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lundi, 30 août 2021

Le système scolaire en Inde – 5. La réputation du système scolaire en Inde et la loi de 2020

N’ayant pas moi-même étudié en Inde, je me réfère à ce que mes proches m’en disent.

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  1. Le système indien se concentre sur l’outil de mémoire – apprendre par cœur, recopier des livres etc. L’incitation à la réflexion est sommaire, voire inexistante. Il n’y a par exemple par de cours de philosophie (qu’elle soit occidentale ou orientale). J’ai lu que c’est les Anglais qui préféraient que les Indiens apprennent le latin et le grec plutôt que d’utiliser leur cerveau (source).
  1. Les professeurs ont la main lourde, en plus d’être peu ou pas formés à leur job et très régulièrement absents.
  1. Il existe une concurrence incroyable car les bonnes universités sont rares et les places très chères – on parle quand même de 740 000 écoles, 5 millions de professeurs et plus de 200 millions d’enfants entre 6 et 14 ans (les 2 tiers vivant en zone rurale). Pour entrer dans un IIT par exemple (Indian Institutes of Technology qui ont très bonne réputation), il y a 12 000 sièges par an – pour à peu près 100 fois plus d’élèves qui y prétendent. C’est probablement l’un des examens les plus durs au monde. Les étudiants indiens reçoivent une pression incroyable dès leur plus jeune âge. D'ailleurs, en période d'exams, le Premier Ministre fait passer des messages à la radio exhortant étudiants et parents à se décontracter - les médias se régalent des histoires de suicide des jeunes (source).
  1. Le système est franchement élitiste, de par son design colonial, de par la structure sociale castéiste indienne, et de par l’effet conjugué de la masse et de la pauvreté – les bons professeurs prennent d’autres jobs, mieux payés, et les places dans les bonnes écoles qui se les offrent sont chères. La plupart des établissements les mieux côtés sont des pensionnats (parfois pas mixtes), calqués sur le système britannique. Ils ont le mérite d’être en général situés dans une région où l’air est respirable. Les enfants s’y retrouvent avec ceux de leur classe sociale et y travaillent leur réseau.
  1. C’est d’ailleurs pour cela que les parents s’endettent parfois dès la maternelle pour mettre leurs enfants dans les « meilleures » écoles. Les petits n’ont pas 4 ans qu’au moment de l’inscription, les parents demandent à l’administration les taux d’admission dans les universités étrangères. Ils regardent également les réseaux d’anciens élèves et les salaires à attendre à la sortie – on faisait la même chose en France quand on allait en école de commerce, mais on regardait ça vers 18 ans, au moment de la prépa. En plus de payer des sommes faramineuses pour les écoles, les parents payent des tuteurs (tuitions ou cours particuliers). Ce type de coaching représenterait 13% des dépenses scolaires (source), et les livres 20%. (D’ailleurs, 70% des livres publiés en Inde sont des manuels scolaires contre 14% en France (source).) Mon fils ne peut quasiment pas jouer avec son voisin de 8 ans l’après-midi parce qu’il a cours (en ligne) de coding, mandarin et robotique. La mère m’a expliqué qu’il fallait commencer à préparer le CV dès maintenant…
  1. Dans ce contexte, tu penses bien que l’épanouissement personnel de l’enfant… et bien ce sera pour plus tard, quand ils seront tous en haut de la pyramide de Maslow. Les écoles IB (International Board) et les maternelles Montessori sont quand même une amorce de changement de mentalité. Attention cependant, en Inde, tellement d’écoles se mettent l’étiquette « international » et « montessori » sans en appliquer les principes (source).

En 2020, une nouvelle loi sur l’éducation a été passée. Ça montre que le Gouvernement s’intéresse au sujet, la loi précédente datant de 1986 (source) et qu’il souhaite donner plus d’importance à l’enseignement en langue locale et au sanscrit. Le système pédagogique va être coupés en blocs et il y aura plus de flexibilité pour choisir ses matières. Rien de révolutionnaire ni rien pour régler les vrais problèmes de l’éducation (salaires et formations des professeurs, manque d’infrastructures etc.).

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À suivre…

lundi, 23 août 2021

Le système scolaire indien – 4. Les baccalauréats

En Inde, l’école va du CP au bac – du Grade 1 au Grade 12 (j’avoue c’est plus simple que nos CE1, CM2 etc.) – mais les écoles commencent en fait dès la grande section de maternelle (Kindergarten ou KG), voire la classe d’avant (nursery). Avant, c’est la playschool. Jusque-là, ça va.

Ensuite, il y a les différents boards (ou baccalauréats) : indien (CBSE Central Board of Secondary Education), aussi indien (ISCE Indian School Certificate Examinations), international (IB International Board) et anglais (Cambridge ou IGCSE International General Certificate of Secondary Education). Voici les principales différences entre les boards (source) :

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Les écoles les plus populaires et les meilleures sont CBSE ; elles sont souvent prises d’assaut et il faut s’y prendre bien à l’avance. Anecdotiques mais information qui peut peser dans la balance de couples bi-nationaux, les grandes vacances sont de mi-mai à début juillet pour les boards indiens et de mi-juin à début août pour IB.

IB se développe rapidement, notamment parce que les méthodes sont plus modernes, et se détachent du fameux crédo (« par cœur, par cœur, par cœur ») du système indien. En revanche, elles coûtent souvent un rein – parce que l’affiliation en Suisse coûte cher et puis ça se veut international, donc élitiste, donc cher. Du coup, en tout cas à Gurgaon, « ville nouvelle » où les écoles poussent comme des champignons, on trouve de la place dans les écoles IB.

En réalité, il paraît que c’est surtout à partir du collège que la board importe, que les méthodes d’enseignement changent beaucoup. Mais les parents préfèrent mettre leurs enfants dans un même établissement pour toute leur scolarité (d’ailleurs les frais d’inscription ne sont pas négligeables, histoire de te faire passer l’envie de le changer d’établissement tous les 2 ans). Alors que l’Indien est traditionnellement très ancré dans sa région, la certitude d’habiter toujours au même endroit s’amenuise de plus en plus, au fur et à mesure que la mobilité professionnelle augmente.

Malgré les résultats scolaires impressionnants des enfants de notre école Montessori, de nombreux parents retiraient leurs enfants dès 5 ans, voire 4 ans, pour les mettre dans des « vraies » écoles. Ils subissent la pression des grands-parents pour qui une école de 36 écoliers n’est pas digne d’intérêt – même s’ils savent lire des romans quand leurs pairs en sont aux mots de 3 lettres. Et puis les places sont chères dans les « vraies » écoles. Dans des villes comme Delhi, où peu de nouvelles écoles ouvrent, les places peuvent être très très chères. Il faut voir le film Hindi Medium à ce sujet (voir bande annonce ci-dessous). Un père qui s’est sorti de la mouise tout seul veut mettre leur enfant dans l’école la plus prestigieuse. Il rate son entretien et décide d’aller vivre dans un bidonville pour que leur gosse bénéficie des quotas (25% des sièges) réservés aux plus démunis.

Dans les petites sections, les enfants (enfin, leurs parents) doivent remplir tout un dossier, avec lettres de motivation etc. Il y a des entretiens (un pour l’élève et un pour ceux qui l’élèvent) et ensuite un tirage au sort (mais oui). Un ami de mon fils s’est fait recaler parce que son père a voulu faire le malin en répondant « aucun » à la question « quel est le dernier livre que vous avez lu ? Au passage, nombreux sont ceux qui tentent de soudoyer l’école. Je connais quelqu’un qui avait offert plus de 200 000€ pour ses 2 enfants et qui s’est quand même fait recaler. Naïve, j’ai demandé ce que cette école offrait de si extraordinaire en termes d’éducation. Il m’a répondu que c’était pour le réseau qu’il payait, pas les cours. Quand j’ai appris que pour certaines écoles il fallait s’y prendre avant la naissance, j’ai flippé. C’est surtout vrai pour les écoles CBSE.

À suivre…

lundi, 16 août 2021

Le système scolaire indien – 3. École publique et privée

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65% des enfants indiens scolarisés vont à l’école publique (source). En zone rurale, le Gouvernement gère 80% des écoles (source). Or il ne dépense que 3% de son PIB dans l’éducation contre 6,6% en France.

Mais le niveau est faible, seulement 1 prof sur 5 a été formé pour les classes élémentaires, et je ne parle pas de leur absentéisme. En 2008, selon l’ASER, 47% des enfants en CM2 dans le système public n’avaient pas le niveau de lecture de CE1 – pour 32% dans le privé (là, un tiers n’ont même pas le niveau CP). Selon une autre source (Pratham Annual Status of Education Report 2005: Final edition), en Inde, plus des 50 millions d’écoliers ne peuvent pas lire un simple texte (sur les 238 millions d’enfants entre 6 et 14 ans). (source Pratham Annual Status of Education Report 2005: Final edition). Si on veut être positif, on peut quand même se dire que la démocratisation du smartphone va accélérer l’alphabétisation de base, puisqu’il est quand même utile de savoir lire un minimum pour s’en servir.

Pourquoi les résultats de la scolarisation sont-ils si mauvais ? Au-delà d’une absence de moyens, ce serait le concept même d’élitisme qui condamnerait les plus pauvres à rester les plus ignorants. Selon Abhijit V. Banerjee & Esther Duflo (Poor Economics, rethinking poverty and the ways to end it 2011), l’école publique, son programme et organisation, remonte à l’époque coloniale, lorsque les écoles étaient censées former une élite locale pour en faire une alliée efficace de l’État colonial. L’objectif était donc de maximiser la distance entre cette « crème de la crème » et le reste de la population. De fait, les enseignants partent toujours du principe que leur mandat reste de préparer les meilleurs étudiants aux examens difficiles qui, dans la plupart des pays en développement, servent de passerelle vers de plus hautes études. Dans ce contexte, la majorité est laissée pour compte, et n’apprend même pas les bases. (En écrivant ces lignes, je me demande si ce ne serait pas aussi un des problèmes du système français ??)

En ce qui concerne l’école privée (35% des élèves indiens scolarisés - 17% en France), il y a à manger et à boire. On l’a vu, en 2008, 32% des enfants en CM2 dans le système privé n’avaient pas le niveau de lecture de CE1, à peine 15% de mieux que dans le public. La catégorie « écoles privées » diffèrent en plus selon plusieurs critères : à qui elles appartiennent (aidées ou pas par le Gouvernement), le management (qui appartient à une minorité ou pas, religieux ou pas, dans une langue régionale ou en anglais), le niveau (primaire, secondaire etc.), l’affiliation ou les boards (voir le prochain post), et le ticket (riches ou moins ou pas riches, cette dernière catégorie se développant rapidement). (source)

Un petit paradoxe au passage : toutes les écoles en Inde doivent être à but non lucratifs, et elles opèrent en général via une organisation ou un trust. De fait, les propriétaires des écoles privées qui génèrent un max de fric ne peuvent pas le sortir. Facilement. Techniquement, ils doivent le réinvestir dans l’école – mais il y a des limites à ce que tu peux améliorer. Apparemment les écoles CBSE (voir le prochain post) ne peuvent réinvestir que dans leur filiale, tandis qu’IB peut réinvestir dans d’autres écoles de la même marque. Alors les propriétaires gèrent des business en parallèle : location du terrain de l'école, vente de matériel scolaire (meubles, électroniques), transport (des élèves), cantine etc. Mais le fait qu’il soit difficile de sortir les fonds limite l’engouement de grosses boîtes à monter des établissements scolaires. En plus, les États ont leur mot à dire dans la fixation des prix, ce qui n’arrange pas les propriétaires d’écoles. Et si la sélection ne peut plus se faire par le montant des mensualités, elle se fait par le montant des bakchichs. Et les parents ne sont même pas contre ce système. Ils veulent des camarades de leur niveau social.

  • - > 1 million d'écoles publiques (certaines dépendant du Gouvernement central et d'autres des États)
  • - 85 000 écoles privées sous contrat (aided) – en France, 97% des écoles privées sont sous contrat et c'est le Gouvernement qui paye le salaire des professeurs, sans que ces derniers soient pour autant fonctionnaires
  • - 326 000 écoles privées sans contrat (unaided) (source)
  • - Écoles privées sans contrat et non reconnues (1,7%) (source)

Les salaires des professeurs indiens dans le public sont élevés et apportent un statut recherché (même si, de manière générale, les emplois fonctionnaires séduisent de moins en moins, et que l'attrait pour les jobs IT réduit le nombre d'enseignants). Un enseignant dans le primaire public de 15 ans d'expérience gagne en moyenne 40 600 Rs par mois (480€) et son homologue dans le privé gagne entre 10 et 110% de ce salaire selon le type d'école, la localisation et la loi de l'offre et de la demande (source), mais en général beaucoup moins que dans le public. Apparemment les US ont le même type de gap (source).

À suivre…