lundi, 25 février 2019
Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part3/3
Le dernier jour je me suis autorisée un peu de liberté et suis partie m’adonner à mon activité préférée, la marche. Je me suis enfoncée sur un pseudo chemin dans la forêt et j’ai marché, marché, au son de mon MP3. Au début je me suis imaginée héroïne déjouant des plans de terroristes planqués dans les cabanes enneigées. Je me suis mise à faire un peu moins la maligne quand j’ai retiré mes écouteurs pour profiter des bruits de la forêt et que j’ai entendu un pom-pom-pom feutré mais distinct : j’allais finir en déjeuner du léopard des neiges dont on m’avait parlé ! Avant de m’évanouir de frayeur, j’ai réalisé que c’était les battements de mon cœur qui m’affolaient. J’ai alors continué à marcher et retrouvé une zone vaguement habitée. Étrangement, les restes d’un feu devant une cabane, une boîte de conserve vide quelques mètres plus loin et un peu de musique m’ont transportée direct dans un thriller d’horreur, genre True Detective. Une peur autant incontrôlable qu’irrationnelle m’a prise aux tripes et je me suis mise à couper à travers la neige pour retrouver la route. Enfoncée dans la poudreuse jusqu’aux hanches, je n’en menais pas large. J’eus alors l’idée de marcher sous le couvert des arbres où la neige est moins épaisse et je retrouvais vite un chemin. Sitôt arrivée sur le goudron, un Kashmiri me fit monter sur son quad des neiges et me déposa à bon port gentiment et gratuitement !
Les cinq nuits à Gulmarg passèrent vite et j’étais bien contente d’y avoir passé autant de temps, histoire de se sentir un peu à la maison - la plupart des touristes y passent deux nuits dans un tour du Kashmir. L’air était pur pour les poumons, la neige rafraîchissante pour l’esprit. Une jolie petite station de ski, avec sa touche indienne pour ne pas oublier qu’on est en Inde : les taxis qui klaxonnent comme à Gurgaon, les baignoires qui n’ont pas de bonde et ces types qui te harcèlent pour leurs luges (On peut aussi voir ça du bon côté quand on comprend qu’ils sont une option pour ne pas avoir à trimballer ses skis ou ses fesses ;) )
Avant de rentrer à Delhi, nous avons préféré passer une nuit à Srinagar, au cas où il neige et que les routes soient bloquées. Si les locaux nous recommandaient d’éviter les houseboats à cause du froid, j’en choisis un avec chauffage et quelle expérience ! Notre bateau était sur le lac Nigeen, moins fréquenté que son voisin, le lac Dal. C’était même tellement calme et serein que l’appel à la prière à 6h30 a failli me coller un arrêt cardiaque ! Nous avons fait une balade en barque (sikhara) sur le lac Dal, mais il faisait trop frisquet pour en profiter, malgré la couverture et le kanger du rameur. Et puis il fallut absolument s’arrêter pour visiter une boutique de souvenirs, ce qui m’horripila. Enfin, avoir un aperçu de la vie sur ce lac aux 50 000 habitants qui vivent sur les nombreux îlots est intéressant, et la quantité de houseboats (qui sont plutôt des maisons flottantes et ne bougent pas, contrairement au Kerala) est impressionnante.
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lundi, 18 février 2019
Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière - Part 2/3
La piste (en fait il y avait trois autres pistes débutantes, chacune équipée de tire-fesses, réaliserai-je plus tard) était, en plus des luges qui slalomaient à tout va et à toute barzingue, largement fréquentée par les skieurs, à écrasante majorité indiens (il paraît que les étrangers viennent plus tard). Les touristes étaient surtout locaux et j’avoue que c’est un peu surprenant de voir tous ces grands barbus en djellaba (en version d’hiver, en laine, et dont les tons et les motifs varient peu, du marron au gris et des carreaux aux rayures, le phiran, sous lequel ils transportent souvent un petit panier contenant des braises chaudes, le kanger) avec des skis aux pieds. Au-delà de la tenue et de la barbe quasiment portée par tous (68% des habitants du Jammu-Kashmir seraient musulmans, selon le recensement de 2011), les hommes ont souvent de beaux traits, une peau plus claire qu’ailleurs en Inde, et des yeux de toutes les couleurs, verts, bleus, marron clair, noirs, et une pilosité parfois un peu roussie ou blondie, effet du soleil d’hiver qui se reflète sur la neige ou tout simplement de croisements génétiques.
Le troisième jour, nous prîmes la « Gondola », deux télécabines, parmi les plus hautes du monde, pour une vue imprenable sur la chaîne himalayenne à 3747 mètres d’altitude.
Nous redescendîmes à ski, mon fils de 4 ans y compris, du premier télécabine - une piste rouge facile, qui est surtout une route. Puis, pendant que les garçons se réchauffaient à la gargote d’altitude, j’attaquais Mary’s shoulder, en haut du seul télésiège de la station. Si la pente n’était pas trop raide, qu’elle ne fut pas ma surprise (et mon angoisse) de découvrir que la piste n’était pas dammée ! La poudreuse était kiffante mais encore faut-il savoir manœuvrer. L’altitude m’a également surprise et je devais littéralement reprendre mon souffle entre deux virages ! (Il y aurait 44 descentes à Gulmarg, plus ou moins réservées aux très bons skieurs et amateurs de hors-piste ; certains accès ne se font qu’en héliski, fonctionnel à partir de mi-janvier - vu que seules quelques pistes sont dammées. Mais la neige est à se damner !)
Une fois la journée terminée, il ne faut pas s’attendre à l’ambiance de Tignes, aux bars, bowlings, boites, cinéma (de toute façon tous les cinémas ont été fermés en 1989 et n’ont pas rouvert depuis, à cause des incidents terroristes) et autres activités d’après-ski. Non, une fois la nuit tombée, c’est chacun dans son hôtel, sachant qu’il n’y a que quelques établissements - le gouvernement contrôlant heureusement les constructions - et qu’ils sont bien éloignés les uns des autres, surtout dans la nuit non éclairée et enneigée. Beaucoup ne servent pas d’alcool même s’ils en autorisent la consommation. Bref, c’est plutôt ambiance famille. A moins de copiner avec les moniteurs de ski qui partagent des cabanes et t’invitent volontiers pour un thé, un verre ou un joint ;)
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lundi, 11 février 2019
Vacances indiennes: De la chambre à gaz à la poudrière* - Part 1/3
Après un séjour somptueux à l’île Maurice, l’atterrissage dans le brumeux Gurgaon de décembre fut un peu rude. L’air de ce qu’on appelle presque affectueusement (affectueusement parce qu’on en parle constamment mais qu’on n’y fait résolument rien, à part acheter des air purifiers) maintenant en Inde la « chambre à gaz » (la super polluée Delhi et sa région) me convainquit rapidement de ne pas gâcher une opportunité de repartir.
Cap sur les montagnes - j’avais un peu peur que Goa me déçoive après les plages mauritaniennes et puis il faut profiter du fait que nous habitons dans le nord de l’Inde. Cap sur une destination enneigée donc. Oui mais laquelle? Manali (Himachal Pradesh) est l’option la plus courue mais la perspective de 16 heures de bus sur des routes hivernales m’a refroidie. Auli (Uttarakhand) me tentait bien mais c’est aussi loin et apparemment peu achalandé en hôtels. Gulmarg (Kashmir) remporta donc le choix. Mon Indien préféré eut la bonne idée de vérifier la météo et le niveau de neige - ça me semblait évident qu’à 2500 mètres ce serait enneigé mais la saison ne démarre en fait que mi-janvier, pour un gros mois. Nous atterrîmes donc après deux journées de neige à Srinagar, capitale du Kashmir, et prîmes directement un taxi pour Tanmarg puis un autre (avec les chaînes) pour Gulmarg. Après à peine deux heures de route, nous étions dans la capitale indienne du ski! Un guide a sauté dans notre 4x4 à Tanmarg et s’est mêlé de tout nous expliquer, à nous autres, pauvres touristes déboussolés qui ne comprenions rien: tu loues les équipements ici (300 rs la journée, 150 la demi-journée et 400 pour les étrangers), tu trouves le moniteur de ski ici (2200 rs affichés mais négociables), les télécabines coûtent tant (750 rs pour le premier tronçon, 950 de plus pour le deuxième). Nous n’avions même pas encore touché la neige, et cet excès d’hospitalité (monnayée évidemment) nous mit un peu mal à l’aise. Avions-nous vraiment besoin d’un guide ??
Le réceptionniste de l’hôtel ne fut pas d’une grande aide, en fait rien ne nous fut expliqué, même en ce qui concernait l’hôtel. Hôtel qui de prime abord nous plut d’ailleurs moyennement, un peu défraîchi avec des taches d’humidité ici et là qui faisaient mauvais ménage avec le prix. Le mieux c’est quand mon Indien préfère a fait remarquer au garçon le bruit de la chasse d’eau et que ce dernier s’est empressé de régler le problème en... fermant la porte, qui n’avait bien sûr aucune étanchéité sonore. Mais il faisait bon avec le chauffage central et la couverture électrique chauffante, et le ton était plutôt chaud avec le côté chalet en bois. Tout alla mieux, surtout mon début de mal des montagnes, une fois les toilettes réparées et le dîner avalé.
Après une rapide reconnaissance des lieux avec notre « guide », ce n’est que le lendemain que nous partîmes vraiment en exploration. Enfin, jusqu’aux pistes au moins, les garçons s’y essayant pour la première fois, chacun avec leur prof particulier, pendant que Bibi prenait des photos et refoulait les assauts de la faune locale: vendeurs de kawa (thé local aux amandes et safran), d’œufs durs, d’eau, de gants et lunettes de soleil, et loueurs de luge. On se croirait au bazar en haut et en bas de la piste pour débutants. Les loueurs de luge étaient particulièrement insistants. Et me prenaient pour une folle ou une pingre égoïste quand je refusais et galérais sur les pentes enneigées avec mon fils sur les épaules. Va leur expliquer qu’il ne veut pas monter sur leur luge... qui d’ailleurs t’évite certes de marcher mais te fait bien travailler les abdos pour tenir dessus. J’ai vu à Mont Abu des espèces de brouettes pour transporter les gens, à Gulmarg, l’hiver, c’est la luge. Surtout ne marchons pas trop...
* Cet ancien haut lieu culturel et touristique souffre des conflits (et surtout de leur mauvaise presse médiatique) entre Pakistanais, Indiens et indépendantistes Kashmiris qui se disputent le territoire depuis la fin des années 80. Les incidents sont réguliers, même si le nombre de victimes est relativement limité. Quoi qu’il en soit, l’armée est partout.
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