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lundi, 22 septembre 2008

Power Flower!

Impossible de parler de Led Zeppelin et de leur chanson Kashmir sans penser aux Beatles et à leur trip indien… Car même si ça ne s’est pas si bien passé que ça là-haut, c’est sûr, les Beatles ont contribué à véhiculer une certaine image de l’Inde dans le monde occidental : flower power et company. Yeepah !

Les photos: http://www.thebeatlesinindia.com/TBII_Images/

The Beatles in Rishikesh.JPG

La chanson (Norwegian Wood, 1965, interprétée par George Harrison à la sitare):
podcast

La vidéo :

L’article: un super article, Pas babas des Beatles, de Francoise-Marie Santucci, paru le 20 avril 2007 ; source : http://voyage.liberation.fr/grandes-destinations/pas-babas-des-beatles

« Etablie sur les rives enserrées du Gange, là où le fleuve vénéré par les hindous dévale de l’Himalaya pour entamer son parcours jusqu’à Bénarès et Calcutta, la ville de Rishikesh (environ 100 000 habitants: un village, à l’échelle de l’Inde) conserve peu de traces de ce qui contribua, en Occident, à sa renommée sixties. Soit, au printemps 68, le séjour des Beatles dans l’ashram du maharishi Mahesh Yogi.
L’épisode, vaguement connu, est surtout propice aux moqueries: le yoga, la méditation transcendantale, la fumette et les babas cool (toutes ces choses mises ensemble) dessinent la plupart du temps une moue ironique sur le visage de ceux à qui l’on évoque l’affaire.
Ville sacrée, attirant depuis toujours des pèlerins hindous venus y faire des retraites spirituelles, Rishikesh s’est autoproclamée «capitale mondiale du yoga». Ce qui l’enferme dans une certaine caricature « peace & love » destinée aux touristes et exploitée, comme il se doit, par les marchands locaux. Sacs rayés en toile de jute, grandes liquettes de crépon aux couleurs éclatantes, larges pantalons en coton indigo et tongs en tout genre forment, avec les pochettes de papier à rouler, la parfaite panoplie hippie.
Il est d’ailleurs étrange de voir à quel point, à peine arrivés, nombre de jeunes Blancs, affublés de dreadlocks et d’une démarche hypernonchalante, adoptent ce déguisement aussi peu « couleur locale » que celle des Dupon(d-t) quand ils rejoignent Tintin dans Le Lotus bleu, en costume traditionnel chinois et nattes.

Ascètes à moitié nus
Début 68, les Beatles, donc, se remettent à peine de la mort de leur manager Brian Epstein. Sous l’influence de George Harrison qui, en 1966, avait rencontré le musicien indien Ravi Shankar et, de là, le gourou Mahesh Yogi, le groupe se dit qu’un séjour en Inde lui ferait le plus grand bien. Epuisés, relativement drogués, en proie à une célébrité fracassante, les Fab Four sont séduits par ce maharishi («grand maître spirituel») de 51 ans. Visage rond, barbe blanche, yeux rieurs, il leur promet, à défaut du salut de leurs âmes, un repos dépaysant.
39 ans plus tard, les centres de méditation et les hôtels pour routards pullulent dans Rishikesh. On y entend des mélopées de sitar et l’on voit, dans les jardins ouverts des ashrams, des femmes occidentales exécuter des postures de yoga sous l’œil chapardeur de singes à cul rouge.
C’est aussi une ville affairée, construite sur ces très escarpées rives du Gange. La liaison est assurée, dans le centre, par deux ponts piétonniers qu’empruntent aussi nombre de scooters, vélos et vaches – cette armada mécanique et animale créant de sacrés embouteillages, voire d’inquiétants tangages sous les filins d’acier (nausée assurée).
Dans l’une des agences de tourisme locales, l’évocation du séjour des pop stars ne suscite rien: aucune indication, zéro anecdote et pas la moindre plaquette explicative. Mais comment cette ville, qui ne fait même pas commerce de cartes postales, pourrait-elle exhiber de grands panneaux fléchés « ashram des Beatles »?

A la recherche des Beatles perdus

De frustrante au début, l’absence totale d’exposition touristique devient fascinante. La visite se transforme en jeu, la recherche, en défi. Où est-ce? Le voyageur curieux en est réduit à chercher, sur Internet, la trace de l’ashram sur des blogs de voyageurs. Celui du Mahesh Yogi, apprend-on, se trouve à « environ 2 km au sud, sur la rive droite ».
Une fois le fleuve traversé, passées les échoppes à touristes et les gargotes qui fleurent bon le graillon de beignets de légumes (la ville est strictement végétarienne et l’alcool prohibé), une petite route offre une charmante promenade sous les arbres. Les montagnes percent sous les frondaisons, le vent balaie les cheveux. Mais toujours nulle trace des Beatles.
Après avoir rebroussé chemin trois ou quatre fois, après que la route s’est transformée en mauvaise piste, longeant une laiterie et un chantier de construction, surgit un minuscule écriteau: « The last chance café, the last one before the Beatles’ ashram.» Dans ce café de «la dernière chance», on peut boire un thé épicé (8 roupies, soit moins de 20 centimes d’euro), mais les questions sur les quatre de Liverpool laissent notre interlocuteur muet.
Peu importe, c’est juste là: le long du Gange, cerné de hauts murs de pierre, protégé par une grille et un panneau « No entry » devant lequel paressent vaches, singes et sadhus (ces ascètes hindous qui vont à moitié nus), voilà l’ashram.
Un type en uniforme kaki apparaît, se présente comme le gardien – ce qui est loin d’être sûr –, et fixe l’entrée-bakchich à 50 roupies par tête (environ 1 euro). Les Beatles? « Tout en haut. » Car ça grimpe. Et c’est immense. Le chemin serpente parmi d’étranges cloches de pierre – des lieux de méditation en solo, avec de quoi dormir et cuisiner – avant d’atteindre une seconde grille, qui ouvre sur un grand bâtiment. Y est-on? Pas encore.

Bonnes vibrations
En 1968 […] environ 60 personnes séjournaient dans l’ashram – des Occidentaux venus suivre des cours pour devenir profs de méditation transcendantale – sans compter, dans leur coin, les Beatles et une quinzaine de personnes arrivées avec eux: John et Cynthia Lennon, Paul McCartney et sa copine Jane Asher, George et Pattie Harrison, Ringo Starr et sa femme Maureen Starkey, mais aussi le chanteur folk Donovan Leitch, le manager Mal Evans, Mike Love des Beach Boys, Mia Farrow et sa sœur Prudence (la chanson Dear Prudence sur l’« Album blanc » lui sera dédiée, elle qui, prostrée dans sa chambre, refusait de sortir).
Où logeaient-ils? Au bout du chemin, après avoir longé une série de petits bungalows, se dressent deux grandes constructions envahies par les herbes folles. Singes, vaches et chiens errants en ont fait leur royaume. Le silence est total, l’atmosphère étrange. On se concentre très fort pour sentir, à travers les âges, les bonnes vibrations des Fab Four. Mais rien ne vient.
Persiste cependant la majesté de ces habitations fantomatiques à l’allure gothique, qui rappellent les arabesques de Gaudí à Barcelone. On se dit que John a forcément bu un thé épicé assis sur ces marches. Mais voilà, patatras: « la plupart des constructions de 1968 n’existent plus. Et notamment les bungalows blancs, très simples, dans lesquels séjournaient les Beatles. » Les autres bâtiments, dit-il, dont ces buildings gothiques, sont postérieurs. A quoi ont-ils servi? Quand l’endroit fut-il abandonné? Sur place ou via Internet, la recherche ne mènera nulle part. L’histoire du lieu semble s’évanouir dans le néant, comme la pierre sous la jungle dévorante.

« Le rêve est fini »
Après 2 mois de repos et d’écriture (48 chansons, la plupart formant la matière de l’« Album blanc »), les Beatles quittèrent Rishikesh en ordre dispersé, plutôt fumasses. Ringo partit le premier: il ne supportait ni la nourriture, ni le climat, ni les mouches. Paul suivit peu après. John et George, les plus impliqués, levèrent le camp mi-avril 68, après une embrouille invérifiable: le maharishi aurait approché, de très près et sans ménagement, la belle Mia Farrow (sur l’« Album blanc », Sexy Sadie» serait une charge féroce contre Mahesh Yogi, « celui qui se fiche de tout le monde »).
2 ans plus tard, ayant quitté les Beatles pour Yoko Ono et une carrière solo, Lennon écrivit la chanson God, sur « Plastic Ono Band », où il égrène une longue liste de « I don’t believe » (« Je ne crois pas »): au yoga, aux Beatles, à Jésus, aux mantras, avant de conclure par: « Le rêve est fini. » Fini ou pas, Rishikesh continue de vivre, étrangement, dans l’oubli de ce printemps 68. »

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