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Carnets de Tanzanie - 1. Partir
Si les voyages forment la jeunesse, les empreintes qu’ils laissent sont plus ou moins indélébiles. Je devais avoir une dizaine d’années quand mes parents m’emmenèrent en Tanzanie. Je n’étais alors pas encore habituée à bourlinguer à l’étranger et quel choc se fut… Les éléphants passant entre les tentes la nuit ; l’odeur indéfinissable des maasaïs ; les touristes un peu cons qui tentent la balade digestive après le dîner et qui, dans la nuit noire, se font cerner par des hyènes dont ils ne discernent que le reflet de la lampe dans les yeux, lesquels se révèleront appartenir à… des gazelles apeurées. Ce voyage fut tellement fort que, une fois rentrée en France, je me payai une semaine de nostalgie, pleurant tous les soirs à la pensée des girafes qui me manquaient tant.
Quand surgit l’idée de passer Noël en famille à Zanzibar – le déplacement se révélant moins onéreux que Goa –, je sautai sur l’occasion de prolonger le séjour et faire vivre une expérience hors-normes à mon fils de 9 ans. Mais préparer un voyage en Tanzanie n’est pas une mince affaire… Faire des safaris, oui, évidemment. Mais lesquels ? Les joyaux (Tarangire, Manyara, Ngorongoro, Serengeti) ou d’autres plus petits, moins connus mais aussi moins chers ? Louer une voiture, utiliser un tour opérateur ou organiser moi-même avec les hôtels ? Dormir dans les parcs nationaux ou en lisière ?
Pour commencer, j’éliminai le saint des saints, le plus beau parc animalier du monde selon National Geographic, le Serengeti (qui devient le Masai Mara dans sa partie kenyane). Très onéreux et trop loin de l’aéroport le plus proche – pour ceux qui ne peuvent pas se payer l’atterrissage sur la piste du parc et qui doivent rouler plus de six heures. A la place, j’optai pour une version miniature du dit parc, le Tarangire, qui a de commun avec son célèbre voisin les plaines interminables, la savane, les baobabs, etc. Ne lui manquent que les léopards et les cheetahs. Nous saurions nous en consoler, j’en étais sûre. Et puis zapper le Serengeti nous permettrait de visiter un autre bijou, le cratère du Ngorongoro – Ngoro-ngoro, le bruit des cloches des vaches maasaïs, un des rares noms de lieu que je n’ai jamais oublié… Là, point d’arbres mais une faune abondante dans un cadre totalement unique.
Cette solution nous laisserait aussi trois jours pour voir un peu de la Tanzanie « hors des sentiers battus ». Je trouvai deux options : Lushoto et Lake Natron. Lushoto, c’était la promesse de forêts, de montagnes, de couchers de soleil magnifiques, de randonnées et de cascades. Mais c’était aussi huit heures de route depuis les parcs et six heures de plus pour rejoindre Dar Es Salaam. Quant à Lake Natron, il promettait, après un trajet éprouvant pour y arriver, une plongée en pays maasaï, un lac rouge et parsemé de flamands roses, les plus vieilles empreintes humaines, et un volcan en activité à escalader. Mon fils étudiait alors les « premiers hommes » et les volcans à l’école, alors Lake Natron l’emporta. Et puis je décidai d’organiser les transports avec les hôtels et sur place. Certes, conduire nous-même nous aurait rendu autonome et fait économiser du temps à trouver des chauffeurs et à négocier, et puis aussi de l’argent – je calculais que, théoriquement, nous économiserions 30% du budget déplacements terrestres. Mais je nous voyais mal négocier les pistes dans les parcs, même accompagnés de rangers. Et puis nous n’avions que six jours sur place, à peine le temps de nous mettre dans la bain que nous aurions à rendre la voiture.
lundi, 01 janvier 2024 | Lien permanent
Les cradingues en vadrouille dans la mangrove…
Voilà un angle intéressant pour raconter mon voyage aux Sundarbans ;)
Départ de Kolkata à 8h30 du matin pour 3 heures de route dans un van tout déglingos. Les cuisses collées au siège en simili cuir par la transpiration. On fait contre mauvaise fortune bon cœur et avale des litres d’eau.
Arrivés à l’embarcadère nous embarquons sur une barque à moteur qu’un gars écope énergiquement. Il est midi, pas un pet d’ombre et la traversée n’en finit plus – c’est long une heure et demi par 40 degrés…
Nous débarquons enfin sur notre île, direction l’éco-village. Enfer et damnation, y a du réseau téléphonique !! Je ne me laisse pas abattre et éteins mon téléphone comme si de rien n’était : je suis en vacances !!
Sur notre gauche, une espèce de grosse mare d’eau marronnasse dans laquelle se prélasse un buffle. Et dans laquelle on nous propose d’aller se rafraîchir… Comme nous ne savons pas trop s’il s’agit d’une blague, nous commençons par aller déposer nos affaires dans la chambre. Et là, à ma grande surprise (et je dois même avouer soulagement, vu que j’avais opté pour l’option vacances roots sans électricité), il y a un ventilo – on ne va donc pas mourir de chaud !!
Je rentre dans la salle de bain plongée dans le noir pour découvrir que...
... 1. En fait le fan c’est pour la déco, il n’y a en effet pas d’électricité et 2. L’eau qui sort des robinets pue et il y a un dépôt dans le seau. Nous en tirons donc la conclusion qui s’impose : l’eau de la douche vient de la « piscine » naturelle. Ni une ni deux nous enfilons nos maillots et courrons barboter dans la vase !! Et comme ça fait du bien !!
Le ton est donné… Traitement spécial pour ma peau qui recevra à intervalles réguliers de la crème solaire, de l’eau boueuse et de l’anti-moustique… Le tout activement mélangé par la transpiration, parce que je sue comme une truie. Je sue tellement que malgré les trois litres d’eau enfilés chaque jour je fais à peine pipi !!
La nuit, je me réveille en suffocant. Pas d’air dans la moustiquaire… Pour un peu j’irais dormir dehors mais je n’ose pas traîner mon matelas dehors. Et puis y a des rats qui se baladent, je les ai vus faire leur ronde dans la cahute où nous dînons. Assis par terre sur des nattes, nous nous en donnons à cœur joie avec les mains. De même sur le bateau où l’opération de manger avec ses doigts présentent une difficulté supplémentaire (à celle de n’avoir pas d’eau claire pour se laver les mains), à savoir : avec le vent, on se retrouve vite avec du curry plein les jambes et des grains de riz dans les cheveux. Il faut savoir vivre dangereusement !
Deux jours d’affilée nous nous levons à 5h30 du matin pour aller passer la journée à sillonner les canaux du delta des Sundarbans dans l’espoir de voir un tigre. Comme nous sommes bien à l’est et que l’Inde n’a qu’un seul fuseau horaire, il fait grand soleil au lever. Et il fait presque frais ! Jusqu’à 6h où on a l’impression qu’il est déjà midi !! Ecrasée par la chaleur, mes journées sur le bateau se passent allongée sur les matelas, oscillant entre siestes profondes et siestes moins profondes. Quand un matelot me sort de la soute un oreiller avec de grosses traces blanches (sa sueur je présume, et probablement celle d’autres personnes aussi), j’ai trop sommeil pour réfléchir et y pose ma tête avec délectation. Chaque instant je repousse les limites de l’hygiène !
Voilà par exemple qu’on nous amène du chai. C’est marrant la tasse a un goût salé. Bon. Ils ont dû la laver dans l’eau marron de la rivière. Normal. Bois ton chai et tais-toi.
Nous descendons une fois ou deux de l’embarcation pour monter dans une tour d’observation et regarder les animaux qui viennent boire dans un bassin artificiel d’eau claire (de pluie). Sauf que les animaux sont pas fous et ne sortent pas à midi ! Pas plus que nous devrions sortir nous aussi ! Une petite balade de vingt minutes et je manque défaillir de déshydratation…
Le retour à Kolkata a quelque chose d’épique vu que notre barque de l’allée est en réparation...
Un quart d’heure de marche pour rejoindre l’embarcadère. Une traversée de dix minutes dans une barque surchargée d’Indiens, vélos, provisions etc. Quarante-cinq minutes sur une charrette tirée par un type qui pédale comme un beau diable alors que je transpire comme une vache rien qu’à le regarder. Parcours du combattant pour traverser le village où c’est jour de marché. Re-traversée sur une barcasse bondée. Puis van déglingos jusqu’à Kolkata.
A ce stade j’ai mal à la tête, la peau limite brûlée et je suis couverte de boue et fatiguée… Alors quand on me fait passer une goyave lavée avec dieu sait quelle eau, je regarde comment le conducteur fait et mords dedans à pleines dents sous le regard effarée des touristes québécoises qui nous accompagnent !
Je débarque donc à l’aéroport dans un état de crasse avancée. Je rêve de shampooing, de savon pour l’hygiène intime (parce que l’eau parfumée à la bouse de buffle pour se laver ça va bien quelques jours…), de crème hydratante, d’un miroir et d’une pince à épiler, d’un déo qui serve à quelque chose… Mais il va falloir patienter… Pour l’instant je me contente de faire un usage peu conventionnel de la douchette des chiottes et me lave tant bien que mal dans les toilettes de l’aéroport ! Je revis…
Bon Dieu comme j’ai eu chaud !!
Comme j’ai rêvé d’un fresh lime soda sweet (pas facile quand y a pas d’électricité…) !!
J’aurais dû écouter les Bangladais qui refusaient de m’emmener en mai ou bien googler la météo – je viens de le faire et voilà ce que je lis (et confirme) : « En mai l’été arrive et la région devient une fournaise. Les journées sont très chaudes et si les nuits sont un peu plus fraîches, ça reste au-delà du confortable. Ce n’est peut-être pas la saison idéale pour le tourisme et les activités dans la jungle. Visiter les Sundarbans en mai exige un équipement spécial pour se protéger du soleil.* »
PS : Mon pote me dit de préciser que je dois être particulièrement sensible à la chaleur parce que lui n’a pas trouvé ça si accablant que ça…
mercredi, 08 mai 2013 | Lien permanent | Commentaires (1)
Pourquoi en Inde c'est la jungle sur les routes ?
J’ai conduit mes quatre collègues au restaurant l’autre jour. Commentaire de l’un d’eux sur ma conduite : « Si un flic t’arrête il te donne direct la nationalité indienne ! » Comprenez ici qu’en dix minutes j’avais suffisamment klaxonné, fait de demi-tours impromptus et grillé de feux pour mériter le titre d’Indienne !!
Mais alors, pourquoi les Indiens conduisent-ils si mal ??
Je vous arrête tout de suite, ce n’est pas la faute des femmes au volant !! En 2011, seulement 11% des permis appartenaient à des femmes (1) ; et la plupart ne conduisent pas…
C’est une combinaison de facteurs qui explique l’anarchie qui règne sur les routes en Inde…
Il n’y a pas assez de routes (même si le réseau routier est le deuxième mondial en termes de kilomètres et croît de 4% par ans depuis 1951) (2) ; et surtout elles sont pourries ! Et je ne parle pas des routes du Madhya Pradesh (où tu mets 10 heures pour faire 500 kms), le bitume de Mumbai (la capitale économique) est plus troué que du gruyère !
Le nombre d’automobilistes augmente vitesse grand V, une petite dizaine de millions chaque année.
Et la pratique de la conduite est relativement nouvelle : en une génération (20 ans) le nombre de véhicules sur les routes est passé de 5 à 142 millions ! Et encore… à peine 1% des Indiens ont leur voiture. (3) Flippant !! (à part peut-être pour les constructeurs automobiles…)
Ce qui fait donc que la plupart des gens utilisent les transports publics (dominés à 90% par le bus) ou les rickshaws. Or les chauffeurs de bus sont des malades mentaux qui ne s’arrêtent en aucun cas (même pas pour charger les passagers). Ceux de Mumbai actionnent manuellement leur clignotant – une flèche en métal placée au niveau des fenêtres avant. Quand ils l’actionnent. Tous conduisent des engins qui datent pour la plupart de Mathusalem et qui transportent souvent 2 à 3 fois le nombre de passagers prévus. D’où des dizaines de milliers de victimes du transport public en Inde chaque année… (4)
Pour couronner le tout, la plupart des Indiens gagnent leur permis dans une pochette surprise !! Techniquement, quand tu déposes une demande de permis, on t’en donne un temporaire et pour avoir le permis définitif tu dois passer un test de conduite (ils s’en tapent que tu aies pris des cours ou non). J’ai fait un tour de table et trois de mes quatre collègues n’ont pas passé l’examen… Tout s’achète ici ! En conséquence personne ne semble vraiement savoir faire la différence entre les phares et les codes ce qui rend la conduite de nuit très aveuglante (surtout à Delhi)...
Le test en ligne pour savoir si tu connais le code de la route contient une dizaine de questions simples (5). Je l’ai fait, et puis je suis allée regarder les règles de la route en Inde (6). Il y en a tout juste une trentaine : rouler à gauche, se mettre sur la droite quand on veut tourner à droite, se mettre sur la gauche quand on veut tourner à gauche, doubler par la droite (sauf si le véhicule de devant s’est arrêté pour tourner à droite), ralentir en arrivant à une intersection ou un passage clouté, laisser la priorité à droite aux intersections quand on n’est pas sur une artère principale, ne pas faire demi-tour quand c’est interdit, ne pas écraser de piéton, laisser passer les ambulances, ne pas conduire à contre-sens dans les rues à sens unique, s’arrêter au feu et au policier qui fait la circulation. Et c’est à peu près tout !
Ah attendez ! Il y aussi les « signes/signaux ». Je vous laisse juger par vous-mêmes : « Pour indiquer un ralentissement, étendre le bras droit avec la paume vers le sol ; pour indiquer un arrêt, lever l'avant-bras droit verticalement à l'extérieur, paume vers la droite ; pour tourner à droite, tendre la main droite en position horizontale à l'extérieur avec la paume de la main tournée vers l'avant ; pour tourner à gauche, étendre le bras droit et effectuer une rotation en sens inverse des aiguilles d’une montre ; pour dépasser, étendre la main droite et le bras horizontalement à l'extérieur et ramener le bras de l'arrière à l'avant dans un mouvement semi-circulaire. Les signaux ci-dessus peuvent également être simplifiés par des dispositifs mécaniques ou électriques. »
Enfin, la règle la plus importante, et non écrite, c’est « regarde devant toi et fonce ». Les autres t’éviteront… Inch’allah.
N’oublions pas le comportement hyper individualiste des Indiens en certaines circonstances (apparemment hérité du temps du protectionnisme, du rationnement et de la pénurie, où les Indiens devaient se battre, littéralement, pour avoir accès à n’importe quel bien de consommation (bouffe, radio, fringues etc.) qui se retrouve dans les files d’attente et… sur la route !
Et rappelons que les automobilistes ne sont pas les seuls à prendre la route… Les vaches, les chèvres, les charrettes à bœuf, les tracteurs, les chevaux ont également droit de circulation.
On mélange le tout et on obtient le chaos sur les routes ! Et évidemment y a plein d’accidents et beaucoup plus de mortels qu’on pourrait le croire vu la vitesse réduite de conduite… (7)
(2) Si l’Inde a le deuxième réseau routier du monde avec 4.2 millions de kilomètres qui croît de 4% par an depuis 1951 (3.4% depuis 2001), ça reste une croissance de plus de moitié du nombre de voitures. Source : http://www.indiaspend.com/investigations/indias-traffic-nightmare-roads-grow-4-vehicles-grow-11-2
(3) 0,3 millions vehicles in 1951, 5,4 millions in 1981, 21,4 millions in 1991, 55 millions in 2001 and 142 millions in 2011!
Sources : http://nctr.usf.edu/jpt/pdf/JPT%208-1%20Singh.pdf ; http://data.gov.in/dataset/state-wise-total-registered-mo...
Review of Urban Transportation in India: http://nctr.usf.edu/jpt/pdf/JPT%208-1%20Singh.pdf
Le parc automobile indien fait presque cinq fois celui de la France (avec 142 millions de véhicules sur les routes indiennes en 2011 contre 31 millions en France). Evidemment si on rapporte au nombre d’habitants la France a 4 fois plus de véhicules pour 1 000 habitants (481 contre 118).
Sources : http://www.statistiques-mondiales.com/ue_voitures.htm; http://www.knowindia.net/auto.html; http://www.linternaute.com/auto/magazine/l-automobile-en-10-chiffres-cles/31-millions.shtml
(4) Les bus représentent 90% du transport public en Inde – une tendance également partagée partout sauf à Mumbai où les trains transportent 58% des gens qui utilisent les transports publics. A Delhi et Chennai, moins de la moitié des gens utilisent le transport public. Une tendance opposée à Mumbai ou Kolkata – qui s’explique par la configuration des villes (les premières sont moins densément peuplées, plus polycentriques et géographiquement étalées). Le métro de Delhi est superbe mais déjà bondé (aux heures de pointe surtout) et pas pratique : sa structure en étoile impose de passer par le centre pour aller d’un point à l’autre. Bangalore et Kolkata ont aussi le métro et nombre d’autres villes y travaillent.
Sources : http://cistup.iisc.ernet.in/Urban%20Mobility%208th%20March%202012/crisis%20of%20public%20transport%20in%20India.pdf;