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mardi, 10 mars 2020

Le sikhisme pour les nuls – 4/6

Les signes distinctifs : pourquoi les sikhs ne se coupent pas les cheveux ? Pourquoi les sikhs portent-ils des turbans ?

Le 10ème et dernier gourou, Guru Gobind Singh, a instauré en 1699 les 5 symboles sikhs (les 5 K) :

sikhisme,sikhs,sikh,religion,turban,cheveux,guru,gourou,nanak dev,gurudwara Guru Gobind Singh fut, par auto-proclamation, le dernier gourou à forme humaine, le 11ème gourou étant le Siri Guru Granth Sahib, le Livre. Pourquoi 10 et pas 5 ou 15 gourous? Les 10 premiers se sont succédés entre 1469 et 1708, parfois avec des liens de filiation, parfois sans. Guru Gobind Singh a dû penser qu'en 240 ans, la doctrine sikhe avait atteint un niveau de perfection - c'est toujours bien de savoir dire stop, le mieux étant l'ennemi du bien, c'est connu. Ou bien il avait peur qu'un jour un usurpateur se fasse appeler gourou - il était sage, l'homme est faible et tenté par le pouvoir - d'ailleurs il trouvait la classe des collecteurs d'impôts sikhs corrompue et en ordonna la dissolution. Ou peut-être que ce gourou était doué de pré-science et savait que les Anglais, qui avaient commencé à s'installer en 1618, renverserait les vieux ennemis des sikhs, les empereurs mogholes, en 1857, et que donc les sikhs avaient moins besoin d'un gourou pour se défendre.

Quoi qu'en soient les raisons, il a laissé ses ouailles bien équipées avec: le Livre final (Adi Granth) et l'instauration d'un ordre particulier (pur) pour protéger les innoncents, le Khalsa, qui requiert:

  • Une initiation, via le baptême, appelé Amrit pahul,
  • Le respect d'un code de conduite (notamment lié à la consommation de nourriture),
  • Le respect des 4 interdictions (se couper les cheveux, manger de la viande halal, fumer et coucher hors mariage),
  • L'adoption d'un nom de famille unique (Singh pour les hommes, Kaur pour les femmes),
  • Le port des 5 articles de foi (les 5 Ks).

Les sikhs non-Khalsa (les Sahajdhari sikhs) peuvent quand même suivre les préceptes, utiliser le nom Singh ou Kaur, porter le turban, sans se faire initier. Il y a aussi pas mal de branches ou courants dans le sikhisme, ce qui ne simplifie pas les choses (voir ce site).

Pourquoi introduire ces 5 attributs et tout le toutim ? Sans doute pour renforcer le sentiment d’appartenance des sikhs khalsa – on peut également donner à chaque article un symbole comme je le fais ci-dessous mais je pense que le véritable objectif était de souder les sikhs entre eux et de leur permettre de se distinguer des autres courants religieux.

  • kanga (le peigne en bois) – symbole d’un corps et d’un esprit « propres ».
  • kaccha (longs caleçons) – symbole de chasteté et pratique à l’armée.
  • kara (le bracelet en fer) – la matière en fait un symbole religieux plus qu’un bijou et il est là pour rappeler à son porteur son lien permanent avec le guru.
  • kirpan (le poignard) – symbole de défense du bon, des faibles, de la justice. D’ailleurs, selon la loi indienne, un sikh voyageant d’un point indien à un autre point indien dans un avion de ligne indien a droit de garder son kirpan avec lui si les dimensions sont conformes.
  • kes (les poils (tous les poils : cheveux, moustaches, barbes, sourcils, poils pubiens etc.) non rasés) – Ne pas se couper les cheveux est un signe du peu d’importance accordé à la beauté physique, au profit de la beauté intérieure. Et puis les cheveux nous ont été donnés par dieu, ils portent une part de divin, les couper c’est blasphème. En réalité, cette règle est de moins en moins observée et 70% des sikhs couperaient leurs cheveux dans le Punjab, 30% à Delhi, que ce soit par manque de temps, à cause de la chaleur ou du désir de se fondre dans la masse (notamment hors d’Inde où le turban et la barbe sont souvent assimilés à l’islam).

Dans la foulée, Guru Gobind Singh a instauré le port du turban (dastaar ou pagri). Rien de tel pour se distinguer dans la foule. En plus c'est pratique, cela permet de contenir une longue chevelure et de la garder propre (dans un pays ensoleillé et poussiéreux, ça compte). D’ailleurs, techniquement, les femmes ont également le droit de le porter.

Sache que le turban n'a pas été inventé par les sikhs, loin de là. En Inde, depuis des millénaires, le turban est porté (encore une fois, ça tombe sous le sens avec le soleil qu'il fait). D'ailleurs, on se couvre la tête en arrivant dans un temple – au contraire des églises où on se découvre. On peut lire qu'en Inde, le turban était porté par les élites hindoues et musulmanes et que l'instaurer pour tous était un signe du Guru Gobind Singh de refuser l'inégalité et/ou de courber la tête devant d'autres. M'enfin tous les agriculteurs et éleveurs rajasthanis en portent un aussi. Quoi qu'il en soit, le turban, comme la kipa juive, est un excellent outil de distinction, et permet aux sikhs de se reconnaître et de s’entraider si besoin.

Quelques mots enfin sur le turban en lui-même.

  • Il existe plusieurs tailles, plusieurs styles et plusieurs couleurs. Les couleurs ne signifieraient rien en particulier, mais apparemment les hommes sikhes sont assez friands du rose.
  • Dans tous les cas, nouer le turban est une opération en soi, et à renouveler tous les matins.
  • Sous le turban, les cheveux sont d'abord rassemblés sous un patka (une espèce de bandana comme le type de droite ci-dessous), que les jeunes sikhs, petits schtroumpfs, portent comme ça, avant d'avoir le droit de porter le turban.
  • La barbe peut également être couverte, auquel cas son porteur a vraiment l'air de sortir de chez le dentiste.
  • Les sikhs à moto ont le droit de ne pas porter de casque en Inde.

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Et pour finir en beauté (ou pas), voilà à quoi ressemble un sikh en tenue maison:

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lundi, 30 décembre 2019

Pollution en Inde - 6. Traitement des déchets

Ne leur jetons pas la pierre, Pierre. Pendant des années nous avons envoyé nos ordures dans des pays comme l’Inde, y compris les bateaux à démanteler, du e-waste, des produits dangereux et du plastique à recycler. La Chine, qui a récupéré 46% des déchets plastiques mondiaux entre 1988 et 2016, a dit stop en 2017, mettant fin aux importations de ces ordures. L’Inde a suivi début 2019, en tout cas sur le papier. (voir article)

L’Inde urbaine (32% de la population) génère 62 millions de tonnes de déchets chaque année,soit 150 kgs par personne. - contre 500 kgs par Français (13,8 tonnes si on ajoute les déchets de l'industrie). Imagine quand les pauvres (70% des Indiens) auront assez d'argent pour consommer, pour se payer des couches (500 000 sur 25 millions de bébés en portent) ou des serviettes hygéniques (moins de 20% y auraient accès)... Un Indien consomme en moyenne 11 kgs de plastique par an, soit 10 fois moins qu'un Américain (109 kgs).

Moins de 60% des déchets sont collectés et environ 15% sont traités. Près de 40% du total des déchets sont organiques, 22% sont recyclables et 9% sont dangereux.

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Face à la pression croissante du public, le Gouvernement indien a émis une nouvelle réglementation sur la gestion des déchets solides en 2016.

Les décharges sont le troisième émetteur de gaz à effet de serre en Inde.

inde,pollution,plastique,recyclage,ordures,traitement des déchetsEn Inde, le tri a du mal à se mettre en place. Mais il faut savoir qu’il existe une catégorie professionnelle (les rag-pickers ou chiffonniers) qui s’occupent de le faire pour tous. On estime qu’ils sont deux millions aujourd’hui en Inde à vivre dans des décharges grâce à la collecte et à la vente de matières recyclables à partir des déchets mélangés.

Une solution parmi tant d’autres : le taux de collecte doit être amélioré pour éviter le déversement illégal et le brûlage de déchets aux coins des rues et des terrains inoccupés. Par ailleurs, le système de ségrégation à la source et de gestion décentralisée des déchets devrait être mis en place (sur le modèle de Pune et Bangalore), le Gouvernement central créant un cadre national approprié pour inciter et surveiller la mise en œuvre par les États.

https://www.epw.in/engage/article/institutional-framework-implementing-solid-waste-management-india-macro-analysis

lundi, 23 décembre 2019

Pollution en Inde - 5. Plastique

Les Indiens sont traditionnellement peu pollueurs et très recycleurs – et la vieille génération l’est encore, les personnes âgées ayant moins d’une poubelle par semaine. Mais les générations actuelles ont découvert la consommation et le plastique, et ils en raffolent.

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Et comme ils n’ont pas une attitude très citoyenne quant il s’agit de balancer des ordures – ils gardent leurs intérieurs propres mais dans les extérieurs, c’est le laisser-aller complet, « puisque tout le monde le fait » ils auraient tort de se priver. Résultat, il y a des ordures partout, et un gros paquet de plastique. Et c’est à pleurer.

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Le Gouvernement essaye bien de se mêler d’interdire le plastique à usage unique. Objectif : plus de plastique à usage unique d’ici 2022. Sauf que cet interdit national d’utilisation de plastique à usage unique, annoncé le 15 août 2019 et qui devait entrer en vigueur le 2 octobre (en mémoire à Gandhi dont c’est l’anniversaire) a été mis de côté pour l’instant. D’abord, cette interdiction n’est pas très clair (il n’y a par exemple pas vraiment proposé de définition des plastiques à usage unique) et puis surtout cette mesure est impopulaire auprès des lobbys industriels. Modi a gardé la face en expliquant qu’il préférait que le mouvement vienne de la population. Ne rigole pas, ce n’est pas impossible. Certains citoyens nettoient des plages eux-mêmes (comme Afroz Shah à Mumbai, d’autres des lacs. Voici d’ailleurs tout un tas d’initiatives individuelles dans la bataille contre le plastique: ici). Cela suffira-t-il ?

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Les tortues seraient revenues à Versova beach

Il faut quand même savoir que le Sikkim a déjà mis en place cette mesure en 1998, le Maharashtra en 2018 ; en fait 25 des 29 États indiens ont déjà interdit les sacs plastiques. Avec plus ou moins de succès. C’est-à-dire que c’est comme tout, interdire c’est bien, mais s’assurer que la loi est respectée c’est mieux. Et là, le bât blesse. En même temps, avec tellement de gens…

Certaines industries s’y plient avec bonne volonté, saisissant une opportunité marketing : la plupart des hôtels cinq étoiles sont en train de retirer leurs bouteilles plastiques au profit d’eau purifiée qu’ils embouteillent sur place (en espérant que cette eau ne soit pas infestée). J’imagine que les économies d’eau en bouteille plastique sont non négligeables, même s’il va falloir payer des gens pour embouteiller l’eau sur place.

J’ai aussi posé la question à un industriel laitier : que faire des pochons de lait ? Question difficile, car ils ont permis dans les années (révolution blanche) à ce chaque Indien ait accès au lait, de manière plus hygiénique que via la consigne. Or on ne touche pas au lait, liquide sacré s’il en est en Inde. Par exemple, les pochons de lait sont une exception à l’interdiction du plastique à usage unique dans le Maharashtra, même si les industriels laitiers sont encouragés à trouver des solutions.

Mais ce n’est pas si simple. Comment garantir des conditions d’hygiène respectables dans un pays tropical (où il fait chaud, humide et où les insectes pullulent) sans emballage ? Oui on trouve beaucoup de vrac en Inde, surtout du riz, mais il n’est plus végétarien quand tu l’achètes. Une problématique qui a certainement des solutions mais sur laquelle il faut se pencher sérieusement.