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vendredi, 31 octobre 2008

La littérature pour prévenir contre le sida

Alors que l’année dernière on utilisait des films pour faire campagne contre le sida en Inde, cette année ce sont des écrits – initiative de Avahan, la Fondation Bill et Melinda Gates. AIDS Sutra est une anthologie regroupant 16 auteurs (tous récompensés, et tous Indiens, à l’exception de Dalrymple) qui écrivent (après étude sur le terrain) à propos de l’épidémie en Inde et comment les communautés à travers le pays gèrent la situation. Les histoires traitent des dynamiques socio-culturelles de notre époque. Ainsi :

 

-          Salman Rushdie écrit sur les hijras de Mumbai : « Le troisième sexe en Inde a encore besoin de notre compréhension Aids.JPGet de notre aide. »

 

-          William Dalrymple sur les devdasis (filles pré-pubères dédiées/offertes à la déesse) de Belgaum (nord du Karnataka).

 

-          Les journalistes Aman Sethi et Sonia Faleiro sur la vie des conducteurs de camion et les prostitué(e)s : Faleiro évoque également les bakchichs exigés par les policiers, de la corruption rampante. Mais elle rappelle qu’il faut aussi penser à ce que gagne un policier par mois : a peu près pareil qu’une bonne.

 

-          Vikram Seth (lui-même bisexuel et ardent défenseur des droits des homosexuels en Inde) et Siddharth Dhanwant Shangvi sur le HIV chez les riches et privilégiés : un jeune réalisateur gay qui est la star de la société mumbaite.

 

-          Gangopadhyay raconte une histoire très répandue parmi les prostitué(e)s du West Bengale : une paysanne (de basse caste), victime de harcèlement sur son lieu de travail, décide de se prostituer en se disant que c’est un moyen de gagner plus pour sa famille.

 

-          Mukul Kesavan écrit sur les hommes qui couchent avec des hommes (MSM – Men Sex with Men) à Bangalore : alors que les kathis (les « tatas ») sont reconnaissables, les panthis (les « males ») restent invisibles.

 

D’après l’article sur lequel je me base (Article_Indiatogether.com_Aids Sutra_Sept08.pdf), certaines histoires vous entrainent, d’autres n’y arrivent pas. C’est la diversité – géographique, sociale, culturelle – qui fait le succès de cette anthologie.

On dit que c’est le premier « livre de charité » indien – en tout cas le premier de cette ampleur. Depuis sa sortie en aout, déjà 6 000 exemplaires ont été vendus, ce qui est un début prometteur.

L’initiative en soi est déjà remarquable. C’est important de parler du sida, d’aider à sa reconnaissance, surtout dans des pays comme l’Inde où c’est encore un tabou, quand ce n’est pas tout simplement ignoré. Les gens atteints du sida disent souvent qu’il est très difficile de le révéler à la famille et aux amis ; alors qu’en parler est nécessaire pour le bien-être, pour supprimer la culpabilité, la honte et la stigmatisation. La peur – de la stigmatisation et du rejet – fait souffrir.

 

Avahan, la foundation des Gates créée en 2003, travaille dans le Maharashtra, l’Andrah Pradesh, le Karnataka, le Tamil Nadu, Manipur et Nagaland ; l’objectif : développer la prévention parmi les populations « à risque » comme les prostitué(e)s, les drogués, les hommes qui couchent avec des hommes, les transgendres et les conducteurs de camion.

Avahan : http://www.gatesfoundation.org/avahan/Pages/overview.aspx

 

L’année dernière, Avahan a financé le projet de films Jaago de Mira Nair, auquel ont participé des réalisateurs renommés (Vishal Bhardwaj, Santosh Sivan, Farhan Akhtar et Mira Nair – vous connaissez sans doute son Mariage des Moussons. Les films ont été diffusés sur NDTV le 1er décembre 2007. Lien : http://www.aidsjaago.com/

 

 

Livre : AIDS Sutra : histoires non-dites de l’Inde. Edité par Negar Akhavi, Random House India (395 rs i.e. environ 7€). Pour le commander en Europe (en anglais) : http://www.amazon.co.uk/Aids-Sutra-Untold-Stories-India/dp/0099526581

Photos : Salman Rushdie (auteur) avec Laxmi (photo de la foundation Bill et Mélinda Gates/Prashant Panjiar 2008)

Aids2.JPG

dimanche, 26 octobre 2008

Le concubinage légalisé

Modernes ? Pas modernes ? Les décisions prises dans le Maharashtra reflètent bien la dualité de l’Inde toute entière.

Alors par exemple l’éducation sexuelle à l’école a été interdite mais le concubinage autorisé. Le feu vert vient d’être donné pour amender la section 125 du Code Pénal relative au concubinage, mais attention, la loi est loin d’être passée ! La définition du mot « femme », « épouse » devrait être modifiée pour inclure toute femme qui vit avec un homme en concubinage depuis une « période assez longue » (la durée n’étant pas précisée !). Ceci pour protéger (notamment sur le plan financier) les intérêts des femmes qui vivent comme concubine ou avec un homme polygame ; si l’homme décide de les jeter, elles n’avaient jusqu’à ce jour aucun droit.

Si cette décision est progressiste dans ce sens, elle risque cependant d’avoir l’effet pervers de rendre la bigamie légale, ou du moins de la justifier.

 

A noter : il est interdit en Inde pour un couple non marié de passer la nuit ensemble dans un hôtel. Si descente de flics (parfois appelés par le manager même de l’hôtel ou des badauds qui vous ont vus arriver), homme et femme peuvent être arrêté pour prostitution. Inutile de préciser que dans le cas où le couple est mixte, la suspicion (et les risques liés) augmentent de façon exponentielle – notamment parce que ça sent le bakchich pour les flics… Le problème se pose notamment régulièrement à Pahar Ganj (Delhi) ou Colaba (Mumbai) pour les étrangers partageant une chambre avec un Indien – ce sont des quartiers connus pour la prostitution.

 

Source: http://timesofindia.indiatimes.com/articleshow/3575090.cms

samedi, 25 octobre 2008

L'Inde exporte le mariage arrangé...

Attention ! Ceci n’est pas une critique du mariage arrangé. Si ça marche en Inde, tant mieux ; après tout chacun ses coutumes…

 

Et puis il est important de faire la différence entre mariage arrangé et mariage forcé. Parce qu’en fin de compte, il n’y a rien de choquant dans la notion de mariage arrangé : les deux parties sont consentantes. En revanche pour ce qui est du mariage forcé …

Et malheureusement, en Inde, « arranged marriage » ça veut plus souvent dire mariage forcé que mariage arrangé ; une sorte de métaphore en fait. Ou bien de l’hypocrisie ??

 

Mariage d’amour ou mariage arrangé. Si différent ?

Dans le cas d’un vrai « arranged marriage »,  les époux consentants acceptent de construire leur amour, ce qui fait que ce n’est pas si différent d’un « love marriage », où ils s’aiment avant (ce qui est très rare en Inde : à peine 1 ou 2% des cas).

De plus, la notion même d’amour chez les Indiens diffère assez souvent de celle des Occidentaux (qui, à mon avis, confondent souvent passion et amour et on le sait, la passion ne dure pas éternellement…).

Quelle Française ne s’est pas fait sauter dessus par un type qui déclare sa flamme au bout de 24 heures et demande le mariage au bout de 25 (le truc quasiment impossible en France – et d’ailleurs comment ose-t-il appeler ça de l’amour) ??

Hormis ce genre d’exubérances qui reflètent les sentiments enflammés du cinéma, dans la vraie vie, l’amour c’est pas pareil : en général (dans le milieu urbain) vous rencontrez quelqu’un sur votre lieu de travail. Vous discutez 2-3 fois. Vous vous entendez bien. Vous décidez de vous marier. Vous demandez aux parents. Ils acceptent. Et ça c’est un mariage d’amour. (Si les parents n’acceptent pas, terminé l’amour.)

Il y a également quelques cas d’amour passionné, avec fuite de la maison (quand les parents ont dit non). Ca finit rarement bien ; et c’est tant mieux, ça alimente le discours de ceux qui sont contre le mariage d’amour, c’est-à-dire presque tout le monde.

Après il y a les jeunes de la société moderne. Certains expérimentent l’amour, le sexe ; bref ils s’éclatent. Tout en sachant qu’un jour leurs parents viendront avec une lettre : le CV de leur époux, épouse… Et c’est normal.

 

Le mariage arrangé est donc un sujet fréquemment abordé en Inde, vu que nos points de vue divergent drastiquement. Typiquement :

-          L’Indien : Vous êtes-marié ?

-          L’Occidental : Non.

-          L’Indien : Et vous vous mariez quand ?

-          L’Occidental : Ben je sais pas. Faut déjà que je trouve la bonne personne.

-          L’Indien : … (signe de profonde perplexité)

Et L’Occidental de glisser au passage que l’idée du mariage arrangé est complètement inconcevable pour lui. Et l’Indien de conclure : « si on regarde les statistiques de divorce en Inde et en Occident, on ne peut que constater que votre système ne marche pas et le notre si (« le taux de divorce est de 7% pour les mariages arrangés et de 40% pour les mariages d’amour (au Royaume Uni) » d’après Reva Seth). Voilà.

 

Le taux de divorce en Inde est en effet l’un des plus faibles du monde, même si il augmente (http://www.divorcerate.org/divorce-rate-in-india.html). 0.74% en 1990 ; 1% en 2008. Et en ville, c’est carrément exponentiel : 12.5% avec des chiffres allant jusqu’à 40% à Mumbai. (http://www.southasianconnection.com/blogs/607/40-Divorce-Rate-In-Mumbai-India.html).

 

Explications du faible taux de divorce

Si on demande à un Indien les secrets d’un taux de divorce si faible : mariage arrangé et astrologie (cf : http://www.darndivorce.com/divorce-rates-around-the-world/) – pour chaque mariage, un astrologue regarde les thèmes astraux des deux fiancés et décide si compatibilité il y a ou pas ; si pas de compatibilité, on abandonne (sauf cas extrêmement rare, comme le couple Bachchan : ils étaient pas astrologiquement compatibles alors papa a fait sacrifier une chèvre pour régler le problème).

Ensuite, le mariage arrangé, dans le sens où les Indiens l’entendent, c’est-à-dire que les fiancés viennent de la même caste et de la même communauté, ont la même appartenance religieuse, la même éducation et des comptes en banque similaire, y a pas besoin d’être sorcier pour dire que ça marche plus facilement que des unions disons plus « différentes ».

 

Mais il y a peut-être d’autres raisons, et moins sympathiques, à ce faible taux de divorce. Pour n’en citer qu’une, la tradition de soumission de la femme à son mari ; elle est programmée pour tout accepter et de toute façon n’a pas les moyens financiers de s’en aller.

Une autre : en Inde le divorce est mal perçu (c’est un euphémisme – il conduit souvent à une exclusion de la famille voire de la société). Y en a qui disent que ce n’est pas vrai mais dans les faits, quand un Indien prononce le mot « divorcé » il y a toujours du mépris dans sa voix.

Et une troisième : le chiffre n’inclut pas le nombre de divorces officieux : séparation dans les faits mais sans s’occuper de toute la paperasserie. Et là pas de recensement !

 

En bref, les Indiens sont très fiers du peu de divorces dans leur pays. Mais de là à dire que « l’Inde exporte le mariage arrangé en Occident », pardon mais c’est n’importe quoi. Merci le Times of India ! (http://timesofindia.indiatimes.com/Arranged_love_Indias_n...) En première page : « après le yoga et les professionnels du software, l’Inde exporte l'amour arrangé… »

Si les Indiens considèrent que se marier avec le fils d’amis de parents est un "amour arrangé", alors il faudra leur dire qu’on ne les a pas attendus ! Hormis quelques histoires fabuleusement romantiques, faut bien reconnaitre que le plus souvent, on rencontre son conjoint à l’école, au travail, par le biais d’amis, par le biais de parents, et de plus en plus sur internet. Donc pas besoin de remonter aux années 1500 pour trouver des mariages pseudo-arrangés en Europe (époque, explique le journaliste, où les mariages arrangés en Occident prévalaient sur les mariages d’amour afin de sauvegarder la propriété et l’héritage (raisons économiques et culturelles primant sur l’amour)). Mais ce modèle d’ « arrangement » n’est pas chez nous exclusif de l’amour contrairement à ce qui se passe en Inde. Donc Reva Seth n’a peut-être pas complètement tort quand elle argue dans son livre « Le mariage avant tout » que « le monde développé a besoin d’une méthode différente trouver un époux à une époque d’incertitude ». Mais de là à croire que le modèle indien va être la solution… (y a un argument spécialement loufoque dans l’article : Salzman dit qu’en raison de la récession, les mariages arrangés vont se multiplier aux Etats-Unis ; explication : faire la cour coute cher et divorcer encore plus !).

 

Explication de l’augmentation du taux de divorce

L’explication la plus répandue de cette tendance est l’émancipation de la femme indienne. Alors qu’elle travaille et acquiert une indépendance financière, elle est moins obligé de subir une situation non désirée et source de souffrance. Bref comme partout ailleurs.

Quand on a beaucoup de divorces dans un pays (en tête la Suède suivie des Etats-Unis), il n’y a certes pas de quoi se vanter, mais si ça permet aux opprimé(e)s de s’en sortir, c’est peut-être une tendance positive…