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lundi, 20 septembre 2021

L'expatriation en Inde avec Indian Therapy

Dans le monde expatrié, il y a expat et expat.

  • Il y a ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Parmi les premiers, il y a les CEO, les stagiaires, les entrepreneurs, les profs de français, ceux qui font de l’humanitaire, des artistes. Parmi les seconds, il y a ceux qui s’en accommodent bien et les autres – il est difficile en Inde de travailler avec un visa d’époux.
  • Il y a les célibataires, les gens mariés avec des compatriotes, ceux en couple avec un étranger et ceux qui sont avec un local du pays.
  • Il y a les expatriés longue durée et ceux qui viennent d’arriver.

Et tout ce petit monde ne se mélange pas, ou très peu, peut-être une fois l’an, à l’Ambassade, pour le 14 Juillet – occasion qui est en train de disparaître, réductions budgétaires obligent. Mais même quand le champagne coule à flots (façon de parler, après une dizaine de bouteilles on passe au mousseux indien pour les raisons sus-évoquées) pour la finale de la coupe du monde du football, on ne se mélange pas.

Les expats longue durée snobent ceux qui sont fraîchement débarqués. Ceux mariés à des locaux – qui sont également souvent des expats longue durée – se sentent des problématiques supérieures à ceux qui viennent en famille : ce n’est pas (que) de la femme de ménage indienne dont on se plaint mais de la belle-mère indienne…

Quand je venais de débarquer à Pune à 23 ans, j’avais été invitée à ma première soirée d’expats. Assez vite, j’avais migré du groupe des femmes d’expat, mères de famille et plus âgées que moi à celui des hommes. Juste parce que ça m'évoquait plus de choses de parler de moules de portière de voiture que de cours de piscine. Je n’avais pas remarqué certains regards assassins, comme si j’allais leur voler leurs maris… Je n’ai jamais été réinvitée. Mais je m’en moquais, j’étais libre, je voyageais, je vivais la grande aventure avec un Indien.

Depuis 2006, je suis une femme, française et employée par des entreprises étrangères pour se développer le marché indien. Depuis 2014, je suis une épouse d’Indien et maman d’un petit franco-indien. Cela me fait quelques catégories mais pas vraiment d’appartenance. Ce n’est pas grave, j’ai l’habitude.

Un mercredi matin, à Gurgaon, j’accompagnais ma voisine autrichienne d’une soixantaine d’années et pas très à l’aise en anglais à un « café expat » à Gurgaon pour qu’elle rencontre d’autres germanophones. Je remarquai un siège vide à une table ronde de dix personnes et demandai à une Française de mes connaissances si je pouvais m’asseoir. Non pas ! Elle attendait sa copine, et accessoirement sa voisine de palier, et lui gardait la place au chaud. Comme au CP quoi...

Un autre jour, je me suis invitée chez une Italienne de notre résidence. J’ai ramené ma voisine française mariée à un Indien. Elles ont chacune fait suffisamment de cookies pour nourrir tout le voisinage alors je ne me suis pas senti coupable de venir les mains vides. Grossière erreur. Ce n'était pas seulement impoli ; cela voulait aussi dire que si je n'avais pas le temps de cuisiner, je n'aurais pas le temps de les rejoindre lors de leurs activités du matin ou de l'après-midi, au son du tango. Si tu travailles, les « poufs d’expats » comme Juliette Tissot les appelle te dégagent direct. Certes, je n'irai pas déniché des merveilles dans les boutiques d'antiquité le jeudi matin… Mais on ne peut pas être copines et boire un coup de temps en temps ? Non ? Bon d’accord…

Pandémie oblige, l’Italienne a fini par devenir une amie et j’ai glissé un pied dans son monde. Un monde de mojitos, de pool-parties, de brunch du dimanche dans les hôtels 5 étoiles, de potins à n’en plus finir sur qui couche avec qui – c’est incroyable comme il s’en passe des choses dans cette micro-société de femmes désœuvrées et de maris surmenés. Mais aussi un monde où on doit passer son temps à surveiller son époux (encore que l’Inde ne soit pas le pays le plus dangereux dans ce domaine, pas comme Madagascar que l'on surnomme apparemment le "cimetière des mariages"). Et où la femme d’expat peut se perdre, notamment quand on a dû quitter la vie active pour suivre un conjoint en Inde où trouver un emploi suffisamment rémunéré pour avoir un visa n'est pas chose aisée. Alors certes, elles ont une vie dorée, des domestiques en veux-tu en voilà, du temps mais elles ont aussi, plus ou moins assumé, un sentiment de culpabilité et d'inutilité : ma pote se sent tellement inutile qu’elle s’oblige à cuisiner, « sinon je sers à quoi moi ? ».

Tout ceci est magnifiquement dépeint dans Indian Therapy de Juliette Tissot (2015). Six ans que je me promets de le lire et que je procrastine. Et pourtant quel régal ! Je l’ai lu d’une traite. Au final, quelle que soit la catégorie d’expatrié à laquelle on appartient en Inde, ce pays vous chamboule dans tout ce que vous avez de plus profond et si je n’ai pas vécu les fêtes déguisées, tellement de situations et de questionnements ont trouvé une résonnance. Ce n’est pas un roman pour comprendre l’Inde. Le ton est un peu négatif, pas très gai, sans fard – la protagoniste est une expat en dépression, même si selon elle, sur un échantillon de 25 compatriotes, elle en a compté 15 qui étaient « épanouies et heureuses ». C’est surtout le cheminement d’une expatriation – un déracinement devrais-je dire – dans un pays qui, quoi qu’on en dise, nous fait remettre en question pratiquement toutes nos idées reçues.

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J’en retiendrai par exemple ce passage. L'auteure est alors confrontée aux fêtes d'anniversaire des enfants de riches Indiens urbains, qui sont de presque répétition des mariages à venir, avec éléphants etc. et elle se rappelle les gâteaux et décorations faits main par sa mère. « Dans cette vie indienne, ou peut-être dans ma vie tout court, tout simplement, je dois faire le deuil de mon enfance à moi. Accepter de faire vivre à mes enfants une vie différente de celle que j’ai vécue et ne pas juger si elle est mieux ou moins bien. »

Des livres que des futurs/ex/expatriés en Inde pourront également apprécier :

  • Holy Cow ! de Sarah MacDonald – 2002 : Au-delà des fous rires provoqués par les gaffes de l’auteur (que tout expatrié en Inde pourrait faire), nous apprenons beaucoup sur la spiritualité indienne en suivant la quête de soi (qui dure 2 ans) d’une Australienne en Inde.
  • Fous de l’Inde – Délires d’Occidentaux et Sentiment Océanique de Régis Airault – 2002 : Face à la recrudescence des « épisodes de folie » chez les Français qui visitaient l’Inde, l’ambassade de France avait, dans les années 80, remplacé son médecin généraliste par un psychiatre.
  • Delirious Delhi de Dave Prager – 2011 : Sympathique lecture d’un expatrié à Delhi.

Plus sur mes recommandations de livres « indiens » ici : lien.

vendredi, 17 septembre 2021

Le calme avant la tempête ? … Le Covid vu par une Française en Inde 17.09

  • Nombre de cas en France : 6,9 millions (116 000 morts) / 92 millions de vaccinés (43 de double dosés)
  • Nombre de cas en Inde : 33,4 millions (444 000 morts) / 771 millions de vaccinés (188 de double dosés)

Les ex-Covidiens se portent bien ! Encore que…

Après avoir fait l’expérience de douleurs musculaires inexpliquées (comme sa mère d’ailleurs), mon Indien préféré est passé chez le coiffeur. Ce dernier a remarqué une certaine perte de cheveux et a commenté avec fatalité : « effet Covid ». Il a ensuite fait un test sanguin et s’est rué chez le cardiologue après une augmentation subite de son cholestérol. Diagnostic : « effet Covid ».

Quant à moi, après 6 semaines d’odeurs fantômes à renifler du poisson faisandé partout, j’ai commencé une rééducation qui consistait à sniffer 4 huiles essentielles 20 secondes 2 fois par jour (1 huile de fleur, 1 d’arbre, 1 de fruit et 1 d’épice). Celle de citron était plutôt désagréable et ne sentait pas du tout le citron. Il n’en fallut pas plus pour que je « l’attrape ». Tout ce qui ne sentait pas le poisson faisandé sentait désormais le citron qui pue. C’était quand même mieux. Et là, depuis 2-3 jours, j’ai l’impression que ça s’améliore franchement !

À part ça, en Inde, nous sommes très loin des agitations qui divisent la France. On se croirait rendu dans la France de Dreyfus !

L’Inde urbaine n’a pas le luxe d’hésiter – on le sait désormais, les hôpitaux ne tiennent pas le coup s’il y a trop de cas – alors ils se vaccinent à fond. C’est donc 18% des Indiens adultes qui seraient complètement vaccinés (ici ils ont opté pour la simplicité et covid positif ou pas, tout le monde se prend 2 doses.) Apparemment la production a du mal à suivre, les Indiens auraient même annoncé l’interruption de doses vers les pays pauvres non producteurs (source)  

Par ailleurs, les Indiens ont aussi ce petit côté troupeau, mouton ; ils ne sont pas tellement contestataires et feront volontiers ce que leur voisin fait, ou n’importe qui qu’ils admirent. Il y a bien un petit groupe d’irréductibles mais ils la mettent en veilleuse et se contentent de se procurer de faux certificats de vaccination. J’oublie les Indiens de zone rurale (soit 68% de la population) qui ont aussi quelques appréhensions. Il faut dire que le gouvernement leur a déjà fait des blagues, notamment avec des campagnes de stérilisation en 1961 où tu ne savais jamais si tu allais repartir avec tes couilles quand tu te faisais opérer de l’appendicite (source). Les Indiens ne font pas non plus tellement confiance aux fabricants indiens et craignent qu’il y ait de l’eau dans certains vaccins administrés – ce qui n’est pas totalement impossible. Si si, je te jure… (source)

Certains endroits continuent de demander des tests PCR, vaccin ou pas. Parce que comme me le dit un ami qui voyage en Inde en ce moment, ici, "le vaccin tu le fais pour toi (pour TE protgéger), le test PCR tu le fais pour les autres". À bon entendeur...

À part ça, c’est le creux de la vague, comme l’année dernière. Les masques tombent, les activités reprennent (même les écoles, même si à reculons (voir ce post)), on parle même de reprendre les touristes visas l’année prochaine. La grosse différence avec l’année dernière c’est qu’on garde en tête qu’une autre vague puisse venir. La saison des fêtes ayant commencé, les gens se préparent à une resurgence de cas... Sauf pour ceux qui sont officiellement entrés dans l'ère "post-Covid".

Sur ce, bon week-end !

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vendredi, 10 septembre 2021

Le système scolaire indien – 7. La rentrée 2021!

En Inde aussi c’est la rentrée scolaire ! Une rentrée échelonnée et en ligne mais une rentrée quand même ! Comme chaque année, les élèves du baccalauréats (boards) indiens (CBSE, IGSCE etc.) démarrent début juillet, ceux du baccalauréat international (IB) début août et ceux du Lycée français début septembre*.

En Inde, fermer les écoles est un exercice régulier : qu’il fasse trop chaud, trop froid, trop pollué, élections etc. (Il faut quand même préciser que les conditions sont souvent extrêmes, qu’il pleuve ou cuise.) Alors une pandémie tu imagines… C’est que dans les classes moyenne supérieure et aisée, il y a quelqu’un à domicile pour s’occuper des enfants ; c’est de bon ton que ce soit la mère, sinon il y a les grands-parents à demeure. Chez les plus pauvres, l’accès à l’école est un tout autre sujet.

Alors voilà, les écoles indiennes sont fermées en Inde depuis mars 2020… Écoles, étudiants et familles semblent avoir pris le pli depuis ces 17 longs mois. Les écoles n’en reviennent pas des économies qu’on peut faire en fonctionnant en ligne (pas d’activités, pas d’électricité, pas de nettoyage etc.), et ne souhaitent pas prendre de responsabilité : pour tout cas positif, elles devraient refermer leurs portes. Les élèves ont assez vite apprécié de ne pas se coltiner plus d’une heure de bus par jour, et d’être scotchés devant un écran plusieurs heures, qu’ils n’utilisent bien sûr pas qu’à des fins éducatives. Enfin, de nombreux parents, probablement traumatisés par la vague Covid d’avril, préfèrent attendre que les enfants soient vaccinés avant de les renvoyer en classe, même (et surtout) les plus jeunes. Voilà l’extrait d’un échange sur le chat des parents d’élève de la classe de mon fils (mon commentaire en vert) :

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Chacun semble s’être tellement habitué à la situation que lorsque certains États ont autorisé (autorisé, pas imposé) la reprise en présentielle – ils sont 8 États et Territoires de l’Union sur 36 à avoir sauté le pas le 2 août 2021 – personne ne s’est vraiment bousculé au portillon. (À ce titre, le Lycée Français de Delhi avait réussi à rouvrir à l’automne 2020, arguant auprès des autorités qu’il avait d’autres problématiques que les institutions indiennes. D’une part, leurs effectifs sont très restreints, à l’inverse des usines scolaires indiennes qui gèrent souvent des milliers d’enfants. D’autre part, le système n’est pas tenable pour des familles françaises – dans lesquelles les deux parents travaillent, ou n’ont simplement pas la disposition mentale de rester avec les enfants toute la journée.)

Malgré tout, certains établissements privés, notamment dans l’Haryana, rouvrent progressivement : d’abord le lycée, puis le collège, et enfin le primaire/maternelle. L’enseignement reste mixte : les profs sont dans les salles de classe avec une poignée d’enfants (les volontaires sont rares et autorisés seulement 2 fois par semaine car leur nombre est limité), mais également derrière leur écran pour ceux qui sont en ligne. Certaines écoles considèrent que s'il n'y a pas un nombre minimum d'élèves volontaires, elles n'ouvriront pas - la mienne notamment. D'ailleurs pour lire davantage sur MA rentrée (enfin celle de mon fiston), c'est par ici, sur le site de FemmExpat !

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