est pas toujours rose non plus…

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mercredi, 11 mars 2020

Le sikhisme pour les nuls – 5/6

Les sikhs ont-ils l’âme guerrière ?

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Même si les sikhs promeuvent la paix, ils sont également connus pour leurs compétences guerrières. C’est que vers 1600, les sikhs étaient persécutés par les Mogholes – la culmination étant l’exécution de leur 5ème gourou en 1606. De là, de ce besoin de ne pas se laisser faire et dominer par la violence des autres, serait née leur militarisation ; aujourd’hui encore, les sikhs représentent moins de 2% de la population de l’Inde mais entre 10 et 20% de ses soldats – le pourcentage doublant au niveau des officiers.

D’ailleurs, on appelle souvent les sikhs sardar, un terme qui désigne historiquement un chef de bataillon.

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Que mangent les sikhs pour être aussi grands et forts (largement au-dessus de la moyenne indienne) ?

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Dans les gurudwaras, la nourriture est strictement végétarienne. Pour autant, le choix de consommer de la viande est laissé à l’individu – du moment que la viande n’est pas halal ni kosher parce que les sikhs ne croient pas dans les rituels.

S’ils sont si grands et forts, c’est sans doute parce que leur région, le Punjab, est le grenier à grains de l’Inde (avec 70% de la production de blé), le berceau de l’agriculture et donc de l’utilisation des vaches et donc de la consommation de produits laitiers (et ils ont la main lourde sur le beurre et surtout le ghee, le beurre clarifié). Et puis le Punjab fait partie de la zone qui a reçu les envahisseurs de partout, Iraniens, Afghanistans, Grecs, laissant sans doute derrière eux quelques gènes.

La consommation d’alcool, de drogues et de tabac est en principe interdite. S'ils fument très peu, ils ne lésinent en revanche souvent pas sur la bibine. Et puis le Punjab souffre pas mal de problèmes de drogue, même si ce n'est pas exclusif aux sikhs (voir le film Udta Punjab sur le sujet).

Le bling chez les sikhs

Par ailleurs, les sikhs ont la réputation d’être de bons vivants, connus pour leur côté jovial et haut en couleurs! Ils ont d'ailleurs un style vestimentaire particulier, pour ne pas dire kitsch. Ce n'est pas pour rien qu'un film a été réalisé par Prabhu Deva en 2015, Singh is Bliing! (Attention, je ne l'ai pas vu. Les critiques sont bof mais il se laisse regarder et s'il est caricatural, n'est pas blasphématoire.) Dans la même veine, avec le même acteur (Akshay Kumar) et avec le même niveau de critiques, Anees Bazmee a réalisé Singh is Kinng en 2008.

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Avec ou sans alcool, les sikhs ont la réputation (méritée) d'aimer faire la fête. Je conclus donc ce sujet sur une vidéo qui met la banane (des sikhs dansant le bhangra, une danse populaire du Punjab):