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lundi, 19 septembre 2022

Chronique d’une Parisienne qui quitte Delhi pour Goa – 1. L’annonce

Il est venu le temps

D’un grand changement,

Un nouveau déménagement…

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Notre propriétaire souhaite récupérer sa maison, notre foyer depuis six ans. Tactique d’une rare bassesse pour augmenter de manière conséquente le loyer ou réel motif personnel ? Il a accepté de prolonger le préavis de deux à neuf mois pour 15% de plus, mais il aurait pu demander encore plus au vu des prix du marché actuels.
Quoi qu’il en soit, le bien était fait ; le coup de pied au cul dont nous avions besoin pour quitter Gurgaon avait eu son effet. Une fois la machine en branle, notre transfert pourrait être expédié en huit semaines.

Nous avions déjà essayé de partir en 2020, alors que nous croyions le COVID derrière nous. Après l’enfermement, nous aspirions à des horizons plus verts, moins pollués, moins stressants… Nous avions visité Dehradun et Pune mais n’avions rien trouvé d’enthousiasmant et en avions conclu que nous étions bien chez nous ! Hormis quand les indices de pollution décollent tellement que les écoles ferment. Ou quand il fait 50 degrés et que les écoles ferment à nouveau.
Pourtant, Gurgaon n’a pas grand-chose d’aimable. Une ville en construction, pleine de poussière et de bouchons. S’il y a un plan d’aménagement de la ville, il n’est pas visible, rien ne semble cohérent. Mais si on gratte sous la surface des malls – l’activité favorite des Indiens étant d’aller y déambuler pour profiter de la clim ou y manger –, il y a les clubs d’escalade, d’équitation, de yoga aérien, de poterie, et sa population d’Indiens qui viennent ici pour le boulot, expatriés à leur manière. Mais surtout il y a la maison, un havre de paix ou une prison dorée, c’est selon. Une "erreur" de construction en tout cas : plus personne ne laisse autant d'espaces verts dans une résidence, autant de "pertes d'espace" ! Les mois de COVID et trois ans à travailler de chez moi ont rendu la séparation presque déchirante. Elle n’est pas la plus belle et elle a plein de défauts – notamment celui de laisser rentrer le froid l’hiver et de le laisser sortir l’été, les infiltrations pendant la mousson, les chasses d’eaux qui cassent sans arrêt etc. Peu importe, on pourra dire qu’on y a été bien, et qu’on en a profité !

Pour l’instant, j’arrache mes racines. Je vends des meubles qui m’ont suivie à Delhi et à Mumbai, je vide mes armoires, je fais mes aurevoirs aux copains, je prépare une fête d’adieu pour ceux de mon fils. Départ prévu le 1er 8 14 octobre ! Reste connecté pour les aventures d’un déménagement en Inde et surtout pour découvrir notre nouvelle destination.

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La vue de mon salon / bureau

lundi, 11 avril 2022

Ma belle-mère indienne et moi...

Pour le contexte de ce post, voir la note suivante : introduction.  

Une fois n’est pas coutume, je vais parler un peu de moi et de ma relation à ma belle-famille indienne. Attention, la belle-mère… sujet sensible !

J’ai épousé mon Indien préféré en 2014, et nous avons eu un enfant dans la foulée. Depuis 2019, nous vivons dans une banlieue de Delhi. Ma belle-mère vit au Kerala, dans sa terre natale, et ma belle- sœur à Goa. Nous prenons plus souvent l’avion pour aller en France qu’au Kerala, même si la distance est triple, mais il me faut « rentrer » souvent. Mon mari a moins le sentiment d’être chez lui au Kerala que moi à Paris, en partie parce qu’il a grandi dans le nord de l’Inde et qu’il n’a pas beaucoup d’attaches dans le sud.

Avant de me marier, j’avais vécu 8 ans en Inde, dont 6 avec un autre Indien. J’avais eu le temps de m’habituer au pays et de découvrir certaines facettes de sa et ses cultures. Les deux aspects les plus différents entre l’Occident (au sens large) et l’Inde (au sens large également), selon moi, relèvent des perceptions temporelle et individuelle. D’une part, armée de mon appréhension du temps linéaire, avec un début et une fin, j’ai été exposée au temps cyclique, qui s’accompagne de vécu dans le présent, sans anticipation, sans réflexion long-terme, rien n’étant jamais tout à fait fini… D’autre part, forte d’une culture de valorisation de l’individu, j’ai découvert le concept sacré de famille au sens large, qui implique le sacrifice de la personnalité dans le microcosme familial (et qui s’accompagne souvent d’une résurgence de frustrations dans le macrocosme plus général de la société) : on vit ensemble dans la famille du mari, on obéit aux aînés, on suit les règles, on perpétue les traditions, et on se défoule sur les routes.

De fait, quand j’ai signé pour entrer dans une famille indienne, voilà ce qui me terrifiait le plus : devoir sacrifier mon indépendance à… ma belle-mère. La menace était d’autant plus réelle qu’elle était veuve. Où pouvait-elle bien vivre si ce n’est chez son fils, puisqu’en Inde, il est très mal vu de laisser des parents âgés vivre seuls ? Je la voyais s’installer chez nous, me juger, m’expliquer comment élever mon fils, etc. J’en suffoquais à l’avance. Alors, quand elle a commencé à nous rendre visite, voyageant du Kerala à Mumbai, j’ai mis mon mari dans une situation très inconfortable : j’ai exigé qu’il demande à sa mère sa date de départ. Non pas que je veuille la chasser, elle était la bienvenue le temps qu’elle voulait, mais j’avais besoin de perspective. Or, en Inde, les impondérables sont tels qu’on n’aime pas prévoir et on préfère les allers simples. Surtout à la retraite. Ce n’était pas méchant de ma part, mais ce n’était pas gentil non plus. Et puis, quand approchait la date de son départ, ni mon mari ni moi ne pensions à la retenir – il est poli, en Inde, d’insister pour que les invités prolongent leur séjour, d’où l’intérêt des allers simples. Il n’y avait guère que la nounou pour lui demander de rester un peu plus, a-t-elle sobrement observé à voix haute un beau jour.

Mais avant d’en arriver là, un incident est venu compliquer notre relation avant même que celle-ci n’en soit une. Je l’ai rencontrée une fois, juste après m’être mise en couple avec mon Indien préféré. Trois mois plus tard, nous lui annoncions notre mariage et notre grossesse ! Je ne la connaissais donc que depuis 6 mois, et ne l’avait vue qu’une seule fois, quand nous avons officialisé notre union. Et ce n’était pas encore fait que ma belle-sœur a assumé son rôle traditionnel dans la famille indienne et, au nom de sa mère, m’a demandé d’appeler cette dernière « maman ». Outre le fait que je n’ai pas compris le recours à un intermédiaire empêchant (volontairement et culturellement) de se parler directement, l’idée de l’appeler « maman » m’était intolérable. J’y ai vu la preuve qu’elle voulait tout supplanter, jusqu’à ma propre mère. Cette dernière a cherché à me convaincre d’obtempérer, mon mari a proposé des versions du mot « maman » dans plusieurs langues, mais je n’ai pas pu. Je n’ai jamais pu. Certaines étrangères y arrivent. Pas moi. J’ai réussi à vivre plusieurs mois, peut-être plusieurs années, sans avoir de « mot » pour m’adresser à elle directement, l’usage du prénom et des termes « mother-in-law » ou « auntie » (utilisé avec les aînées) étant inacceptables dans sa culture.

J’ai fini par réussir à l’appeler « mamie » (« daadi ») à défaut de « maman ». Mais ça m’a pris du temps, parce que l’attitude des grand-mères maternelles en Inde m’a toujours pétrifiée, surtout à l’arrivée de leur unique petit-fils. Dans la grande famille indienne, le bébé n’appartient à personne ou à tout le monde, surtout à la matriarche. Alors, dès la naissance, j’ai envoyé des signaux clairs pour faire savoir que j’entendais m’occuper de mon fils moi-même : pour commencer, je n’ai pas voulu d’elle à mes côtés la première nuit – son fils allait rester à la maternité, à sa plus grande stupéfaction !

À anticiper une mainmise sur mon petit dès sa naissance, je suis devenue louve. Et puis, comme pour tout dans ma vie, j’étais décidée à me débrouiller seule. Je me suis passée d’aide les 5 premiers mois (outre celle de la femme de ménage). Mais j’ai aussi réalisé qu’on n’est peut-être jamais trop à s’occuper d’un enfant et qu’il ne sert à rien d’être trop fière… Il faut quand même préciser que dans la grande famille, où les petits-enfants vivent avec les grands-parents, le rôle de ces derniers et surtout de la grand-mère, consiste à les nourrir, les baigner, les masser, les surveiller. Mais pas à « faire des choses » avec eux. L’éveil psychomoteur des tout-petits est laissé à l’environnement et ne passe pas par des jeux, des activités entre adultes et enfants. Comme ma belle-mère n’a jamais eu l’occasion de tenir le premier rôle ni l’idée de tenir le second, trouver sa place vis-à-vis de son petit-fils n’a pas été chose aisée.

Toujours est-il qu’à avoir peur que ma belle-mère ne prenne trop d’espace, je ne lui en ai presque pas donné. À craindre qu’elle ne me juge, c’est moi qui l’ai jugée, qui ai imaginé qu’elle ne pourrait jamais me comprendre, moi, ma vie, mes habitudes, ma manière d’élever mon fils. Heureusement, les années passant, tout doucement, je me suis détendue, et j’ai compris. Qu’elle m’aimait comme sa fille et souhaitait simplement que je l’aime comme une mère. Qu’elle aime passer du temps avec nous mais sans jamais empiéter sur mon « territoire ». J’ai appris à mettre de côté nos différences d’expérience de vie pour laisser parler nos cœurs – en tout cas c’est l’idée ; en pratique nous nous respectons et nous co-existons, et c’est déjà pas mal je crois. Mais je peux quand même dire que ma belle-mère, même si nous échangeons peu de mots, c’est une belle personne. Et que ça n’a pas dû être facile pour elle de voir son fils déroger aux traditions et aller à l’encontre des attentes de la société en épousant une étrangère qui est, en plus, celle qui ramène le pain à la maison.

J’ai eu l’idée de lui demander comment elle vivait la situation. Ma démarche l’a un peu surprise – l’autoréflexion et la réflexion en Inde ne sont pas des démarches valorisées – mais ce fut l’occasion de parler de notre relation. Voici ce qu’elle m’a dit, puis écrit, quand je lui ai demandé comment elle vivait d’avoir une belle-fille étrangère et un petit-fils franco-indien :

« Le 13 avril de l’année 2014 fut une journée merveilleuse pour moi… Quand mon fils m’a annoncé qu’il était (enfin !) prêt pour le mariage, j’ai été ravie d’apprendre la nouvelle, à savoir qu’une belle-fille allait rejoindre notre famille... En plus de cela, il m’a donné une autre bonne nouvelle, j’allais bientôt être grand-mère. C’était notre rêve. Quand j’ai su dire que ma future belle-fille était étrangère, je ne l’ai pas mal pris mais j’ai été inquiétée de la réaction de mon père, qui n’a jamais été un homme facile, et de ma famille. J’ai pensé que la communication serait peut-être un peu difficile, même si je parle anglais, pas couramment mais pas trop mal non plus...

Je réalise maintenant la chance que j’ai d’avoir une bru comme la mienne... En ce qui concerne mon petit-fils, au début ce n’était pas facile car nous avions très peu de complicité... Quand il avait 3-4 ans, je ne le sentais pas attaché à moi... Ça m’a fait un peu mal mais maintenant cela va très bien, il a commencé à communiquer avec moi ainsi qu’avec ma fille, sa tante paternelle... Je me sens très heureuse... Le seul problème, c’est qu’il ne peut pas manger de nourriture épicée comme le sambar que j’ai l’habitude de préparer quand la famille se réunit.

Quand je leur rends visite, je reste en général une quinzaine de jours. J’aimerais qu’ils viennent plus souvent au Kerala et surtout qu’ils restent plus que quelques jours, au moins deux-trois semaines mais je crois que ma belle-fille s’ennuie dans les longues réunions familiales où notre langue, le malayalam, domine. J’aimerais aussi vivre avec eux mais je n’aime pas la vie dans le nord de l’Inde, le froid l’hiver, et j’ai mes activités, mon cercle, dans le Kerala. Pour l’instant, j’arrive à vivre seule. On verra ensuite… »

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Ce dessin n'a rien d'une exagération. J'ai reçu un témoignage d'une jeune mariée qui se demandait si c'était normal que sa belle-mère dorme avec elle et son mari... Vos témoignages d'expérience avec une belle-mère (indienne ou pas) - dans un sens ou dans l'autre - sont les bienvenus et je serais heureuse de les publier !

lundi, 04 avril 2022

Ma belle-mère indienne et moi - Intro

Introduction

Suite au témoignage de mon expérience avec ma belle-mère indienne (post), j'ai décidé de laisser la parole à d'autres françaises mariées à des Indiens. Et tu vas voir que les situations et les relations sont diverses et variées !

Mais d'abord, laisse-moi te brosser le tableau. Il existe autant de belles-mères qu’il existe de femmes. Néanmoins, la belle-mère indienne mérite son propre cliché. Je pourrais écrire un livre sur le sujet – je l’ai peut-être même fait ! – mais je me contenterai de quelques explications. La femme hindoue accomplit son devoir terrestre en mettant au monde un (ou des) fils. Voilà ce qu’on attend d’elle et ce qu’elle attend d’elle-même. Pour ce faire, elle va vivre dans sa belle-famille où elle doit obéissance et respect à ses aînés, c’est-à-dire surtout ses beaux-parents. Elle s’occupe d’eux, s’assure que tout le monde soit nourri, et que la maisonnée tourne. Qu’elle travaille ou pas à l’extérieur, elle ne doit pas négliger aucune de ses tâches familiales et ménagères. Elle doit supporter les frasques de son mari si ce dernier est imbu d’autorité, ce qui n’est pas rare dans une société patriarcales.

Quand on entend les femmes indiennes, elles supporteraient plutôt bien la situation, y étant préparées dès l’enfance. À vrai dire, beaucoup d’entre elles souffrent du joug du mari et/ou de la belle-mère. Surtout quand le fils se prend d’affection pour sa femme et qu’elle n’est plus la prunelle de ses yeux. Son plus bel amour, elle ne le trouve pas souvent dans le mariage arrangé – quoi que cela arrive – mais toujours avec son fils. Alors la nouvelle intruse, si elle est nécessaire, est parfois également vue comme une rivale. Ce qui ne simplifie pas les rapports quand tout le monde doit vivre sous le même toit, plus ou moins grand.

Évidemment, les choses se compliquent quand la belle-fille n’est pas indienne et souffre d’indépendance chronique. Les situations peuvent varier grandement selon plusieurs facteurs. Par exemple, c’est souvent plus tendu si c’est un Indien qui épouse une étrangère, car c’est la femme qui est en général dépositaire de la culture qu’elle transmet en élevant les enfants. Qu’une Indienne épouse un étranger, c’est déjà moins problématique, en général. Et puis cela dépend de l’endroit où le couple s’est formé et d’où il vit, et donc du degré d’ouverture du conjoint indien à une autre culture et celui d’exposition du conjoint non-indien à la culture indienne. Le mode de vie a également un impact qui peut varier – suivant du choix de vivre séparés ou ensemble. Enfin, chaque famille indienne a des espoirs plus ou moins nourris pour leur progéniture et est plus ou moins ouverte d’esprit. Il n’y a donc pas de règles, les relations avec la belle-mère peuvent changer du tout au tout. Je vous livre dans cette série quelques témoignages !

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