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samedi, 25 octobre 2008

L'Inde exporte le mariage arrangé...

Attention ! Ceci n’est pas une critique du mariage arrangé. Si ça marche en Inde, tant mieux ; après tout chacun ses coutumes…

 

Et puis il est important de faire la différence entre mariage arrangé et mariage forcé. Parce qu’en fin de compte, il n’y a rien de choquant dans la notion de mariage arrangé : les deux parties sont consentantes. En revanche pour ce qui est du mariage forcé …

Et malheureusement, en Inde, « arranged marriage » ça veut plus souvent dire mariage forcé que mariage arrangé ; une sorte de métaphore en fait. Ou bien de l’hypocrisie ??

 

Mariage d’amour ou mariage arrangé. Si différent ?

Dans le cas d’un vrai « arranged marriage »,  les époux consentants acceptent de construire leur amour, ce qui fait que ce n’est pas si différent d’un « love marriage », où ils s’aiment avant (ce qui est très rare en Inde : à peine 1 ou 2% des cas).

De plus, la notion même d’amour chez les Indiens diffère assez souvent de celle des Occidentaux (qui, à mon avis, confondent souvent passion et amour et on le sait, la passion ne dure pas éternellement…).

Quelle Française ne s’est pas fait sauter dessus par un type qui déclare sa flamme au bout de 24 heures et demande le mariage au bout de 25 (le truc quasiment impossible en France – et d’ailleurs comment ose-t-il appeler ça de l’amour) ??

Hormis ce genre d’exubérances qui reflètent les sentiments enflammés du cinéma, dans la vraie vie, l’amour c’est pas pareil : en général (dans le milieu urbain) vous rencontrez quelqu’un sur votre lieu de travail. Vous discutez 2-3 fois. Vous vous entendez bien. Vous décidez de vous marier. Vous demandez aux parents. Ils acceptent. Et ça c’est un mariage d’amour. (Si les parents n’acceptent pas, terminé l’amour.)

Il y a également quelques cas d’amour passionné, avec fuite de la maison (quand les parents ont dit non). Ca finit rarement bien ; et c’est tant mieux, ça alimente le discours de ceux qui sont contre le mariage d’amour, c’est-à-dire presque tout le monde.

Après il y a les jeunes de la société moderne. Certains expérimentent l’amour, le sexe ; bref ils s’éclatent. Tout en sachant qu’un jour leurs parents viendront avec une lettre : le CV de leur époux, épouse… Et c’est normal.

 

Le mariage arrangé est donc un sujet fréquemment abordé en Inde, vu que nos points de vue divergent drastiquement. Typiquement :

-          L’Indien : Vous êtes-marié ?

-          L’Occidental : Non.

-          L’Indien : Et vous vous mariez quand ?

-          L’Occidental : Ben je sais pas. Faut déjà que je trouve la bonne personne.

-          L’Indien : … (signe de profonde perplexité)

Et L’Occidental de glisser au passage que l’idée du mariage arrangé est complètement inconcevable pour lui. Et l’Indien de conclure : « si on regarde les statistiques de divorce en Inde et en Occident, on ne peut que constater que votre système ne marche pas et le notre si (« le taux de divorce est de 7% pour les mariages arrangés et de 40% pour les mariages d’amour (au Royaume Uni) » d’après Reva Seth). Voilà.

 

Le taux de divorce en Inde est en effet l’un des plus faibles du monde, même si il augmente (http://www.divorcerate.org/divorce-rate-in-india.html). 0.74% en 1990 ; 1% en 2008. Et en ville, c’est carrément exponentiel : 12.5% avec des chiffres allant jusqu’à 40% à Mumbai. (http://www.southasianconnection.com/blogs/607/40-Divorce-Rate-In-Mumbai-India.html).

 

Explications du faible taux de divorce

Si on demande à un Indien les secrets d’un taux de divorce si faible : mariage arrangé et astrologie (cf : http://www.darndivorce.com/divorce-rates-around-the-world/) – pour chaque mariage, un astrologue regarde les thèmes astraux des deux fiancés et décide si compatibilité il y a ou pas ; si pas de compatibilité, on abandonne (sauf cas extrêmement rare, comme le couple Bachchan : ils étaient pas astrologiquement compatibles alors papa a fait sacrifier une chèvre pour régler le problème).

Ensuite, le mariage arrangé, dans le sens où les Indiens l’entendent, c’est-à-dire que les fiancés viennent de la même caste et de la même communauté, ont la même appartenance religieuse, la même éducation et des comptes en banque similaire, y a pas besoin d’être sorcier pour dire que ça marche plus facilement que des unions disons plus « différentes ».

 

Mais il y a peut-être d’autres raisons, et moins sympathiques, à ce faible taux de divorce. Pour n’en citer qu’une, la tradition de soumission de la femme à son mari ; elle est programmée pour tout accepter et de toute façon n’a pas les moyens financiers de s’en aller.

Une autre : en Inde le divorce est mal perçu (c’est un euphémisme – il conduit souvent à une exclusion de la famille voire de la société). Y en a qui disent que ce n’est pas vrai mais dans les faits, quand un Indien prononce le mot « divorcé » il y a toujours du mépris dans sa voix.

Et une troisième : le chiffre n’inclut pas le nombre de divorces officieux : séparation dans les faits mais sans s’occuper de toute la paperasserie. Et là pas de recensement !

 

En bref, les Indiens sont très fiers du peu de divorces dans leur pays. Mais de là à dire que « l’Inde exporte le mariage arrangé en Occident », pardon mais c’est n’importe quoi. Merci le Times of India ! (http://timesofindia.indiatimes.com/Arranged_love_Indias_n...) En première page : « après le yoga et les professionnels du software, l’Inde exporte l'amour arrangé… »

Si les Indiens considèrent que se marier avec le fils d’amis de parents est un "amour arrangé", alors il faudra leur dire qu’on ne les a pas attendus ! Hormis quelques histoires fabuleusement romantiques, faut bien reconnaitre que le plus souvent, on rencontre son conjoint à l’école, au travail, par le biais d’amis, par le biais de parents, et de plus en plus sur internet. Donc pas besoin de remonter aux années 1500 pour trouver des mariages pseudo-arrangés en Europe (époque, explique le journaliste, où les mariages arrangés en Occident prévalaient sur les mariages d’amour afin de sauvegarder la propriété et l’héritage (raisons économiques et culturelles primant sur l’amour)). Mais ce modèle d’ « arrangement » n’est pas chez nous exclusif de l’amour contrairement à ce qui se passe en Inde. Donc Reva Seth n’a peut-être pas complètement tort quand elle argue dans son livre « Le mariage avant tout » que « le monde développé a besoin d’une méthode différente trouver un époux à une époque d’incertitude ». Mais de là à croire que le modèle indien va être la solution… (y a un argument spécialement loufoque dans l’article : Salzman dit qu’en raison de la récession, les mariages arrangés vont se multiplier aux Etats-Unis ; explication : faire la cour coute cher et divorcer encore plus !).

 

Explication de l’augmentation du taux de divorce

L’explication la plus répandue de cette tendance est l’émancipation de la femme indienne. Alors qu’elle travaille et acquiert une indépendance financière, elle est moins obligé de subir une situation non désirée et source de souffrance. Bref comme partout ailleurs.

Quand on a beaucoup de divorces dans un pays (en tête la Suède suivie des Etats-Unis), il n’y a certes pas de quoi se vanter, mais si ça permet aux opprimé(e)s de s’en sortir, c’est peut-être une tendance positive…

jeudi, 23 octobre 2008

La tete dans les étoiles

Pendant que le reste du monde court à sa perte, l’Inde est dans la lune.

Les nouvelles économiques et boursières ont fini par blaser les journaux (de Pune) ; bien plus intéressant : Sachin bat les records de cricket et les troubles augmentent dans le Maharashtra après l’arrestation d’un abruti d’extrême-droite qui ne sait pas quoi inventer pour qu’on parle de lui… 

Et surtout, l’Inde vient d’envoyer (avec sa succès) sa première fusée (inhabitée) vers la lune. Objectifs : être reconnue comme puissance spatiale (en plus de nucléaire) et commerciale (« avec des tarifs inférieurs de 35 % à d’autres Etats, l’Inde guigne le marché des pays lanceurs de satellites commerciaux »).

 

Source : http://www.liberation.fr/monde/0101164219-l-inde-reussit-son-premier-pas-vers-la-lune

Epidémie de suicide chez les agriculteurs

Tous les jours dans les journaux, un article est consacré au suicide d’agriculteurs. Comme ces 23 agriculteurs de la région de Nagpur qui demandaient il y a quelques semaines à la Présidente de l’Inde le droit de mourir en septembre…

Et quand on y regarde de plus près, c’est franchement préoccupant…

 

 

 

Quelques chiffres:

-          L’Inde : 16% de la population mondiale sur seulement 2,4% des ressources agraires.

-          L’agriculture fait vivre les 2/3 de la population – rassemblant officiellement 57% des travailleurs ; il y a 70 millions d’agriculteurs en Inde.

-          L’épidémie de suicides s’est répandue : Punjab, Uttar Pradesh, Kerala, Karnataka mais aussi en Angleterre et au Pays de Galle.

-          Nombre de suicides en Inde (total) : entre 8 et 27 pour 100 000 (avec des statistiques qui valent ce qu’elles valent ici…).

o         Le plus : Kerala : 27 pour 100 000

o         Le moins : Manipur : 0.02% du total

-          Nombre de suicides en Inde (agriculteurs) : 10 pour 100 000.

à Le nombre d’agriculteurs qui se suicident en Inde est plus du double du nombre total de suicides commis dans la liste des 100 pays avec les plus forts taux de suicide.

-          7 000 suicides d’agriculteurs en Inde ces 3 dernières années : plus de 6 agriculteurs par jour, près de 2 200 par an.

-          A Vidarbha (Maharashtra) plus de 2 500 ces 3-4 dernières années ; 1 suicide toutes les 8 heures entre Juin et août 2006.

-          Plus de la moitié de ces hommes ont entre 20 et 45 ans.

 

Le commerce inéquitable du coton…

En Inde, le coût pour faire pousser du coton est de 16 000 roupies (270€) par hectare, soit entre 35 et 48 roupies (5 et 7€) par kilo.

A Vidarbha (Maharashtra), non seulement ce coût est de 20 000 roupies mais en plus la productivité est 3 fois moindre que la moyenne (146 kilos par hectare contre 460 en moyenne), ce qui fait un coût par kilo multiplié par deux (70 roupies par kilo).

 

Pourquoi Vidharba ?

Les profits agricoles du Maharashtra sont parmi les plus bas du pays à cause de tout un tas de problèmes : pas assez de petits projets d’irrigation, pression des constructeurs pour acheter les terres (à cause d’une urbanisation instoppable), le chômage des enfants d’agriculteurs, des pluies insuffisantes ces dernières années etc. Et la situation est encore pire dans des districts comme Vidarbha qui se concentrent essentiellement sur le coton, culture qui apparemment nécessite beaucoup d’investissements alors que le prix du coton ne cesse de diminuer.

 

Ainsi, à Vidarbha, où seulement 3% des terres cultivées pour le coton sont irriguées, 2,8 millions sur les 3,2 millions de cultivateurs de coton (soit 95%) à Vidarbha sont surendettés. Sur 100 roupies empruntées, environ 80 sont utilisées pour rembourser les intérêts d’anciens prêts. Résultat, dans le district, c’est trop risqué d’adopter de nouvelles (et couteuses) technologies. Les petits agriculteurs qui se sont endettés ne sont pas capables de faire face en cas de mauvaise récolte.

 

Une solution : utiliser les fonds du Premier Ministre destinés à remplacer les graines en se reconvertissant dans le jowar (céréale – et déjà première culture du Maharashtra), les pois et les légumes ; et promouvoir les cultures organiques. Vidarbha pourrait ainsi être déclarée la Zone de Cultures Organiques du Maharashtra.

 

Une crise agricole généralisée

Les suicides n’ont pas que lieu à Vidarbha. Le phénomène a commencé en Andhra Pradesh dans les années 90 et s’est répandu dans le reste du pays. Pourquoi les années 90 ? L’économie s’est alors libéralisée et la roupie a été dévaluée. Résultat : le prix de l’énergie a augmenté, entrainant à sa suite le coût de l’agriculture et de la vie. Dans le cadre de la « révolution verte » lancée dans les années 60 (pour que cessent les famines et que tout le monde soit nourri), l’Etat a encouragé les agriculteurs à s’endetter pour augmenter les rendements en modernisant les techniques.

En contrepartie, on leur promettait qu’ils allaient profiter de l’accès à de nouveaux marchés par le biais des exportations, promesses qui n’ont jamais été tenues. Les suicides des agriculteurs est un reflet de l’échec de la « révolution verte » en Inde. D’ailleurs, le Premier ministre indien, Dr. Manmohan Singh, vient très récemment (fin septembre2008) d’appeler à une deuxième « révolution verte » pour répondre au problème de la crise alimentaire mondiale, lors d'un discours devant l'Assemblée générale de l'ONU.

 

Mais pour finir sur une note gaie (c’est primordial), il y a aussi des initiatives positives, des success stories. Comme Hiware Bazar, ce village d’une région sujette à la sécheresse du Maharashtra qui est sorti du marasme pour devenir un modèle.

La recette : utiliser les fonds gouvernementaux pour régénérer les ressources naturelles du village (les forêts, l’eau et la terre) avec un corps villageois solide et uni.

Dans les années 70, la sécheresse fit disparaitre les arbres des collines environnantes ; la situation de sécheresse devint catastrophique : à peine 12% des terres cultivables pouvaient être utilisés. Les habitants ont commencé à partir…

En 1995, le Plan d’Emploi Garanti (Employment Guarantee Scheme (EGS)) a été mis en place dans le village ; le slogan : « travail à la demande ». Grâce à cette mesure, les villageois ont pu recevoir des fonds pour mettre en place des systèmes d’irrigation etc.

Officiellement, 40 familles ont quitté Pune et Mumbai pour retourner au village entre 1992 et 2002. Ils avaient émigré à la fin des années 70-début des années 80. Aujourd’hui, ¼ des 216 familles de Hiware Bazar sont millionnaires. A l’époque, 168 familles sur les 180 du village vivaient en-dessous du seuil de pauvreté.

Tout ça a pu fonctionner grâce à une institution fortement participative, une gram sabha (assemblée populaire  formée par l'ensemble des hommes et des femmes du village âgés de 18 ans) dynamique et Pawar, le panchayat (genre de maire) du village, à l’initiative de ce succès. Il a travaillé dès le début à la reforestation, l’irrigation, et le stockage de l’eau, avec des plans sur 5 ans. Grace à l’irrigation, les zones herbeuses ont augmenté, permettant d’accroitre le bétail (et donc la quantité de lait et donc les revenus).

 

Sources : Article_IndianJPsychiatry_Farmers' suicides_2008.pdf; Article_TOI_Farmers' suicides_170908.pdf; Article_Down to Earth_Hiware Bazar_220108.pdf; Article_UN_2ème révolution verte en Inde_260908.pdf; Article_The Hindu_Farmers' suicides_151107.pdf