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Carnets de Tanzanie - 1. Partir

Si les voyages forment la jeunesse, les empreintes qu’ils laissent sont plus ou moins indélébiles. Je devais avoir une dizaine d’années quand mes parents m’emmenèrent en Tanzanie. Je n’étais alors pas encore habituée à bourlinguer à l’étranger et quel choc se fut… Les éléphants passant entre les tentes la nuit ; l’odeur indéfinissable des maasaïs ; les touristes un peu cons qui tentent la balade digestive après le dîner et qui, dans la nuit noire, se font cerner par des hyènes dont ils ne discernent que le reflet de la lampe dans les yeux, lesquels se révèleront appartenir à… des gazelles apeurées. Ce voyage fut tellement fort que, une fois rentrée en France, je me payai une semaine de nostalgie, pleurant tous les soirs à la pensée des girafes qui me manquaient tant.

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Quand surgit l’idée de passer Noël en famille à Zanzibar – le déplacement se révélant moins onéreux que Goa –, je sautai sur l’occasion de prolonger le séjour et faire vivre une expérience hors-normes à mon fils de 9 ans. Mais préparer un voyage en Tanzanie n’est pas une mince affaire… Faire des safaris, oui, évidemment. Mais lesquels ? Les joyaux (Tarangire, Manyara, Ngorongoro, Serengeti) ou d’autres plus petits, moins connus mais aussi moins chers ? Louer une voiture, utiliser un tour opérateur ou organiser moi-même avec les hôtels ? Dormir dans les parcs nationaux ou en lisière ?

Pour commencer, j’éliminai le saint des saints, le plus beau parc animalier du monde selon National Geographic, le Serengeti (qui devient le Masai Mara dans sa partie kenyane). Très onéreux et trop loin de l’aéroport le plus proche – pour ceux qui ne peuvent pas se payer l’atterrissage sur la piste du parc et qui doivent rouler plus de six heures. A la place, j’optai pour une version miniature du dit parc, le Tarangire, qui a de commun avec son célèbre voisin les plaines interminables, la savane, les baobabs, etc. Ne lui manquent que les léopards et les cheetahs. Nous saurions nous en consoler, j’en étais sûre. Et puis zapper le Serengeti nous permettrait de visiter un autre bijou, le cratère du Ngorongoro – Ngoro-ngoro, le bruit des cloches des vaches maasaïs, un des rares noms de lieu que je n’ai jamais oublié… Là, point d’arbres mais une faune abondante dans un cadre totalement unique.

Cette solution nous laisserait aussi trois jours pour voir un peu de la Tanzanie « hors des sentiers battus ». Je trouvai deux options : Lushoto et Lake Natron. Lushoto, c’était la promesse de forêts, de montagnes, de couchers de soleil magnifiques, de randonnées et de cascades. Mais c’était aussi huit heures de route depuis les parcs et six heures de plus pour rejoindre Dar Es Salaam. Quant à Lake Natron, il promettait, après un trajet éprouvant pour y arriver, une plongée en pays maasaï, un lac rouge et parsemé de flamands roses, les plus vieilles empreintes humaines, et un volcan en activité à escalader. Mon fils étudiait alors les « premiers hommes » et les volcans à l’école, alors Lake Natron l’emporta. Et puis je décidai d’organiser les transports avec les hôtels et sur place. Certes, conduire nous-même nous aurait rendu autonome et fait économiser du temps à trouver des chauffeurs et à négocier, et puis aussi de l’argent – je calculais que, théoriquement, nous économiserions 30% du budget déplacements terrestres. Mais je nous voyais mal négocier les pistes dans les parcs, même accompagnés de rangers. Et puis nous n’avions que six jours sur place, à peine le temps de nous mettre dans la bain que nous aurions à rendre la voiture.

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lundi, 01 janvier 2024 | Lien permanent

Les cradingues en vadrouille dans la mangrove…

Voilà un angle intéressant pour raconter mon voyage aux Sundarbans ;) 

 Départ de Kolkata à 8h30 du matin pour 3 heures de route dans un van tout déglingos. Les cuisses collées au siège en simili cuir par la transpiration. On fait contre mauvaise fortune bon cœur et avale des litres d’eau.  

Arrivés à l’embarcadère nous embarquons sur une barque à moteur qu’un gars écope énergiquement. Il est midi, pas un pet d’ombre et la traversée n’en finit plus – c’est long une heure et demi par 40 degrés…

 

Nous débarquons enfin sur notre île, direction l’éco-village. Enfer et damnation, y a du réseau téléphonique !! Je ne me laisse pas abattre et éteins mon téléphone comme si de rien n’était : je suis en vacances !!

 

Sur notre gauche, une espèce de grosse mare d’eau marronnasse dans laquelle se prélasse un buffle. Et dans laquelle on nous propose d’aller se rafraîchir… Comme nous ne savons pas trop s’il s’agit d’une blague, nous commençons par aller déposer nos affaires dans la chambre. Et là, à ma grande surprise (et je dois même avouer soulagement, vu que j’avais opté pour l’option vacances roots sans électricité), il y a un ventilo – on ne va donc pas mourir de chaud !! 

 

Je rentre dans la salle de bain plongée dans le noir pour découvrir que...

... 1. En fait le fan c’est pour la déco, il n’y a en effet pas d’électricité et 2. L’eau qui sort des robinets pue et il y a un dépôt dans le seau. Nous en tirons donc la conclusion qui s’impose : l’eau de la douche vient de la « piscine » naturelle. Ni une ni deux nous enfilons nos maillots et courrons barboter dans la vase !! Et comme ça fait du bien !! 

Le ton est donné… Traitement spécial pour ma peau qui recevra à intervalles réguliers de la crème solaire, de l’eau boueuse et de l’anti-moustique… Le tout activement mélangé par la transpiration, parce que je sue comme une truie. Je sue tellement que malgré les trois litres d’eau enfilés chaque jour je fais à peine pipi !!

 

La nuit, je me réveille en suffocant. Pas d’air dans la moustiquaire… Pour un peu j’irais dormir dehors mais je n’ose pas traîner mon matelas dehors. Et puis y a des rats qui se baladent, je les ai vus faire leur ronde dans la cahute où nous dînons. Assis par terre sur des nattes, nous nous en donnons à cœur joie avec les mains. De même sur le bateau où l’opération de manger avec ses doigts présentent une difficulté supplémentaire (à celle de n’avoir pas d’eau claire pour se laver les mains), à savoir : avec le vent, on se retrouve vite avec du curry plein les jambes et des grains de riz dans les cheveux. Il faut savoir vivre dangereusement !

Deux jours d’affilée nous nous levons à 5h30 du matin pour aller passer la journée à sillonner les canaux du delta des Sundarbans dans l’espoir de voir un tigre. Comme nous sommes bien à l’est et que l’Inde n’a qu’un seul fuseau horaire, il fait grand soleil au lever. Et il fait presque frais ! Jusqu’à 6h où on a l’impression qu’il est déjà midi !! Ecrasée par la chaleur, mes journées sur le bateau se passent allongée sur les matelas, oscillant entre siestes profondes et siestes moins profondes. Quand un matelot me sort de la soute un oreiller avec de grosses traces blanches (sa sueur je présume, et probablement celle d’autres personnes aussi), j’ai trop sommeil pour réfléchir et y pose ma tête avec délectation. Chaque instant je repousse les limites de l’hygiène !

Voilà par exemple qu’on nous amène du chai. C’est marrant la tasse a un goût salé. Bon. Ils ont dû la laver dans l’eau marron de la rivière. Normal. Bois ton chai et tais-toi.

Nous descendons une fois ou deux de l’embarcation pour monter dans une tour d’observation et regarder les animaux qui viennent boire dans un bassin artificiel d’eau claire (de pluie). Sauf que les animaux sont pas fous et ne sortent pas à midi ! Pas plus que nous devrions sortir nous aussi ! Une petite balade de vingt minutes et je manque défaillir de déshydratation…

 

Le retour à Kolkata a quelque chose d’épique vu que notre barque de l’allée est en réparation...

 

Un quart d’heure de marche pour rejoindre l’embarcadère. Une traversée de dix minutes dans une barque surchargée d’Indiens, vélos, provisions etc. Quarante-cinq minutes sur une charrette tirée par un type qui pédale comme un beau diable alors que je transpire comme une vache rien qu’à le regarder. Parcours du combattant pour traverser le village où c’est jour de marché. Re-traversée sur une barcasse bondée. Puis van déglingos jusqu’à Kolkata. 

 

A ce stade j’ai mal à la tête, la peau limite brûlée et je suis couverte de boue et fatiguée… Alors quand on me fait passer une goyave lavée avec dieu sait quelle eau, je regarde comment le conducteur fait et mords dedans à pleines dents sous le regard effarée des touristes québécoises qui nous accompagnent !

 

Je débarque donc à l’aéroport dans un état de crasse avancée. Je rêve de shampooing, de savon pour l’hygiène intime (parce que l’eau parfumée à la bouse de buffle pour se laver ça va bien quelques jours…), de crème hydratante, d’un miroir et d’une pince à épiler, d’un déo qui serve à quelque chose… Mais il va falloir patienter… Pour l’instant je me contente de faire un usage peu conventionnel de la douchette des chiottes et me lave tant bien que mal dans les toilettes de l’aéroport ! Je revis… 

 

Bon Dieu comme j’ai eu chaud !! 

 

Comme j’ai rêvé d’un fresh lime soda sweet (pas facile quand y a pas d’électricité…) !!

 

J’aurais dû écouter les Bangladais qui refusaient de m’emmener en mai ou bien googler la météo – je viens de le faire et voilà ce que je lis (et confirme) : « En mai l’été arrive et la région devient une fournaise. Les journées sont très chaudes et si les nuits sont un peu plus fraîches, ça reste au-delà du confortable. Ce n’est peut-être pas la saison idéale pour le tourisme et les activités dans la jungle. Visiter les Sundarbans en mai exige un équipement spécial pour se protéger du soleil.* »

 

PS : Mon pote me dit de préciser que je dois être particulièrement sensible à la chaleur parce que lui n’a pas trouvé ça si accablant que ça…

 

* http://www.mustseeindia.com/Sundarbans-weather

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mercredi, 08 mai 2013 | Lien permanent | Commentaires (1)

Pourquoi en Inde c'est la jungle sur les routes ?

inde,circulation,conduite,conduire,code de la route,règles,voiture,conduite à gauche,permis,bus,transport public,métro,réseau routier,parc automobile,accidents,route,rue,vaches,chèvres,rickshawsJ’ai conduit mes quatre collègues au restaurant l’autre jour. Commentaire de l’un d’eux sur ma conduite : « Si un flic t’arrête il te donne direct la nationalité indienne ! » Comprenez ici qu’en dix minutes j’avais suffisamment klaxonné, fait de demi-tours impromptus et grillé de feux pour mériter le titre d’Indienne !! 

Mais alors, pourquoi les Indiens conduisent-ils si mal ?? 

 

Je vous arrête tout de suite, ce n’est pas la faute des femmes au volant !! En 2011, seulement 11% des permis appartenaient à des femmes (1) ; et la plupart ne conduisent pas…  

 

C’est une combinaison de facteurs qui explique l’anarchie qui règne sur les routes en Inde…  

 

Il n’y a pas assez de routes (même si le réseau routier est le deuxième mondial en termes de kilomètres et croît de 4% par ans depuis 1951) (2) ; et surtout elles sont pourries ! Et je ne parle pas des routes du Madhya Pradesh (où tu mets 10 heures pour faire 500 kms), le bitume de Mumbai (la capitale économique) est plus troué que du gruyère ! 

 

Le nombre d’automobilistes augmente vitesse grand V, une petite dizaine de millions chaque année. 

Et la pratique de la conduite est relativement nouvelle : en une génération (20 ans) le nombre de véhicules sur les routes est passé de 5 à 142 millions ! Et encore… à peine 1% des Indiens ont leur voiture. (3) Flippant !! (à part peut-être pour les constructeurs automobiles…) 

 

inde,circulation,conduite,conduire,code de la route,règles,voiture,conduite à gauche,permis,bus,transport public,métro,réseau routier,parc automobile,accidents,route,rue,vaches,chèvres,rickshawsCe qui fait donc que la plupart des gens utilisent les transports publics (dominés à 90% par le bus) ou les rickshaws. Or les chauffeurs de bus sont des malades mentaux qui ne s’arrêtent en aucun cas (même pas pour charger les passagers). Ceux de Mumbai actionnent manuellement leur clignotant –  une flèche en métal placée au niveau des fenêtres avant. Quand ils l’actionnent. Tous conduisent des engins qui datent pour la plupart de Mathusalem et qui transportent souvent 2 à 3 fois le nombre de passagers prévus. D’où des dizaines de milliers de victimes du transport public en Inde chaque année… (4) 

 

Pour couronner le tout, la plupart des Indiens gagnent leur permis dans une pochette surprise !! Techniquement, quand tu déposes une demande de permis, on t’en donne un temporaire et pour avoir le permis définitif tu dois passer un test de conduite (ils s’en tapent que tu aies pris des cours ou non). J’ai fait un tour de table et trois de mes quatre collègues n’ont pas passé l’examen… Tout s’achète ici ! En conséquence personne ne semble vraiement savoir faire la différence entre les phares et les codes ce qui rend la conduite de nuit très aveuglante (surtout à Delhi)...

 

Le test en ligne pour savoir si tu connais le code de la route contient une dizaininde,circulation,conduite,conduire,code de la route,règles,voiture,conduite à gauche,permis,bus,transport public,métro,réseau routier,parc automobile,accidents,route,rue,vaches,chèvres,rickshawse de questions simples (5). Je l’ai fait, et puis je suis allée regarder les règles de la route en Inde (6). Il y en a tout juste une trentaine : rouler à gauche, se mettre sur la droite quand on veut tourner à droite, se mettre sur la gauche quand on veut tourner à gauche, doubler par la droite (sauf si le véhicule de devant s’est arrêté pour tourner à droite), ralentir en arrivant à une intersection ou un passage clouté, laisser la priorité à droite aux intersections quand on n’est pas sur une artère principale, ne pas faire demi-tour quand c’est interdit, ne pas écraser de piéton, laisser passer les ambulances, ne pas conduire à contre-sens dans les rues à sens unique, s’arrêter au feu et au policier qui fait la circulation. Et c’est à peu près tout ! 

Ah attendez ! Il y aussi les « signes/signaux ». Je vous laisse juger par vous-mêmes : « Pour indiquer un ralentissement, étendre le bras droit avec la paume vers le sol ; pour indiquer un arrêt, lever l'avant-bras droit verticalement à l'extérieur, paume vers la droite ; pour tourner à droite, tendre la main droite en position horizontale à l'extérieur avec la paume de la main tournée vers l'avant ; pour tourner à gauche, étendre le bras droit et effectuer une rotation en sens inverse des aiguilles d’une montre ; pour dépasser, étendre la main droite et le bras horizontalement à l'extérieur et ramener le bras de l'arrière à l'avant dans un mouvement semi-circulaire. Les signaux ci-dessus peuvent également être simplifiés par des dispositifs mécaniques ou électriques. »

Enfin, la règle la plus importante, et non écrite, c’est « regarde devant toi et fonce ». Les autres t’éviteront… Inch’allah.

 

N’oublions pas le comportement hyper individualiste des Indiens en certaines circonstances (apparemment hérité du temps du protectionnisme, du rationnement et de la pénurie, où les Indiens devaient se battre, littéralement, pour avoir accès à n’importe quel bien de consommation (bouffe, radio, fringues etc.) qui se retrouve dans les files d’attente et… sur la route !  

 

Et rappelons que les automobilistes ne sont pas les seuls à prendre la route… Les vaches, les chèvres, les charrettes à bœuf, les tracteurs, les chevaux ont également droit de circulation.  

 

On mélange le tout et on obtient le chaos sur les routes ! Et évidemment y a plein d’accidents et beaucoup plus de mortels qu’on pourrait le croire vu la vitesse réduite de conduite… (7)  

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(1) Source : http://articles.timesofindia.indiatimes.com/2012-03-08/chennai/31135711_1_women-friendly-licences-motorcycle-manufacturers 

(2) Si l’Inde a le deuxième réseau routier du monde avec 4.2 millions de kilomètres qui croît de 4% par an depuis 1951 (3.4% depuis 2001), ça reste une croissance de plus de moitié du nombre de voitures. Source : http://www.indiaspend.com/investigations/indias-traffic-nightmare-roads-grow-4-vehicles-grow-11-2 

(3) 0,3 millions vehicles in 1951, 5,4 millions in 1981, 21,4 millions in 1991, 55 millions in 2001 and 142 millions in 2011!  

Sources : http://nctr.usf.edu/jpt/pdf/JPT%208-1%20Singh.pdf ; http://data.gov.in/dataset/state-wise-total-registered-mo... 

Review of Urban Transportation in India: http://nctr.usf.edu/jpt/pdf/JPT%208-1%20Singh.pdf 

Le parc automobile indien fait presque cinq fois celui de la France (avec 142 millions de véhicules sur les routes indiennes en 2011 contre 31 millions en France). Evidemment si on rapporte au nombre d’habitants la France a 4 fois plus de véhicules pour 1 000 habitants (481 contre 118).  

Sources : http://www.statistiques-mondiales.com/ue_voitures.htm; http://www.knowindia.net/auto.html; http://www.linternaute.com/auto/magazine/l-automobile-en-10-chiffres-cles/31-millions.shtml 

(4) Les bus représentent 90% du transport public en Inde – une tendance également partagée partout sauf à Mumbai où les trains transportent 58% des gens qui utilisent les transports publics. A Delhi et Chennai, moins de la moitié des gens utilisent le transport public. Une tendance opposée à Mumbai ou Kolkata – qui s’explique par la configuration des villes (les premières sont moins densément peuplées, plus polycentriques et géographiquement étalées). Le métro de Delhi est superbe mais déjà bondé (aux heures de pointe surtout) et pas pratique : sa structure en étoile impose de passer par le centre pour aller d’un point à l’autre. Bangalore et Kolkata ont aussi le métro et nombre d’autres villes y travaillent.  

Sources : http://cistup.iisc.ernet.in/Urban%20Mobility%208th%20March%202012/crisis%20of%20public%20transport%20in%20India.pdf;

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dimanche, 20 octobre 2013 | Lien permanent | Commentaires (1)

Sacré week-end...

Samedi midi, j'ai commencé par un pétage de bide avec de la bouffe d’Inde du Sud, à Southern Spice. J’accepte désormais d’y suivre Shiv pasque j’y ai découvert un truc pas épicé qui ressemble franchement à de la blanquette… Pourquoi se priver ??!

Samedi après-midi, sortie au zoo avec Marie, et bonne partie de rigolade. D’abord le tigre royal du Bengale. Impossible de rien voir, juste une espèce de beuglement dans le lointain… Alors forcément, quand on a vu un truc blanc s'approcher entre les branchages, et ben nous nous sommes dit ça devait être la vache qu’ils lui servent en dîner… Eh non, c’était le tigre ! Nous ne savons toujours pas si il est blanc d’origine (copain !!) ou si c’est seulement un vieux, très vieux tigre. Comme il refusait de s’approcher pour la photo (le bougre), j’ai du retenir Marie qui voulait lui balancer l’hideux porc-épic en pâture, ou même pire, un ptit indien…

Ensuite le léopard. Pauvre bête dans une cage à double rangée de barreaux, dressé pour en faire le tour quand le gardien siffle. Pathétique. En plus, avec ces doubles barreaux, impossible de prendre une photo correcte. Non mais on se moque de qui ??!

Et puis les singes. Pas de commentaire pour l’instant, les photos parleront d’elle-même…

Pour finir, les serpouilles. On nous avait promis des cobras. Mais nous refusions de croire que les espèces de couleuvres endormies étaient des cobras. Ca a un coup énorme non les cobras ?? Voilà donc que je m’excite à demander en hindi où sont les foutus cobras (« cobras kaha hai ? » - c’est pas trop difficile non plus…). Le type a du se dire que ces 2 blondes étaient un cas désespéré et a fini par agiter un bâton pour les réveiller. Oh magie, des cobras !! J’ai bien fait de laisser tomber les sciences nat…

Pour 3 roupies (0,05 €), nous avons pris un bol d’air, vu 3 animaux (mais c’est mieux que rien), et eu l’impression d’attirer davantage la curiosité que les pauvres élans qui mâchouillaient leurs brins d’herbe. Sacrée sortie !

Mais dimanche a battu tous les records… Debout à 9h, nous voilà dans la voiture (avec chauffeur s’il vous plaît – il y a quand même 35 kms alors j’ai décidé de ne pas écouter les conseils de notre amie indienne qui voulait nous y envoyer en rickshaw (à ce train-là nous aurions été aussi vite en charrue à bœuf)), en route pour aller faire du canasson. Un miracle, nous ne nous sommes presque pas perdus… Là, dans un magnifique centre équestre, avec de très beaux chevaux (la main d’œuvre coûte rien ici m’avait-on expliqué en décembre), nous avons fait une petite ballade d’une demi-heure dans la campagne marathe. Marie sur Naomi, moi sur Alka (ça vous fait une belle jambe pas vrai ??). Du pas, du trot, 50m de galop, quelques buffles agressifs plus tard, nous sommes de retour au bercail, saines et sauves.

Ensuite, direction un fort. Le guide en dit que la vue est magnifique et qu’elle se mérite parce qu’il y a une montée. Point. Ni une ni deux, le chauffeur se lance en direction de Nasik. Au bout d’une heure, nous lui demandons si il reste longtemps… Une heure, 50 kms. Mais on va où là ??? Une heure plus tard, il s’arrête pour demander son chemin. Et apprend au passage qu’il reste encore 45 kms (en fait 100, c’est écrit dans le guide, oups) et que la montée dure 5 heures (ah ça non, c’est pas écrit dans le guide, dammit). Allons donc prendre un cay (thé). Tranquilou bidou le chauffeur se fait inviter ! Bon pour 5 roupies on peut rien dire… ;) Et voilà que, revigoré par le cay, il prend des initiatives et décide de nous emmener voir un temple ! Puis un deuxième… Il a vraiment repris du poil de la bête parce que le deuxième est sculpté dans la roche et y a une sacrée grimpette (aurait-il décidé de lui-même de nous consoler de notre escalade au fort avortée ??). A 17h, heure de retour prévue, nous quittons le temple, un peu angoissées à l’idée qu’il nous fasse visiter les 6 autres – nous venons en effet d’apprendre que nous nous sommes lancées dans la boucle des 8 temples de Ganesh de la région de Pune !! Mais non, le chauffeur a envie de rentrer, lui aussi. Une petite demi-heure plus tard, on se dit qu’on ne va pas tarder à arriver. Douce blague, il nous faudra encore 2h pour retrouver Pune. Mine de rien, on se sera fait presque 300 kms dans la journée !! Contre les 80 prévus au départ… (ça n’a d’ailleurs pas échappé au chauffeur, qui triplera son tarif…). Mais on en aura vu des choses !

Point culturel : l’Ashta Vinayaka ou les 8 temples de Ganesh de la région de Pune-Nasik (dont j’ignorais complètement l’existence au bout de 11 mois, la honte…). http://ganapati.club.fr/anglais/asud/adetsud.html Pour les paresseux, une brève traduction : il s’agit d’un des plus importants pèlerinage dédié à Ganesh en Inde (et nous pauvres ignorantes nous pensions visiter de banals temples…). En plus il y a un ordre : Morgaon, Pali, Mahad, Theur, Lenyadri, Ozhar, Ranjangaon, Siddhatek. Evidemment, nous avons commencé par Ozhar et fini par Lenyadri (je viens de découvrir le nom de ce temple).

637dcb0f18c4c6fa02d82d1fb13d8b99.jpgda237a690372f11da70cb1ebb151318e.jpgAlors, Ozhar, ou Shri Abhinandana a une légende : Shri Abhinandana, le roi d’Hemavati a un jour fait un grand sacrifice. Indra pensait qu’il serait viré si le roi menait à bien ce sacrifice alors il a ordonné à Kala (le dieu du temps) de mettre des obstacles sur la route du roi. En fait je comprends rien donc j’arrête de traduire… Le temple est particulier parce qu’il est entouré de 4 côtés par un mur de pierre protecteur. A l’entrée il y a 2 Deep-Malas (des piliers en pierre pour les lampes à huile) et 2 énormes Dvarapala, les gardiens de la porte – effectivement, nous avions repéré ces trucs bizarres. Le temple a 2 mandapas, un avec une statue de Dhundiraj et l’autre avec une idole de rat (ah ah, Marie, j’avais raison, c’était un rat, pas un chien, t’es trop nulle !) en position de sprinter sur le marble blanc. C’est vrai, on a vu tout ça…

Pour l’autre, Lenyadri, ou Shri Girijatmajvinayak, je vais faire court. Il est situé dans une montagne dans la région de caves bouddhistes connues. Girijâtmaja Vinayaka est enterré ici: il est considéré comme une manifestation de Ganesh enfant.96cdc6f70ccade20ede9ce63e7e561c3.jpg

La légende est intéressante : désireuse d’avoir Vinayak pour fils, Parvait a fait pénitence pendant 12 ans dans ces caves. Ganesh, satisfait, lui a donné le fils qu’elle voulait. Puis un jour, Parvati a pris un bout de son corps (ou son écharpe, j’ai pas trop compris), l’a mélangé avec de l’huile et des onguents et a formé l’idole de Ganesh. Elle célèbrait son idole (on appelle ça pooja) quand soudain l’idole a pris vie et dit à Parvati qu’elle pouvait emmener l’avatar chez elle. Le 11ème jour il a pris le nom de Ganesh, ce qui signifie la personne qui maîtrise les 3 qualités Satva, Raja and Tama. Le seigneur Shiv Shankar (non non pas le mien) lui a donné le pouvoir que quiconque se souvienne de Ganesh avant de commencer un ouvrage le finisse avec succès. Pendant les 15 premières années de sa vie à Lenyadri, Ganesh a tué pas mal de démons…

Tu savais pas tout ça, hein Marie???

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lundi, 01 octobre 2007 | Lien permanent | Commentaires (1)

Carnets de Tanzanie - 4. The mountain that broke me

A 23h30, mon guide et moi entamâmes l’ascension sous une nuit sans lune. J’avais retenu que nous devrions être au sommet en 3-4 heures et nous partîmes d’un bon pas. Même mon guide peu bavard me fit la remarque que la cadence était bonne. J’étais contente de le savoir parce que, malgré la fraîcheur de la nuit, je transpirais comme un veau et je peinais à rythmer ma respiration. Malgré tout, j’avançais, sur une pente que je trouvais quand même bien raide et à une vitesse bien élevée.

Une demi-heure après le départ, Osward, me demanda un mouchoir. Il me fit savoir qu’il serait derrière le buisson (« just around the bush »), ce qui doit surtout tenir de l’expression parce qu’il n’y a pas vraiment de végétation sur les flancs de ce volcan, et qu’il ne s’éloigna que de trois mètres avant de baisser son pantalon. Je me gardai bien de regarder dans sa direction, préférant me perdre dans un ciel étoilé de toute beauté. Je regardai aussi vers le sommet, mais sûrement nous n’allions pas affronter cette masse noire qui se profilait ? Il y aurait moyen de faire des zig-zags. Ou pas…

Mais je ne pus m’empêcher d’entendre ses pets, et la petite Parisienne policée qui sommeille encore un peu en moi s’offusqua. Tant pis pour elle. Nous reprîmes la marche, et comme cela arrive toujours à cheval – quand la bête de devant se met à flatuler, les autres suivent rapidement –, je me mis à avoir des gaz. Le repas ne passait pas. C’était bien ma veine.

2 heures et demi plus tard, nous atteignîmes le « premier camp » pour une grosse pause. Je pensais être presque au bout de mes peines mais mon guide refusa de me dire combien de temps il restait. C’est alors que passa un groupe qui se félicita d’avoir terminé la moitié de l’ascension. La moitié ?? Mais j’étais déjà morte moi ! J’essayai de reprendre des forces en buvant un jus et en fermant les yeux, mais, rapidement les ronflements d’Osward réveillèrent tout le monde, et nous nous reprîmes la route. Mon guide s’arrêta de nouveau pour déféquer. Ceci eut le mérite d’annihiler toute retenue quand, peu après, je me mis à vomir devant lui. Même si je déteste gerber, c’était ça ou arrêter l’ascension : mon corps n’avait pas l’énergie de digérer ET de marcher. D’habitude, je mets trois jours à me remettre d’un tel évènement gastrique. Là, je fus sur pattes au bout de trois minutes, priant pour que ce soit bien un signe de protestation de mon estomac et non pas le mal des montagnes ou bien mon cœur qui tirait trop sur la corde. Pourquoi n’abandonnai-je alors pas ? Je ne le saurai jamais… Osward attribua mes renvois au climat et ne se fit pas plus de souci que ça.

Sur la deuxième partie du trajet, la pente s’accentua, et il ne fut pas rare que je dusse me hisser à la force des bras. Quand j’atteignis le « deuxième camp » à 5 heures du matin, je me mis doucement à pleurer d’épuisement, et, transie de froid, je réussis à somnoler, ou peut-être même à m’endormir profondément. A 6 heures, il fallut se remettre en route pour une demi-heure de marche. C’est alors qu’Osward me demanda si j’avais des gants. Non pas. Des chaussettes alors ? C’est qu’à partir de maintenant, il allait falloir monter façon babouin, non plus debout mais parallèle à la paroi. Heureusement que j’étais trop fatiguée pour avoir peur, parce qu’un pied qui dévisse, et tu es probablement mort… Je fis la remarque à mon guide que ce passage était quand même un peu dingue et il me dit alors que oui. Il ajouta qu’il n’avait qu’un seul but : m’emmener au sommet. Ah. Et me ramener à la base ? Non parce que c’était bien beau tout ça, mais comment pensait-il que j’allais redescendre, hein ? J’étais à bout de forces moi…

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Quelques secondes plus tard, Osward me fit remarquer l’odeur de soufre, qui provoque apparemment des vomis chez beaucoup de randonneurs. Personnellement, me trimballant cette odeur dans la gorge et les narines depuis déjà 5 heures, ça ne me secoua pas plus que ça. Et puis, au détour d’une coulée de lave digne d’un Jules Vernes, le sommet était là, le fameux cratère en activité ! Avec mon allure escargot, j’avais loupé le lever de soleil mais le temps était nuageux de toute façon. Et je pus voir la lave noire gicler ici et là des petits monts dans le cratère. Mais je n’eus pas le temps de profiter de la vue très longtemps, parce qu’il allait falloir redescendre vite, afin d’éviter le soleil – en général, les grimpeurs sont de retour à la voiture vers 10-11 heures. Je ne dis rien mais n’en pensai pas moins : j’arriverai quand j’arriverai… si j’arriverai…

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Le cratère du mont Lengaï

Pour descendre les plaques de lave grimpées comme un singe, je dus faire l’araignée : assise sur les fesses, je prenais appui sur les mains – d’où l’utilité des gants car la roche n’est pas tendre, j’avais les mains complément griffées – et j’avançais les pieds. Puis je levais le derrière, poussais le bassin vers le bas et m’asseyais quelques centimètres plus loin. C’était marrant au début, avant que les rares muscles de mon corps qui n’avaient pas travaillé jusqu’à présent se mirent à râler.

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Et puis il y avait cette vue… Certes magnifique, avec les magiques plaines de la vallée du rift, rendues vertes par la pluie. Mais également complètement flippante : j’étais sur un à-pic, une pente vertigineuse de 80 degrés au moins, et la descente qui s’ouvrait sous mes pieds était inconcevable. (D’où l’intérêt, en plus d’éviter la chaleur, de faire l’ascension de nuit : de l’accord général, si tu voyais où tu allais, tu ne monterais certainement pas.) J’avançais néanmoins, m’arrêtant ça et là quand mes jambes me faisaient trop souffrir. J’atteignis très péniblement ) le « premier camp », sans jamais me plaindre (à haute voix), et ne laissant les larmes (d’épuisement) couler que quand j’étais seule. Il était midi. J’avais trois heures de retard. Et heureusement que les nuages étaient de la partie ce jour-là ou bien j’aurais été carbonisée.

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C’est alors qu’Osward me fit savoir :

  • Bon, maintenant, il faut accélérer le rythme et plus de pauses jusqu’à la voiture.
  • Pardon ?
  • Hein ?
  • Tu peux répéter ?
  • Maintenant, plus de pauses jusqu’à la voiture.

Sachant que le trajet depuis le parking jusqu’à ce camp nous avait pris 2h30 à l’aller, comment croyait-il que je pourrais faire tout ça sans m’arrêter ? Je ne voyais pas la fin de la pente, j’en avais marre. J’aurais plus lui cracher toute la haine que j’avais pour le volcan mais je me contentai de lui asséner :

  • Tu n’as qu’à te dépêcher de rentrer si tu veux. Et tu seras gentil d’aller trouver mon Indien préféré et de lui dire de venir me chercher. Moi je vais faire des pauses si je veux. Non mais oh.

Sur ce, mue par une colère indicible, je partis comme une flèche. En tout cas c’était l’idée. Dans la réalité, mes jambes refusèrent de me suivre et une tortue de trois cents kilos aurait rigolé de mon allure. Néanmoins mon guide comprit le message et s’élança derrière moi !

  • T’énerve pas Mama !

Si, Mama était très énervée – contre son idée stupide d’escalader cette montagne alors qu’elle était arrivée en vacances épuisée et que les derniers jours passés n’avaient pas été de tout repos, et contre son opiniâtreté qui l’avait empêchée d’abandonner à mi-chemin. Mais je ne fus pas capable de lui dire tout ça et soudain, je débranchai. Je fondis en larmes et, entre deux sanglots :

  • Mais je suis à bout de forces, moi. J’en peux plus ! Tu crois que ça m’amuse de faire des pauses ? J’ai pas kiffé une seule minute sur les douze dernières heures, je suis crevée, j’ai rien pu avaler, j’en ai marre !
  • Ok, Mama, je suis désolé, je n’avais pas conscience que ça n’allait pas. T’inquiète pas, on va y arriver. Pole pole… On va faire autant de pauses dont tu as besoin et ça va le faire.
  • Va chercher mon Indien préféré s’il te plaît…
  • Et il va faire quoi ? T’envoyer un avion ?
  • Peut-être juste une girafe pour me porter ?
  • Dis pas n’importe quoi… Tiens, regarde où est la voiture !

A travers mes larmes, je ne vis rien. Ou bien est-ce parce que ma vision d’Occidentale tient plus de celle de la poule que du faucon maasaï ? Enfin, si, il y avait des points ici et là, tous très très loin. Alors mes larmes redoublèrent. Ce fut l’une des rares fois de ma vie où je me défis de ma pudeur et que j’avouai ma faiblesse. En toute honnêteté, je n’avais aucune idée de comment continuer, mes jambes n’en pouvaient plus. J’en avais jamais chié autant, même pas pendant mon accouchement.

Osward me débarrassa alors de mon sac et j’avançais, pas à pas, en pleurant d’anxiété à chaque fois que je pensais à mon fils – que j’imaginais ne plus jamais revoir – et que je m’adressais mentalement à mon Indien préféré. Je lui faisais me dire des mots d’encouragement qu’il saurait me donner. De temps à autre, je réactivais mes données sur le téléphone, espérant capter du réseau pour l’appeler – même si je redoutais qu’il m’engueule d’être aussi bornée et de ne pas avoir fait demi-tour, je savais qu’entendre sa voix me donnerait du courage.

Avec la fatigue, je n’arrivais presque plus à ne pas glisser et le choc fut encore pire pour les genoux. J’atterris plusieurs fois sur les fesses et envisageai de rester là. Mais à chaque fois, je me relevais, et continuais, non sans envisager de finir à quatre pattes, en rampant, voire en me faisant tirer par les cheveux ou les mains. A un moment donné, Osward m’attrapa par le bras avec une force incroyable, et malgré la chiasse qui l’avait fait se vider trois fois, il me soutint. Décidément, notre duo n’était vraiment pas de choc.

Lors d’une énième pause, mon guide me fit savoir que Peter, notre chauffeur, qui m’était aussi sympathique qu’Osward m’était antipathique, venait à notre rencontre. Il ne pouvait pas le reconnaître bien sûr, mais il n’y avait pas de vaches alentour, alors ça ne pouvait pas être un maasaï en goguette. J’en pleurai de gratitude. Oh Peter ! Il offrit de me porter sur son dos mais vu comme nous dérapions, je préférai encore m’asseoir et attendre d’aller mieux…

Alors Osward et Peter me prirent chacun un bras, avec force, et me soutinrent pendant les deux heures restantes – je leur rendais parfois la pareille, les retenant quand c’était eux qui trébuchaient le long du chemin. Je m’asseyais parfois sans préavis, surtout si je croisais un petit acacia ombragé – à midi, le soleil était sorti et il brûlait fort. Je m’assis même à l’ombre d’un nuage, qui eut la cruauté de se dissiper aussitôt mes fesses au sol. Souvent, je m’allongeais dans la poussière, même si mon guide m’enjoignait à ne pas m’endormir. Mon corps risquait de se détendre. Je promettais de ne pas dormir. Une fois, je me mis à rêver, encore éveillée. Quasiment immédiatement, Osward et Peter me tirèrent manu militari pour me remettre debout, à moitié dans les vapes – ils avaient dû percevoir la secousse annonciatrice du sommeil. Peter m’encourageait, « pole pole, tara tibou, doucement doucement, slowly slowly ». Je l’aurais embrassé. En revanche, je détestais quand Osward se mettait à lui parler, rien que d’entendre sa voix me pompait de l’énergie.

Ici et là, sûre d’arrivée inconsciente, je faisais promettre à Peter d’aller chercher mon Indien préféré dès que nous serions au lodge. Et de ne pas oublier de lui dire que j’avais besoin d’eau. Car, pour ajouter à la difficulté, je n’en avais plus, et mon guide non plus. J’avais essayé de manger un pancake et des bouts de chikki pour me donner de l’énergie mais mon estomac protestait, et ce genre de nougat indien m’avait asséché le palais. Je pleurais souvent, d’épuisement et d’inquiétude. Et puis j’arrêtais, quand je n’avais même plus l’énergie de produire des larmes. Rassembler suffisamment de forces pour baisser mon pantalon et faire pipi me prit cinq heures. J’envisageai même sérieusement de m’uriner dessus, heureusement que l’envie n’était pas trop pressante. Finalement, incapable de continuer, je demandai à Peter si sa proposition de me porter tenait toujours. Très galamment il me demanda mon poids, avant d’ajouter que ce n’était pas possible. Mais je n’avais pourtant pas rêvé sa proposition !

Et puis enfin, nous étions à la voiture. Cette fois, je pleurai de soulagement. Je pleurai tellement que, allongée sur la banquette arrière, je n’arrivai pas à trouver le sommeil, malgré les 15 heures de marche, l’indigestion, le manque de sommeil, de nourriture et d’eau. Je savais que nous ne n’en trouverions pas sur notre route dans ce désert, et, ayant connu de sévères déshydratations en Inde, je paniquai un peu des conséquences.

C’est alors que la jeep s’arrêta et que j’entendis une voix familière. Mon Indien préféré était là ! Je me débattis avec la portière qui ne s’ouvrait que de l’extérieur en ne cessant de répéter « Chéri ! T’es là ? Oh chéri !!! Mais t’es vraiment là ? ». Mes yeux étaient en crue, inondant mes joues de larmes de gratitude. Il était là ! J’étais sauvée ! Il était venu à ma recherche en picki-picki, sur la moto de Willie, et il avait de l’eau. Je suis revenue à la vie en trois minutes. Envolée la fatigue des jambes… Alors que dix minutes plus tôt, j’étais persuadée que je ne pourrais plus jamais marcher et qu’il faudrait me porter de la voiture à mon lit, j’eus la force d’aller chercher mon certificat d’ascension et même de sourire pour une photo.

Arrivée au lodge, je traversai l’immense pelouse pour trouver mon fils et le serrer dans mes bras – encore en pleurant –, puis dans l’autre sens pour prendre une douche et me débarrasser de la sueur, du vomis, de l’urine – toujours en pleurant. Le lendemain, j’avais presque arrêté de pleurer quand une touriste vint me féliciter de mon exploit. Elle me demanda si ça allait, je lui dis que ça avait été horrible et que je n’aurais jamais dû me lancer dans un truc pareil. Elle me fit alors remarquer que je pouvais être fière et, dans la foulée, que la montagne m’avait cassée. Et c’est exactement ça, le Lengaï m’a cassée… En mille morceaux.

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Ol Doinyo Lengaï : la montagne de Dieu, sacrée pour les maasaïs, un lion, 2 960 mètres d’altitude, seul volcan au monde en activité à émettre de la natrocarbonatite qui confère à la lave, par ailleurs très fine, une teinte noire lorsqu’elle est en fusion et blanche quand elle refroidit. La dernière éruption eut lieu entre 2007 et 2008. L’aller-retour fait un peu plus de onze kilomètres – sur à peu près douze heures –, et on monte de 1600 mètres sur cinq kilomètres, ce qui signifie que l’on grimpe deux kilomètres à la verticale pour atteindre le sommet. Un guide, qui a éclairé le chemin pour cinquante groupes, a dû faire demi-tour dans plus de la moitié des cas (trente fois). Une Allemande qui, prise d’une panique d’attaque, refusa de descendre, dut payer 800$ pour être portée du sommet à la base par quinze hommes qui la portaient à tour de rôle, deux minutes chacun. Dieu sait si j’aurais tenté l’ascension si j’avais lu ce blog avant…

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lundi, 22 janvier 2024 | Lien permanent | Commentaires (1)

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