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lundi, 02 novembre 2015

Quel est le comble pour une hijra?

Alors déjà, c’est quoi une hijra ? Ni homme ni femme ou plutôt homme et femme à la fois… Pour faire simple, le Gouvernement (qui ne les a reconnues officiellement qu’en 2014) les classifie sous le générique ‘troisième sexe’. Ca englobe donc les hermaphrodites, les eunuques, les transgenres et les travestis (même si techniquement, la majorité se fait émasculer et qu’il existe aussi des travestis qui s’habillent en femmes pour le plaisir et pas parce qu’ils sont hijras).

La tradition remonte à plusieurs milliers d’années où le genre était assez en vogue dans les cours royales. Ils avaient d’ailleurs la réputation de porter bonheur (et se pointe d’ailleurs toujours aux mariages et naissances pour quérir leur dû en échange de leurs bénédictions). Et puis les Anglais ont débarqué et découvert cette pratique ; dégoûtés, ils les ont ostracisés et ils sont souvent réduits à la mendicité et la prostitution. Et les quotas mis en place l’année dernière n’aident pas beaucoup…

Si c’est clairement pas la panacée d’être une hijra en Inde aujourd’hui, elles ont leur petit succès au feu rouge et les mendiants, jamais en peine de créativité, ont trouvé de nouveaux moyens d’exploiter cette manne et de leur faire concurrence.

C’est ainsi que je suis tombée sur des hommes déguisés en hijra – oui, des hommes qui se déguisent en hommes qui s’habillent en femmes, c’est assez fort. On les reconnaît parce que les hijras ont quand même un certain côté féminin et là c'est limite si ils ont pas de la barbe...

Mais j’ai encore mieux ! Des femmes qui se déguisent en hijra – donc des femmes qui se déguisent en hommes qui s’habillent en femmes.Et elles on les reconnaît à l'absence de pomme d'Adam. Et on sait que c'est pas juste des femmes mendiantes parce qu'elles ont le 'style' hijra et tapent dans les mains comme ces dernières...

Bref, on est tombé sur la tête !!

vendredi, 31 octobre 2008

La littérature pour prévenir contre le sida

Alors que l’année dernière on utilisait des films pour faire campagne contre le sida en Inde, cette année ce sont des écrits – initiative de Avahan, la Fondation Bill et Melinda Gates. AIDS Sutra est une anthologie regroupant 16 auteurs (tous récompensés, et tous Indiens, à l’exception de Dalrymple) qui écrivent (après étude sur le terrain) à propos de l’épidémie en Inde et comment les communautés à travers le pays gèrent la situation. Les histoires traitent des dynamiques socio-culturelles de notre époque. Ainsi :

 

-          Salman Rushdie écrit sur les hijras de Mumbai : « Le troisième sexe en Inde a encore besoin de notre compréhension Aids.JPGet de notre aide. »

 

-          William Dalrymple sur les devdasis (filles pré-pubères dédiées/offertes à la déesse) de Belgaum (nord du Karnataka).

 

-          Les journalistes Aman Sethi et Sonia Faleiro sur la vie des conducteurs de camion et les prostitué(e)s : Faleiro évoque également les bakchichs exigés par les policiers, de la corruption rampante. Mais elle rappelle qu’il faut aussi penser à ce que gagne un policier par mois : a peu près pareil qu’une bonne.

 

-          Vikram Seth (lui-même bisexuel et ardent défenseur des droits des homosexuels en Inde) et Siddharth Dhanwant Shangvi sur le HIV chez les riches et privilégiés : un jeune réalisateur gay qui est la star de la société mumbaite.

 

-          Gangopadhyay raconte une histoire très répandue parmi les prostitué(e)s du West Bengale : une paysanne (de basse caste), victime de harcèlement sur son lieu de travail, décide de se prostituer en se disant que c’est un moyen de gagner plus pour sa famille.

 

-          Mukul Kesavan écrit sur les hommes qui couchent avec des hommes (MSM – Men Sex with Men) à Bangalore : alors que les kathis (les « tatas ») sont reconnaissables, les panthis (les « males ») restent invisibles.

 

D’après l’article sur lequel je me base (Article_Indiatogether.com_Aids Sutra_Sept08.pdf), certaines histoires vous entrainent, d’autres n’y arrivent pas. C’est la diversité – géographique, sociale, culturelle – qui fait le succès de cette anthologie.

On dit que c’est le premier « livre de charité » indien – en tout cas le premier de cette ampleur. Depuis sa sortie en aout, déjà 6 000 exemplaires ont été vendus, ce qui est un début prometteur.

L’initiative en soi est déjà remarquable. C’est important de parler du sida, d’aider à sa reconnaissance, surtout dans des pays comme l’Inde où c’est encore un tabou, quand ce n’est pas tout simplement ignoré. Les gens atteints du sida disent souvent qu’il est très difficile de le révéler à la famille et aux amis ; alors qu’en parler est nécessaire pour le bien-être, pour supprimer la culpabilité, la honte et la stigmatisation. La peur – de la stigmatisation et du rejet – fait souffrir.

 

Avahan, la foundation des Gates créée en 2003, travaille dans le Maharashtra, l’Andrah Pradesh, le Karnataka, le Tamil Nadu, Manipur et Nagaland ; l’objectif : développer la prévention parmi les populations « à risque » comme les prostitué(e)s, les drogués, les hommes qui couchent avec des hommes, les transgendres et les conducteurs de camion.

Avahan : http://www.gatesfoundation.org/avahan/Pages/overview.aspx

 

L’année dernière, Avahan a financé le projet de films Jaago de Mira Nair, auquel ont participé des réalisateurs renommés (Vishal Bhardwaj, Santosh Sivan, Farhan Akhtar et Mira Nair – vous connaissez sans doute son Mariage des Moussons. Les films ont été diffusés sur NDTV le 1er décembre 2007. Lien : http://www.aidsjaago.com/

 

 

Livre : AIDS Sutra : histoires non-dites de l’Inde. Edité par Negar Akhavi, Random House India (395 rs i.e. environ 7€). Pour le commander en Europe (en anglais) : http://www.amazon.co.uk/Aids-Sutra-Untold-Stories-India/dp/0099526581

Photos : Salman Rushdie (auteur) avec Laxmi (photo de la foundation Bill et Mélinda Gates/Prashant Panjiar 2008)

Aids2.JPG

samedi, 13 septembre 2008

Une compétition d'un autre genre

Dancing Hijra.JPGDimanche, en plein festival de Ganapati, une compèt’ de danse attirait les pélerins… Mais une compèt’ pas comme les autres : les participants étaient des eunuques, des travestis et des transgendres, qui viennent de Budhwar Peth, le Pigalle de Pune. Entre deux danses elles pénétraient dans la foule pour faire un baiser à un-tel, ou tirer un peu de fric à tel autre – elles adorent se faire siffler et applaudir ! Il n’était pas rare en ce jour de fête qu’un membre du public les rejoigne pour quelques pas de danse.

Les danseuses bougeaient en rythme, aussi bien que des « item girls » de Bollywood. Ca fait 6 ans que Udaan fête Ganapati de cette manière. C’est une occasion de rassembler toutes les « filles », les éduquer sur la question sanitaire (distribution de préservatifs etc.), et leur donner un sentiment d’appartenance. Ainsi que d’éduquer le reste de la population.

Cette année, Uddan a organisé plusieurs compétitions, d’essai, de mehandi, d’estime de soi, et de danse. Fini le temps où elles restaient dans l’ombre : elles sortent du placard. Et milite pour l’abolition de la section 377 qui interdit l’homosexualité (ou plus précisément la sodomie) et la pénalise de 10 ans de prison (voire à vie).

 

Et comme tout témoignage sur le sujet est bon à prendre, voici celui de Siddhi, un des danseurs, membre du groupe Udaan (3 200 membres à Pune, 50 000 dans le Maharashtra), qui raconte son entrée dans le monde des eunuques : « à 14 ans, j’ai réalisé que j’étais différent. A 15 ans j’ai commencé à porter des saris. Heureusement, ma famille m’a bien soutenu. Même si il a été difficile de les convaincre au début, ils ont fini par réaliser que je suis un être humain et que j’ai le droit de vivre dans la dignité. » Siddhi avait un copain depuis ses 16 ans mais elle l’a forcé à se marier : « Je suis peut-être belle, je m’habille peut-être comme une femme, mais je ne pourrai jamais me substituer à une vraie femme dans sa vie. Il est maintenant marié, papa, et heureux. » Siddhi fait maintenant des études de business et ses copines l’ont acceptée comme elle est.

Mais Soni a eu moins de chance : elle a du abandonner l’école parce que ses camarades ne cessaient de se moquer d’elle. Elle a du quitter sa famille parce que si sa mère acceptait la situation, son père non ; elle leur rend visite une fois par mois. Soni est prompte à tendre sa carte de visite : elle danse souvent dans les fêtes, les mariages.

 

Ceci m’a conduite à découvrir un barbu, du nom de Thomas Beatie, et de sa femme Nancy. Deux Américains que les voisins considéraient comme un couple heureThomas Beatie.jpgux, profondément amoureux, ont décidé d’avoir un enfant après 10 ans de mariage. Thomas, un transgendre, est tombé enceinte et a donné naissance à un magnifique bébé. Peu importe que le bébé l’appelle maman ou papa, l’évènement en soi montre une révolution de la mentalité sociale, politique et légale dans des pays où les transgendres représentent une partie non négligeable de la population.

En Inde surtout, où on compte 1 million de transgendres – qu’on appelle « hijras », « khotis » et autres épithètes locales (voir les définitions ci-dessous, de mes précédents posts sur les hijras). Acceptées comme une partie de la société, on leur refuse pourtant beaucoup de droits légaux. Par exemple, les mariages entre personnes du même sexe ou entre transgendres, sont toujours illégaux. L’abolition de cette section (au moins entre adultes consentants j’espère) est en ce moment étudiée par la Haute Cour de Delhi. Mais ça ne fait pas tout. Quid du mariage? de l’héritage et de la succession? Il faut que ces lois changent, pour que les transgendres puissent avoir le droit de mettre un “T” (transgendre) à la place du « M » (masuclin) ou « F » (féminin) dans la case, dans tous les formulaires. A ce titre, j’ai rabroué Shiv quand il m’a dit, en parlant d’une hijra « it is coming ». Non mais attends, un peu de respect ! Et ben non, en Inde, leur pronom c’est « ça » et c’est pas irrespectueux. Au temps pour moi. En attentand, la réponse à ces exigences de la part du pouvoir judiciaire est mitigée. Par exemple, la Supreme Court ne décidera pas avant 5 ans si un transgendre ou « hijra » peut postuler pour un siège réservé à une femme.

Les cercles sociaux et politiques indiens ont accepté les transgendres. Kamala Jaan est devenu le 1er eunuque élu maire d’une ville indienne, Katni, dans le Madhya Pradesh, en janvier 2000. Un mois plus tard, Shabnam Mausi, un autre transgendre, défrayait la chronique en étant élue à l’Assemblée du Madhya Pradesh. Mais bon, la haute cour du Madhya Pradesh a annulé l’élection de Kamala Jaan, le verdict stipulant que les eunuques étaient des mâles et donc ne pouvait pas se présenter aux élections pour des sièges réservés aux femmes. On attend les résultats de l’appel.

 

Mmmmh. Pour ceux qui comme moi ne comprennent pas tout à l’histoire de Thomas et Nancy Beatie et se demandent: “mais pourquoi c’est lui/elle et pas elle/elle qui a eu le bébé? » D’abord parce que elle/elle a dû subir une ablation de l’utérus. Et ensuite parce que lui/lui, quand il a décidé à 24 ans de devenir un homme s’est fait retirer la poitrine mais pas l’utérus car il/elle gardait l’espoir de donner la vie un joue… 2 ans avant l’insémination artificielle Thomas a donc arrêté son traitement aux hormones et son taux de testostérone est redevenu celui d’une femme – avec une barbe et une voix grave (changements irréversibles)… Mais ça pas été simple quand même, ne serait-ce que parce que les sept premiers médecins ont refusé d’intervenir…

La vidéo  sur ce site : http://www.vsd.fr/contenu-editorial/l-actualite/les-indiscrets/417-l-homme-enceint-ca-existe

 

Définitions (Wikipédia) :

Transidentité ou transsexualisme = situation dans laquelle une personne a la conviction qu'elle est du genre sexuel opposé à celui qui lui a été assigné, à sa naissance, en fonction de l'apparence de ses organes sexuels externes. Le transsexualisme n'a aucune incidence sur l'orientation sexuelle d'un être humain.

Transgenre = terme plus global pour désigner la situation d'un individu dont l'identité sexuelle est en conflit avec celle traditionnellement attribuée aux personnes de même sexe. Mais cette utilisation du mot « transgenre » est trompeuse, car il est aussi utilisé pour désigner des personnes qui sont dans une dynamique très différente de celles des personnes transsexuelles, à savoir celle de personnes qui n'entreprennent pas (et ne veulent surtout pas entreprendre) d'opération de réattribution de sexe.

Il est donc important de distinguer les personnes dites « transsexuelles » — pour qui le fait de « restaurer » leur corps (de le mettre en conformité avec le genre auquel elles s'identifient) — des personnes « transgenres » — qui ne ressentent pas ce besoin et dont l'identité de genre est souvent beaucoup plus complexe que celle des personnes transsexuelles. 

 

Sources: TOI: Article_TOI_Dancing hijras_070908.pdf; Article_TOI_Hijras legal rights_070708.pdf